Épilogue : Leopold

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J'ai un problème viscéral avec les femmes.

J'entretiens avec elles un mélange paradoxal de mésestime instinctive et d'obsession hormonale.

Leur façon conflictuelle d'appréhender les relations, leur naturelle prédisposition à envenimer le moindre souci en un drame Kubrickien et cette façon horripilante qu'elles ont de coller aux hommes toutes les raisons de leur malheur alors qu'elles passent leur vie à se tirer dans les pattes comme des chiffonnières ne m'ont jamais inspiré que du dédain et de la méfiance à leur égard.

La femme est un être profondément hypocrite et opaque par nature.

Aucun slogan féministe ou autres abruties aux seins nues ne me fera changer d'avis sur la question.

D'un autre côté, leur grâce toute féline et les sensations d'un autre monde qu'elles sont capable de partager avec nous viennent ajouter quelques grammes de l'autre côté de la balance. Leur sensibilité est également un trait que j'envie, tant il m'est difficile de ressentir de véritables émotions empathiques ou altruistes au regard d'une situation donnée. J'admire également leur instinct, presque animal, faisant d'elles de remarquables individus pour ne pas se mettre dans la merde inutilement, chose qui m'arrive bien trop souvent à mon goût.

C'est ainsi, sur le terreau de cette ambivalence, qu'est né un rapport à mi-chemin entre une haine compulsive et un amour irrépressible à leur encontre.

Je me souviens d'un jour quand j'étais jeune. Je veux dire, je suis toujours jeune, évidemment, mais je parle d'un temps où je l'étais vraiment. Une époque où, à défaut de connaître la vie et ses vices, je trompais les autres d'une fausse assurance propre à l'adolescence. J'avais quatorze ou quinze ans. Cet âge idiot où l'on croit que parce que trois poils nous poussent sous le menton, on peut rivaliser de sagesse avec ceux qui ont plus d'expérience que nous. Je me rappelle des joutes verbales perdues d'avance avec mon père, où mon seul but était d'énumérer des adages pompeux dérobés à quelques sombres théoriciens du dimanche qui m'inspiraient et m'impressionnaient depuis leurs forums perdus dans les méandres de la toile internet.

Malgré les défaites cuisantes dans mes argumentations avec les adultes, j'excellais dans cet art du subterfuge face aux autres personnes de mon âge.

Ce jour-là, fort de cette fourbe maîtrise et galvanisé de confiance en moi par les multiples conquêtes déjà à mon actif, je me souviens du premier râteau monumental que je me sois pris. Dupé par la manière bovine que la fille que je convoitais à l'époque avait de hocher la tête à tout ce que je disais, je m'étais laissé emporter par la certitude d'une victoire facile. Aussi, son refus n'en fut que plus douloureux. Les raisons invoquées ne firent que rajouter de l'alcool sur la blessure ouverte dans mon amour propre. 'Je ne suis pas sûre de pouvoir te donner ce que tu veux de moi, Léo, je ne me sens pas prête pour ce genre de chose.'

Ma réputation me précédait déjà.

La leçon que j'en ai tiré cependant, au lieu de me ramener les pieds sur terre, fut tout autre.

Repérer les prudes, pour mieux les fuir.

C'est sûrement l'une des raisons de mon animosité quasi-instinctive à l'encontre d'Harmony, et ce depuis les premières minutes de notre rencontre.

La frustration du rejet, ça fait donc bien longtemps que je ne l'ai plus ressentie. Son intensité inhibe presque totalement le peu de culpabilité que je ressens actuellement en pensant à Cynthya.

Elle l'a elle-même avoué, elle est consciente de qui je suis. Indirectement, elle m'a bien fait comprendre qu'elle sait quel genre de type je suis et quel genre de relation j'entretiens avec la gente féminine.

Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant