Chapitre 16 - Nell

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Nell, 16 ans, Hartfalls

Je n'ai pas besoin de réfléchir très longtemps. Il suffit de dérouler ma vie dans l'ordre chronologique et d'en piocher des épisodes marquants, ici et là. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu conscience que ma famille était hors norme. Difficile de ne pas le réaliser quand vous commencez à côtoyer les autres et que vous découvrez que votre mère est totalement à côté de la plaque.

Quant à mon père...

- Très bien, débuté-je d'un ton faussement léger. Alors... Je devais m'appeler Nelcie Ann Carolyn, en honneur de mon arrière-grand-mère maternelle. Mais mon père était si peu concerné par ma naissance qu'à l'état-civil, il n'a pas été capable de se souvenir d'autre chose que de la première syllabe...Nell... D'ailleurs il s'est barré aussitôt, sans même me laisser son nom... Je porte celui de ma mère.

Mac encaisse le coup. Je suis forte à ce jeu-là. Imbattable même. Je sens déjà le vent de la victoire caresser mon visage. Cela ne me réjouit pas plus que ça.

Perdue dans mon amer triomphe, je me laisse surprendre par la voix rauque de Mac.

- Il parait, commence-t-il, que quand j'ai commencé à parler, mes premiers mots ont été en espagnol. Forcément, vu que j'étais plus souvent avec Rosa, la nourrice mexicaine, qu'avec mes propres parents. Ma mère l'a virée aussitôt.

Ok... Lui aussi a l'air d'avoir des réserves inépuisables d'anecdotes familiales douteuses. La bataille s'annonce plus rude que je ne le croyais et ce constat crée une sensation bizarre au creux de mon estomac. C'est ça mon seul point en commun avec Macsen James ? Une famille tordue ?

- Pas mal... Mais ça peut servir d'être bilingue... Je mène toujours au score...

Mac lâche un petit rire, mais ne proteste pas.

- Quand j'avais 4 ou 5 ans, Luke et moi avons été invités à l'anniversaire d'un copain de Luke. Je me souviens, il y avait des ballons partout, je trouvais ça trop génial.

Mes lèvres s'étirent en un sourire mélancolique. C'était génial. Enfin jusqu'à ce que ça vire au mauvais téléfilm sur une mère indigne.

- Forcément, dans l'après-midi, les parents sont venus récupérer leurs enfants... Jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Luke et moi. Ma mère s'est pointée vers 23h00, alors que les parents du copain de Luke étaient au bord de la crise de nerfs. Je crois qu'elle n'a même pas compris pourquoi tout le monde lui est tombé dessus quand elle est arrivée. Luke et moi n'avons jamais été réinvités à aucune fête après ça.

Comment Mac digère-t-il cette anecdote ? Aucune idée, car il embraye aussitôt.

- Quand j'étais gamin, j'avais une trouille bleue de l'eau. Mon père m'a jeté dans la piscine sous prétexte qu'il n'y avait que ce moyen pour vaincre ma peur....

Je fais la moue. Mouais. La moitié des enfants de ce pays qui ont pris des cours de natation ont vécu ça. Un plongeon dans l'eau, une perche pour vous éloigner du bord et un maître-nageur qui vous braille dessus, voilà une méthode efficace pour apprendre à surnager.

- Il était tellement persuadé que je jouais la comédie qu'il m'a littéralement laissé couler, enchaîne Mac d'une voix inexpressive. Je me suis noyé. Ce sont les secouristes qui m'ont réanimé.

Purée. Je bats des cils, gagnée par un malaise diffus. Macsen James vient de me raconter la fois où il est mort. Pas banal pour un premier rendez-vous. Sans trop réfléchir, j'enchaîne :

- Je devais avoir environ 10 ans, ma mère a ramené son petit copain à la maison, un type pas clair qui passait son temps à s'enfiler des bières, à lui tourner autour et à nous filer des coups de pieds quand on traînait trop dans ses jambes. Avec Luke, dans nos têtes de gosses, on a mis au point tout un plan pour le faire partir. On a versé une boite de laxatifs dans son café arrosé de whisky et il a fini à l'hôpital. En fait, on a failli le tuer...

Over The Bars (Sous Contrat D'édition Hachette BMR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant