19.2. Abichaispasquoi

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— Casse-toi, Liam, grommelé-je contre l'oreiller.

Je ne pense même pas qu'il m'a entendue.
La porte s'ouvre puis se referme. Et le bruit caractéristique de sa béquille qui heurte le sol à chacun de ses pas s'approche du lit.
Le matelas s'affaisse lorsqu'il s'assoit à côté de moi. Je me tends de partout.

— Pars.

— Nan.

Sa main se pose sur la mienne qui serre le coussin et entreprend de détacher mes doigts, un à un.

— C'est quoi l'bazar, mon lézard ?

— J'suis pas ton lézard.

Avec toute la mauvaise foi du monde, je lui donne un tape sur le dos de la main pour l'éloigner.

— Pourquoi t'es de mauvais poil ?

— Rien.

— T'as tes règles ?

Choquée, je me redresse et lui lance l'oreiller au visage. Il rit en attrapant le coussin en plein vol.

— C'est une question légitime.

— Laisse-moi tranquille.

Je m'apprête à me recoucher lorsqu'il attrape mes doigts et les serre dans les siens. Immobile, je le questionne du regard. Son pouce se promène sur ma peau, doucement tandis que ses yeux bleus, trop perspicaces, fouillent les miens.

— Qu'est-ce qui te chiffonne ?

Je m'abstiens de répondre et il penche la tête sur le côté en soupirant.

— C'est un autre truc de meuf ? J'ai foutu la merde sans le savoir et il faut que je devine qu'est-ce qui ne va pas, c'est ça ?

— Pas du tout. Retourne voir ton Abichaispasquoi, elle a peut-être une devinette pour toi.

Les commissures de ses lèvres frétillent. Il va rire.

— Mon Abichaispasquoi ? Jamais entendu parler.

— C'est un spécimen de pute assez répandu.

Il craque et éclate d'un rire tonitruant.

— Mon Dieu, tu es vraiment énervée.

Lorsque j'essaie d'échapper à son étreinte, furibonde, il tend l'autre main et attrape mon coude.

— Sa présence t'insupporte à se point ?

Partout où ses doigts se posent, ma peau s'échauffe.
« Pourtant, avec certaines personnes, l'amitié ne suffit pas. »
Ouais, OK, je commence à allumer là.

Et je suis si bouleversée que je n'ose toujours pas répondre.

— Elle est partie, ajoute-t-il. Tu veux descendre, maintenant ?

— Non. Bonne nuit.

— Il est dix-huit heures.

— Je m'en fiche, Liam, m'exaspéré-je.

Mon ton est beaucoup plus dur que prévu.
Son visage se ferme.

Incapable de supporter son regard chargé d'incompréhension, me détache de sa poigne. Et, cette fois, il ne cherche pas à me retenir.

Je lui tourne le dos et m'enroule dans la courtepointe, les yeux rivés devant moi.
Je sais que je le blesse, mais c'est plus fort que moi. Il ne peut pas juste être aussi proche de son ex et venir réclamer mon attention ensuite. Je ne le ferai pas.

Le matelas reprend sa forme initiale lorsqu'il quitte le lit. Je l'entends reprendre sa béquille et se diriger vers la porte.

— Dans ce cas, je vais accepter l'invitation des gars, capitule-t-il.

Je me blottis plus fort dans le lit, comme s'il avait le pouvoir de m'avaler.

— On va en boîte. J'espère que... tu ne m'en voudras pas pour ça aussi.

— Amusez-vous, chuchoté-je, lasse.

Je l'entends soupirer fortement et mon cœur se serre.
Je n'ai pas réellement envie qu'il parte, mais la déception me fait dire tout le contraire.

La poignée de la porte tourne. Un rai de lumière extérieure s'infiltre dans la chambre.

Mes doigts se crispent sur la couverture. L'envie de le retenir devient de plus en plus pressante.

— Je ne me suis pas remis avec elle.

— Quoi ?

— Abigaïl. Je ne me suis pas remis avec elle. Et je ne me remettrai pas avec elle. Jamais. Je pensais que tu savais que je ne ferais jamais ça depuis que tu as... bref.

Je me redresse à nouveau dans le lit pour lui faire face. Il est appuyé contre le chambranle de la porte, un regard impénétrable posé sur moi. Triturant l'ourlet de mon débardeur, j'essaie de trouver quelque chose à dire dans le fouillis qu'est devenu mon crâne.

— J'ai... paniqué, avoué-je dans un souffle.

Pendant toute la matinée où elle a été là, le déluge de sentiments contradictoires m'a rendue folle. J'ai toujours été une fille simple sans jamais rien de palpitant qui arrivait dans ma vie. Et maintenant que j'ai ce que je demande, ce genre de situation qui retourne le cerveau, je réagis mal.
Et peut-être même très mal.

Il accueille ma déclaration en silence, les yeux baissés sur ses chaussures.

— Il y a du travail à faire. Des deux côtés.

J'opine silencieusement du chef.

— Beaucoup, ajoute-t-il.

Et il sort.

Fifty Shades of a Unicorn - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant