CHAPITRE 8

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Neuf heures. Allongé dans mon lit, je regarde l'heure sur mon téléphone. Au contraire de certains jours où le réveil était plus complexe, je me suis réveillé aujourd'hui frais et motivé pour cette journée. J'ai envie que ce soit une bonne journée. J'ai envie d'en profiter. Surtout que demain midi aura lieu le fameux repas de famille que je redoute. Alors il vaut mieux que je sorte afin de me changer les idées pour de ne pas passer la journée à ruminer. Ce serait dommage d'avoir envie de les frapper dès que je les verrais. Un petit sourire se dessine sur mes lèvres alors que j'imagine leur réaction. J'échappe un rire puis quitte la chaleur de mon lit pour le parquet froid. Un frisson me parcourt alors que je fais rapidement mon lit. Pour commencer une bonne journée, autant s'organiser. La fenêtre de ma chambre est ouverte pour aérer la pièce alors que j'enfile mes vêtements après une bonne douche. Un jean slim assez serré et un tee-shirt Marvel. Une veste en jean et des converses. Une tenue agréable et tranquille pour cette journée.

Ce matin, j'ai envie d'un brunch alors sans réfléchir, je quitte mon appartement pour partir à la recherche du café qui me fera de l'œil. Et ce n'est que trente minutes de marche et de recherche plus tard que je trouve ce que je cherchais : des murs de briques, des verrières et des plantes. Je sens déjà que ce lieu va me plaire. Entrant dans la bâtisse, je m'installe à une table alors qu'un serveur se dirige vers moi pour prendre ma commande et, dix minutes plus tard, ma petite table croule sous la nourriture : pancakes et diverses sauces, œufs, bacon et fromage. Une tasse de café fumante et un grand verre de jus d'orange tout juste pressé trônent dans un coin. J'en salive d'avance rien qu'en observant cette merveille.

Ce fut probablement le meilleur petit-déjeuner de ma vie depuis le départ de ma mère. Et même si c'est un peu loin de mon appartement, je suis convaincu que je reviendrai ici parce que c'est un lieu très agréable avec une nourriture excellente. Remerciant le serveur au moment de régler, je quitte le café en étant complètement revigoré. Cette journée commence vraiment bien. Les mains dans la poche de ma veste, je me mets à flâner dans les rues alentours, profitant que les rues ne soient pas encore réellement envahies. Aujourd'hui, tout me semble si beau que même cet enfant qui pleure n'entache pas mon moral. Au contraire, je lui adresse un sourire puis enchaîne avec quelques grimaces jusqu'à entendre son petit rire s'élever alors que je le vois taper dans ses mains. Adorable.

Des livres. Partout. Peu importe où je pose les yeux, je ne vois que des livres. Cette librairie est du genre ancienne à avoir des étagères qui montent jusqu'au plafond et des ouvrages qui en recouvrent chaque petit espace. Je ne suis pas venu chercher quelque chose en particulier mais je suis pourtant certain de repartir avec des achats. La faiblesse. De toute façon, ce n'est pas comme si je n'avais plus de place chez moi. Il reste beaucoup d'espace dans les différentes bibliothèques. Flânant dans le bâtiment, la pile de livres dans mes bras commence peu à peu à augmenter. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas acheté un bon livre, ni que j'ai pris le temps d'en dévorer un dans la solitude de mon appartement. Un vague sourire flotte alors sur mon visage en songeant à ces lectures qui m'attendront donc sagement.

Et pourtant, malgré avoir cru dur comme fer que cette journée serait bonne, le destin en a vraisemblablement décidé autrement. À peine à quelques rues de mon immeuble, je me retrouve à terre sans comprendre pourquoi. Mais le coup que je reçois dans l'estomac me l'explique rapidement. Le sac avec mes livres est tombé un peu plus loin et je prie silencieusement qu'ils ne s'en prennent qu'à moi et pas à eux. Un deuxième coup puis on me soulève sans aucune douceur pour me jeter un peu plus loin, à l'abri des regards indiscrets. Mon corps tombe comme une poupée de chiffon au sol et ma respiration se coupe un instant. Je suis certain que lutter ne servira à rien. Et de nouveaux coups se font ressentir alors que je reste au sol. Le ventre, le dos, les jambes, seul mon visage est épargné.

- Sale pédale, rien que de te voir, ça me donne envie de vomir.

- On t'a vu au Zeppelin, t'es une vraie salope, toi.

- Tu me dégoûtes tellement, tu devrais crever !

Les mots se succédaient, frappant aussi fort mon esprit que chacun des coups qui touchent mon corps. J'ai déjà eu droit à des insultes, des coups plus faible quand j'étais au lycée mais là, c'est l'apothéose. La douleur se diffuse dans tout mon corps, me faisant gémir légèrement. Ma tête me tourne alors que je me demande si je vais tourner de l'œil. Je ne sais pas combien de temps a passé quand l'un m'attrape par le col pour me mettre face à lui.

- Va crever, salope.

Et sur ces belles paroles, il m'assène un violent coup au visage qui m'envoie directement au sol. Je les entends rire en s'éloignant avant d'entendre qu'on frappe dans quelque chose de lourd. Pas mes livres !

Il m'est impossible de savoir combien de temps je suis resté allongé sur le bitume sale. J'ai simplement pu me traîner jusqu'à mes bouquins pour en serrer le sac contre moi afin que personne ne parte avec. Lentement, et après un long moment, je parviens à me remettre sur mes pieds, continuant de serrer mes achats contre mon torse. Je sens encore la douleur qui tiraille ma peau mais j'avance. Je continue d'avancer jusqu'à avoir passé le pas de ma porte. La nuit est déjà tombée et je frissonne. Posant le sac sur le canapé, je monte avec grande difficulté l'escalier qui mène à la salle de bain. Devant le grand miroir, je découvre alors le désastre. Ma lèvre est fendue et j'ai une plaie sur la joue, dû à ma chute. Retirant mon tee-shirt qui a été troué, j'aperçois alors les larges zones rouges qui s'étalent sur toute ma peau. Je suis dans un sale état. Et même si je devrais aller à l'hôpital et porter plainte, je n'en ferais rien. Qu'est-ce que cela changerait ?

Après avoir pris une longue et chaude douche, je recouvre toutes les ecchymoses accessibles de crème avant de rejoindre la chaleur de mon lit. Et, sans que je ne contrôle quoi que ce soit, les larmes se mettent à dévaler silencieusement mes joues. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter cela ? Je pensais que ce ne serait qu'une bonne journée. Était-ce ça, mon erreur ? De plus, demain à lieu le repas de famille dans la demeure de mon géniteur. Je suis certain que ni lui ni Christopher ne laisseront passer cette occasion. Me plaçant peu à peu en position fœtale, je finis en boule sous la couette, sombrant lentement dans un sommeil sans rêve. Que dois-je à la vie ?

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant