Chapitre 1-1 : Aurore

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Son coeur battait doucement ; timidement presque. Comme un oisillon qui craque sa coquille, la lumière perça peu à peu sa membrane et avec elle, la vie commença. Ou plutôt, elle récupéra son droit sur son corps comme l'on retrouve un proche, un ami. 

Son souffle, précipité par cet afflux de sang, de pensées et de vitalité qui parcouraient son corps, se bloqua un instant dans sa poitrine, avant de fuser ; se heurtant et brûlant tout dans son sillage.

Elle ouvrit les yeux avec difficulté. Le ciel lui faisait face, d'un bleu presque translucide tant il étincelait et quelques nuages se montraient, progressant paisiblement sous le souffle du vent, qui, presque joyeusement, lui caressait le visage, s'attardant sur ses lèvres et faisant voltiger des mèches de cheveux bruns pour les rendre aussi légères qu'une plume.

Son corps semblait presque paralysé tant il refusait de lui obéir, aussi rigide que s'il avait dormi cent ans. Et puis, quelle était cette sensation nouvelle qui exaltait tous ses sens ? La terre, rugueuse et brûlante sous sa peau, faisait crier son corps d'extase. Le vent sur sa peau ? Un pur délice. Tout son corps en redemandait encore, réclamant, exigeant, même, ce sentiment jouissif pour s'en nourrir tel un enfant qui mange pour la première fois.

Fantastique, pensa-t-elle, le regard brulant sous les assauts du soleil alors qu'elle refusait de quitter sa sphère chatoyante des yeux.

Toutefois, la raison finit par la rattraper. Rester ainsi immobile au milieu de nulle part ne semblait plus si judicieux alors qu'un nuage la baignait de son ombre, un instant, et que le vent la fit frissonner alors qu'il chantait dans ses oreilles. Il fallait bouger, mais y arriverait-elle seulement ? Ses membres lui donnaient l'impression d'être faits de métal.

Soufflant, puis gémissant, elle finit par se mouvoir peu à peu. D'abord ses doigts, puis ses mains et ses pieds, et le reste finit par suivre, non sans quelque difficulté. Le soulagement souffla telle une brise fraîche sur son esprit. Son corps fonctionnait, c'était le principal.

Pourtant, quelque chose clochait. L'obscurité qui entourait sa conscience, poisseuse et insondable, lui barrait l'accès à sa mémoire. Elle avait d'abord mis ça sur le compte de la fatigue et la confusion, mais l'évidence finit par s'imposer à elle.

Elle n'avait aucun souvenir de comment elle était arrivée là.

Pire, rien d'autre n'affluait. Pas même son identité, son âge ou encore sa vie. Son passé, ses souvenirs ? Tout avait disparu.

Que faisait-elle ici ? Quel jour était-on ? Où était-elle ? N'avait-elle pas d'affaires, de but ? Les questions se cognaient à son esprit, ne lui laissant aucun répit et la plongeant dans une panique soudaine et grandissante à mesure que la confusion s'installait.

Elle avait l'impression de nager en plein cauchemar. Son esprit lui paraissait si vide, si figé... C'était assez effrayant pour que même la chaleur qui caressait sa peau ne soit pas suffisante à la réchauffer.

Ses yeux asséchés par le vent et la fatigue papillonnèrent devant le flot soudain de larmes, les inondant douloureusement. Que faire ?

La respiration hasardeuse, tantôt parvenant à inspirer un filet d'air ténu, tantôt ayant l'impression que sa poitrine pourrait exploser tant elle se gonflait sous la force de son souffle, elle tenta d'invoquer un souvenir, n'importe quoi. Mais rien, même l'accès à son nom semblait lui être complètement barré par une muraille invisible.

Était-ce même possible ? Comment sa mémoire pouvait-elle avoir disparu comme ça du jour au lendemain ? Et si... Non, il lui semblait raisonner relativement bien. La folie n'était pas envisageable. C'était bien trop angoissant. Elle se refusait de croire qu'il s'agissait d'autre chose que des conséquences d'un accident ou d'un choc émotionnel.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant