51. Rouge

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Dans le sillage de Rouge, je m'avance armée de mon seul courage. Les couloirs de la tour sont baignés dans une brume étrange qui se mêle à l'odeur de la forêt. Les vitres de cet immeuble d'avant le grand impact dégage une atmosphère pénible. J'ai l'impression que nous sommes dans une vallée silencieuse plutôt que dans un édifice humain et pourtant...
Je ne m'explique pas pourquoi je ressens toutes ces auras. Chaque pas devient de plus en plus pénible, plus douloureux.
Ma gorge se serre et ma vision faiblit. Je cale mon rythme de marche sur celui de Rouge, toujours muette.

- Ce que tu ressens est normal, annonce soudain celle qu'on qualifie de chaperon instable.

Je la dévisage. Elle n'est pas très grande et pourtant dans mes souvenirs elle était immense. Ce sont les souvenirs d'une enfant de six ans. Peut-être qu'elle était une géante à mes yeux, car elle était une adulte et moi une enfant. Une balafre longe sa joue droite et semble continuer son chemin jusque sous ses cheveux bruns. Nous avons presque la même taille. Quel âge a-t-elle : Trente ans ? Peut-être plus ? Suffisamment âgée pour être ma mère ? Je n'ose pas lui demander et me contente de hocher la tête en lui répondant:
- Normal pourquoi ?
- Les auras que tu ressens ici sont fortes car elles émanent des chasseurs et chasseresses qui protègent Mère Nature. Il est possible aussi que l'aura même de Mère Nature te marque à vie lorsque tu la rencontreras. Nous sommes si peu de chose, dit-elle dans un sourire.

Oui, je me sens si petite dans cette étrange atmosphère. C'est la première fois que quelqu'un me parle de ressentir les auras des autres. Est-ce que Rouge et moi avons le même don ? Sommes-nous liées ?

- Est-ce que vous et moi sommes parentes ? Vous êtes mon premier souvenir d'enfance, alors je...
- Non, m'interrompt-elle. Diane, je crois savoir ce que tu penses mais tu n'y es pas du tout. Je ressens les auras car j'ai développé ce don, mais quand j'avais ton âge, il était plus faible que le tien. Et non, nous ne sommes pas de la même famille.

Mes épaules s'affaissent. Nous nous arrêtons devant une baie vitrée pour contempler le coucher du soleil de l'autre côté de la forêt. Par delà les arbres et à travers les nuages rosés, mes espoirs s'envolent. Je lui ai couru après en croyant qu'elle serait ma famille. Je pensais qu'elle répondrait à mes attentes de foyer, mais quelle chimère !

- Pourquoi êtes-vous celle qui m'a amené au village ? ma voix n'est plus qu'un simple filet et il me coûte de parler.
- Je suis chaperon, dit-elle comme si je pouvais comprendre.
- Je sais cela.
- Diane, elle soupire et me regarde avec gentillesse. Je ne sers aucune Mère Grand en particulier. Je suis "instable", j'ai le don de voir les auras et je peux me rendre dans toutes les zones car je suis un chaperon de l'ordre Rouge. Le seul qui reste, en vérité.
- Je ne comprends pas.
- Qu'est-ce qu'un chaperon ?
- Un messager, dis-je.
- Que transportons-nous ?
- Un panier...
- Quelle est la première règle du chaperon ?
- Le chaperon ne connaît pas le contenu du panier.
- Je vois, dit-elle en hochant la tête. C'est donc ce qu'on vous enseigne aujourd'hui. Les règles étaient légèrement différentes à mon époque. Seuls les Rouges pouvaient être chaperon. Nous étions une caste, presque une famille. Nous avons été décimés avant que la guerre entre les Loups et les chasseurs déclarent. Je suis la seule descendante de cette caste. Mais moi, j'ai toujours connu le contenu de mon panier. Les Mères Grands actuelles ont changé ce principe, pourtant je joue toujours selon mes propres règles et c'est ce qui fait que je suis dangereuse à leurs yeux. Je connais leurs secrets. Je connais la valeur de ce que je transporte et vois-tu, moi je ne véhicule pas de simples messages codés d'un point A à un point B.
- Alors quel est votre rôle ? Vous êtes le chaperon de Mère Nature, non ? Que vous confie-t-elle de si précieux et de si dangereux qui justifie cette méfiance des Mères Grands ?

Rouge passe une main dans ses cheveux bruns qui lui tombent doucement sur les épaules.

- Je suis une convoyeuse. Je transporte  des personnes.
- Des gens ? Quels genre de personne ?
- ça dépend.

Et soudain, je comprends : moi ! J'étais un panier. J'étais le panier de Rouge.

Je recule d'un pas et me cogne contre la vitre. Mon ombre s'étale devant moi et je la fixe sans un mot. Je n'étais pas spécialement importante pour Rouge. Je n'étais pas de sa famille. Je n'étais rien d'autre qu'une mission. Un colis...

- Pourquoi ? Pour qui ? Je demande fébrile.
- Je ne peux pas répondre à cette question.

Bien sûr, un agent ne révèle pas l'ordre de sa mission, ni son commanditaire. Je me sens comme un pion dans un jeu qui me dépasse. Pourquoi confirait-on à un chaperon d'élite une mission aussi insignifiante que celle d'amener une enfant dans un orphelinat ? Je n'étais pas la seule dans ce cas pendant cette période de guerre. Qui suis-je pour mériter cet "honneur" ?

L'ombre de Rouge se fond avec la mienne.
J'ai rêvé d'être chaperon pour la retrouver, pensant que nous étions liées.
J'ai rêvé d'être comme elle car j'imaginais qu'elle était la plus libre de nous tous.
J'ai cru que suivre ses pas me conduirait à vivre une vie différente.

Comme je me suis leurrée !

Rouge était au service de quelqu'un d'autre et ne me protegeais que sur ordre d'autrui. Je n'ai rien de spécial et être chaperon était un but somme toute dérisoire si je l'analyse à présent.

Mais qu'importe : j'ai décidé de porter un combat plus grand. Celui d'être Mère Grand et de transformer notre société et de créer la paix.

Je ris, un peu déçue :
- Je vois... Mes croyances viennent de voler en éclats.
- Ce n'est pas si grave, si ? Je t'ai observée depuis ce jour où je t'ai laissée au village et je constate que tu es devenue celle que tu voulais. Tu as eu des amis et maintenant tu te bats pour une cause qui te semble juste.

Je hoche le tête en silence. Je suis un peu perdue, mais pas abattue. Rouge a raison. Je suis devenue ce que je voulais.

- Pouvez-vous me dire d'où je viens ?
- Les réponses viendront bientôt, Diane.
- De qui ?
- De toi d'abord.
- C'est quoi cette réponse ? On se lance dans un débat philosophique du style "la solution est en toi" ?

Je suis un peu agressive, j'ai dix-huit ans mais on ne se refait pas en une année.

- Tu verras, continue Rouge en ignorant mon ton énervé. Voici la porte des appartements de Mère Nature, tu peux continuer seule.

Un portail démesuré se dresse devant nous. Il est en bois et en fer forgé. Rien à voir avec la décoration moderne de la tour à l'abandon.

Je me retourne mais Rouge a disparu sans que je puisse m'expliquer comment car je n'aperçois aucune issue à ce long couloir et elle ne peut pas être partie par là, je la verrais encore.

Une voix résonne dans ma tête, c'est le ton ironique de Wolf : " Quand faut y aller, faut y aller!"
Décidément, même mes pensées sont connectées au souvenir de ce loup ! Il faut dire que nous avons tellement passé de temps tous les deux cette année que nous étions presque inséparables. Maintenant nous finissons les phrases l'un de l'autre et je ris quand il me charrie alors qu'avant je lui aurai volé dans les plumes !

En y repensant, une année c'est peu et tellement à la fois...

🦊🦊🦊🦊🦊🦊🦊🦊🦊🦊🦊
Ok défi écriture !
J'attends vos textes pour un flash back avec Wolf durant cette année mais aussi si vous y arrivez à un texte explicatif de comment Diane et Wolf (aidés de vos persos aussi) ont réussi à rassembler les Ecarlates ! (Parce que c'est pas toujours à moi de bosser 😛) Vous pouvez aussi mentionner Mimi et Shawn (ils peuvent lui écrire des lettres ou via webcam).
Envoyez-moi vos textes via message privé ou encore mieux sur :
communaute_newfairies@hotmail.com

Vous avez jusqu'au 16 mai 2018.
La/le gagnant-e aura une surprise par la poste 😄

Ensuite on se retrouve pour... la rencontre avec Mère Nature !

Code RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant