1- Le sorcier gourmet

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1- Le sorcier gourmet

 L'impasse du Tisseur était sombre en cette veillée de Noël. Jusqu'ici, il n'avait pas neigé, mais le ciel se chargeait depuis plusieurs heures de lourds nuages d'un bleu marine tirant sur le gris anthracite. Il pleuvait à seaux sur Carbone-les-Mines.

Luttant contre les bourrasques soudaines, un homme avançait courbé en deux, tenant avec obstination un antique parapluie noir qui menaçait de se retourner à chaque pas.

La pluie avait déjà trempé ses habits sombres qui se plaquaient contre lui. L'individu grommela une imprécation et faillit précipiter l'objet du délit dans le caniveau qui s'était transformé en un furieux ruisseau.

— Par les tétons de Morgane, jura-t-il à voix haute. Il entendit alors un gloussement jailli de nulle part. Malgré le fracas incessant de l'averse, il l'avait bien perçu. Quelqu'un se moquait de lui dans les parages et ce quelqu'un était dissimulé !

D'un geste vif, il referma le pépin coupable et se dressa, silhouette maigre et sombre sous le rideau continu du déluge.

Rogue n'était pas un homme très grand, ni très beau. Sa peau revêtait des nuances d'un olivâtre un peu jaune sous les pommettes qu'il avait hautes et osseuses. Ses cheveux d'un noir de corbeau pendaient de chaque côté de son visage, dégoulinants de l'eau du ciel. Il plissa ses yeux foncés qui ressemblèrent alors à deux fentes telles des meurtrières dans la paroi d'un château fort.

Il était seul dans la rue.

Seul avec les gouttes de pluie qui tombaient dru.

« Hominum revelio » lança-t-il par acquit de conscience.

Rien ni personne n'apparut.

Rogue haussa les épaules et s'élança sous l'averse, plié en deux, le pépin inutile à la main, brandi comme un trophée.

Une fois à l'intérieur de sa maison, Rogue souffla un bon coup. Il y avait longtemps qu'il n'avait couru ainsi ! Il se prit à songer qu'il devrait faire de l'exercice plus souvent.

Puis, après avoir allumé les chandelles de son hall d'entrée, il avisa son manteau et ses habits trempés.

Rapidement, il chercha sa baguette magique dans sa poche puis comme s'il effleurait ses vêtements, il usa d'un sort d'évaporation.

Bientôt, il eut l'air aussi sec que s'il n'était pas sorti cet après-midi-là.

Il ôta pourtant ses souliers, enfilant de confortables pantoufles à l'insigne vert émeraude de Serpentard. Puis il songea qu'il serait bien agréable de mettre la bouilloire en marche, car il était largement l'heure du thé passée.

Mais avant de se diriger vers la cuisine, il flanqua un coup de pied dans le parapluie qui gisait sur le tapis de l'entrée, comme une sorte de grand volatile noir et malhabile échoué ;il s'en occuperait plus tard.

Rogue sortait rarement à pieds, à la façon moldue. Il préférait transplaner ou utiliser la Poudre de Cheminette. Pourtant, aujourd'hui, pour de multiples raisons qu'il avait peine à identifier, il était allé jusqu'au marché de Noël de Crassou-le-Neuf, la ville voisine, afin de se procurer de quoi faire un savoureux réveillon. Rogue était un bec fin, même si ses élèves l'ignoraient.

Passant par son salon-bibliothèque, il se rendit dans sa kitchenette. C'était un modèle qu'on aurait cru sorti d'un catalogue moldu des années 50 ou 60. Les appareils étaient rudimentaires. Le mobilier était en formica usé.

Sous la fenêtre qui donnait sur la cour de derrière, un évier carrelé était orné de deux robinets massifs qui couinaient de façon stridente quand on les maniait.

Severus,  l'apprenti gourmetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant