CHAPITRE 59

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Média : Nathanaël O'Brien.

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Assis au pied du saule pleureur surplombant l'étang, Lukas était hors du temps. Dans sa bulle. Il lisait un roman en s'imprégnant de ses mots. Il se laissait emporter par la plume de l'auteur, qu'il connaissait pourtant déjà si bien. Enfin, il était au calme. Enfin, il avait la paix. Le temps était nuageux, et frais, mais quelques rayons du soleil perçaient entre les branches souples de l'arbre. Le brun avait les mains froides, si bien qu'il sentait à peine les fines pages entre ses doigts. Mais il s'en fichait. Il retrouvait avec soulagement la tranquillité de la campagne, loin des bourdonnements incessants de la grande ville. Ici, il n'y avait que le chant des oiseaux dans les arbres, le coassement des grenouilles, et le clapotis de l'eau lorsque les carpes koïs s'agitaient.

C'était tout ce dont il aspirait : un lieu serein pour panser sa peine.

Les choses avaient été si rapides, que Lukas se demandait s'il n'avait pas rêvé. Sa vie avait été parfaite, durant quelques jours. Il n'avait rien voulu de plus que ce qui lui était offert. Il n'avait aspiré qu'à se tenir auprès de Ash. Mais sa présence était une menace pour le blond, et il avait l'impression de ne plus pouvoir l'imaginer autrement qu'avec ses bleus et ses cheveux rasés. L'image était imprimée dans son esprit.

— Lukas, appela doucement Éléonore en se posant près de lui. Ça va ? Tu n'as pas froid.

Le brun redressa la tête et se retint in extremis de lui jeter un regard noir. Il en avait assez d'être dérangé pour vérifier que tout allait bien, et qu'il ne s'était pas noyé dans l'étang. Il voulait qu'on le laisse tranquille. Sa paix était devenue un besoin vital. Son mal-être augmentait lorsque les autres cherchaient à l'approcher. Pourtant, il se força à rester neutre, dans l'espoir qu'elle parte rapidement.

— Qu'est-ce que tu lis ? demanda sa mère d'un ton léger. Je peux voir ?

Lukas considéra sa main tendue, et son cœur accéléra brutalement. Ses doigts serrèrent le livre avec force. Il avait envie de la repousser, de cacher son roman. C'était le livre que Ash lui avait offert, il n'appartenait qu'à lui. Le brun détourna le regard et finit par le lui tendre, à contrecœur. Il avait l'impression de se séparer d'un bien inestimable, d'une partie de lui.

— Ça a l'air beau, commenta Éléonore après avoir lu le résumé.

Lukas récupéra précipitamment son livre lorsque sa mère le lui tendit, presque avidement. Elle pinça les lèvres en sentant les doigts glacés de son fils.

— Tu ne veux pas rentrer ? tenta la styliste. Amanda a fait des madeleines.

Le brun mordilla sa lèvre inférieure, gercée et douloureuse. L'envie de refuser était forte. Pourtant, lorsqu'il croisa le regard humide de sa mère, il ne put se résoudre à décliner l'invitation. Dans une semaine et demie, elle repartirait à l'autre bout du monde, sans lui.

— J'arrive, annonça-t-il. Je termine mon chapitre.

— D'accord, sourit sa mère, soulagée.

Lukas l'observa se lever, enlever les quelques feuilles qui s'étaient accrochées à son pantalon, et tourner des talons pour regagner le manoir.

— Maman ! appela-t-il soudainement.

— Oui ? demanda Éléonore en se tournant vers lui, étonnée.

— Je... je n'irai pas en master à la rentrée, annonça-t-il brusquement. Ce n'est pas ce que je veux...

La créatrice ne sut que répondre, surprise par cet aveu soudain. La gorge nouée, elle hocha la tête.

Toucher le ciel [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant