20h - Converse VS Vans

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Une telle hâte de me vider la tête. Une telle hâte d'emplir mon cerveau de musique et de chasser ses pensées déprimantes de mon esprit. Une nuit blanche pour l'oublier, elle.

J'entends déjà la musique s'échapper des murs de la salle de concert et je n'ai pas encore passé la sécurité que mon excitation grimpe peu à peu.

« Pas de boisson. » me dit le vigile en fouillant mon sac et en retirant ma bouteille d'eau.

- Vous voulez dire que je dois entièrement la boire ? Là, tout de suite ?

- Pas de boisson, répète-t-il froidement.

- ...Ok.

Je commence à engloutir la moitié du contenant lorsque le vigile répète la même chose pour la fille venant de me dépasser. Je l'entends jurer « discrètement » avant qu'elle ne se plante à côté de moi pour finir sa bouteille.

« Je suis à deux doigts de me noyer. »

Je ne tourne pas la tête, pas sûr si ces paroles m'étaient destinées ou qu'elle se parlait à elle-même. Incapable de finir ma bouteille en entier, je vide la moitié dans la grille d'égout à mes pieds.

« Hm. Pas con. »

Je sens la fille se rapprocher de moi pour imiter mon geste mais ne la regarde pas. Je concentre mes yeux sur le flot coulant devant mes Vans.

- On est ennemi ! s'exclame-t-elle en me faisant sursauter.

- Pardon ?

- Converses et Vans ! On est des ennemis naturels !

Il est à peine 20h qu'elle est déjà défoncée?

Par politesse, je me tourne enfin vers elle et la première chose qui me frappe est son regard de tueuse. Des yeux presque noirs n'ayant rien d'extraordinaire mais cette façon qu'elle a de me regarder... Comme-ci je venais d'insulter sa mère.

Des « yeux révolvers » c'est ça ?

Constatant mon trouble, les traits de sa peau caramel se détendent pour être remplacés par un petit rire presque communicatif. Elle passe sa main dans ses cheveux bruns ondulés en remettant une mèche derrière son oreille avant de me faire un petit sourire et s'engouffrer dans la salle.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

J'entre à mon tour dans la salle et passe par un petit couloir servant de guichet pour acheter ma place de concert avant de me retrouver dans le patio précédent l'entrée de la vraie salle de concert.

Un lieu assez grand, rafraîchissant et chaleureux grâce au ciel ouvert et aux nombreuses guirlandes accrochées aux poutres nous surplombant. L'ensemble des tables et des bancs sont en bois et le contour du patio est entièrement en bambou.

L'été commence à peine que cet endroit me donne envie d'aller à la plage.

Les gens font déjà la queue au bar extérieur et, pour éviter d'attendre ma bière trop longtemps, je décide d'aller à celui présent dans la salle de concert. Il n'y a qu'une vingtaine de personnes en train de regarder le premier groupe faisant monter l'ambiance progressivement. La salle est bien sûr sombre mais légèrement tamisée de violet et de bleu lorsque j'arrive vers le comptoir.

« Hey mec ! T'es venu ! » s'écrie un de mes amis ayant insisté sur ma présence.

- Hey. Ouais je n'avais rien à faire... C'est bien la première fois que j'ai rien à faire un samedi soir.

- T'inquiètes mec ! Dorénavant, on te traînera toujours avec nous dans nos plans ! Chaque dimanche tu te lèveras avec une sacrée gueule de bois et une inconnue dans ton lit ! Peut-être deux inconnues qui sait ? Ahah !

- Il n'est même pas 21h que tu racontes déjà de belles conneries.

- Conneries mon cul ! Tiens je te paie ta première bière ! À ta nouvelle liberté !

Je hausse simplement les sourcils devant l'enthousiasme de mon ami.

« Nouvelle liberté » ... S'il savait comme je me sens vide. Un vide en moi qui me ronge et que je veux combler par de la musique et de l'alcool. Ça fait longtemps que je ne me suis pas pris une murge, c'est l'occasion.

La bière glisse presque jusqu'à moi et, lorsque quelques gouttes coulent dans ma gorge, j'ai l'impression de remonter le temps : je me vois entouré de ma bande de potes inséparable en train de faire des concours de shots. Je me revois une bière à la main en train de danser avec ces amis d'amis qui deviennent tout simplement des « amis ». Je sens encore le parquet collant sous mes pieds, je vois encore les joints sur la table basse, l'anti-soirée dans la cuisine, les filles qui balancent du Disney et se regroupe pour chanter en cœur...

Tout ça, rien qu'avec quelques gouttes. Une sensation de revenir peu à peu dans une réalité dont je m'étais écarté avec elle. Une réalité dont j'étais blasé mais qui maintenant me manque énormément.

« Une despé siouplait !... Merci ! »

Une simple rotation qui me fait à nouveau tomber sur la fille défoncée de l'entrée. Cette dernière me jette un rapide regard avant de me faire un petit sourire presque gêné. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais rien. La fille à la peau caramel attrape sa desperados et file rejoindre un petit groupe d'ami devant la scène.

Je prends le temps de la détailler un peu par curiosité et me rends enfin compte qu'on est similaire niveau style : outre son jean noir usé, ses converses et son débardeur Pink Floyd, nous avons le même modèle de chemise à carreaux. Elle blanche et noir, moi rouge et noir.

- Tu viens à peine de revenir sur le marché que t'as déjà faim ? s'esclaffe mon ami.

- Hein ? De quoi tu p-

- La fille là. Comment tu l'as matée mec ! Tu veux que je te branche ?

- Non, c'était juste... non. Et puis je ne suis pas encore sortie de la phase post-rupture donc...

- Donc il te faut une distraction pour t'en sortir ? T'inquiètes mec, je t'arrange ça !

Je n'ai même pas le temps de répliquer que mon ami est déjà parti. Pas jusqu'à cette fille mais vers le patio.

Dans quoi est-ce qu'il veut m'embarquer ?

Merci pour ce souvenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant