Chapitre 3 : Liens de Sang

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La salle du trône était silencieuse, mais à la différence de l'automne précédent, ce silence-là était embarrassé.

Droit sur ses jambes, bras croisés, une lettre à la main, le prince Bylonn regardait son père avec une froideur terrifiante.

Revenu au galop, au sens propre, de ses terres du nord-est où il avait été consigné de force tout l'hiver, Bylonn était dans un état de fatigue et de colère extrême.

Un homme d'une quarantaine d'années entra en silence. Il était un peu moins grand que son prince, trapu et fort, épée à la ceinture. Ses cheveux noirs, bouclés, encadraient son visage grave orné d'une barbe qui lui donnait un air plus sérieux encore. Il se plaça sans un mot derrière Bylonn. Ce dernier le regarda rapidement et hocha la tête. L'homme s'inclina.

« Bien, commença le prince en regardant à nouveau son père, sur un ton qui charriait tant d'icebergs que le roi perdit quelques centimètres sur son trône, récapitulons donc. J'ai ici une lettre du seigneur d'Asnyar qui m'apprend que les troupes de monstres des sorciers ont à nouveau déferlé sur l'ouest. Il estime que l'armée d'Isco a triplé de par le nombre de nos sujets qu'il a transformés en profitant de l'effet de surprise et que près d'un quart du royaume est ravagé. Je suppose que vous avez envoyé des émissaires ? » cracha-t-il.

Il s'en suivit un nouveau silence. Bylonn soupira, exaspéré et se tourna vers l'homme qui était derrière lui :

« Bronco, réunion immédiate de l'état-major.

- Nous ne sommes que deux ici, Altesse.

- Alors, envoie sur-le-champ un message aux autres pour qu'ils nous rejoignent avec toutes les troupes qu'ils pourront trouver.

- Ici ?

- Non. Dis-leur de gagner Asnyar. Nous rallions l'armée des elfes. »

Les cris d'indignation plus ou moins étouffés qui suivirent cette dernière phrase se turent vite quand le regard noir de Bylonn fit le tour de l'assemblée.

« Nous partons dès que les hommes sont prêts. Fais vite.

- À vos ordres, Altesse. » s'inclina Bronco et il sortit rapidement.

Le regard de Bylonn fit une nouvelle fois le tour de la salle pour revenir sur son père.

« Navré Père, mais je n'ai plus le temps d'attendre que vous preniez conscience de la couardise de vos conseillers.

- Je vous trouve bien impertinent... tenta le roi.

- Mon armée quittera la ville ce soir et si je n'ai pas votre bénédiction, je m'en passerai ! le coupa brutalement Bylonn, à bout de nerfs. Si, comme je le voulais, nous avions poursuivi Isco sur ses terres cet automne, nous aurions pu le vaincre !... Au lieu de ça, vous nous avez ordonné de rester ici comme des pleutres, arguant qu'ils avaient craint notre puissance ou je ne sais quelle colère divine et vous avez encouragé ces gens à rentrer chez eux, des malheureux qui sont aujourd'hui morts ou pire, qui sont devenus des monstres dont on a détruit les âmes !... Et vous voudriez quoi ?! Que nous perdions encore des jours, des semaines, à attendre qu'il pille, ravage, massacre encore et encore ?!...

- Si notre Déesse a voulu nous envoyer ce fléau pour nous punir... commença Upso, un haut dignitaire de l'Ordre Pur.

- Ne finissez pas cette phrase si vous tenez à votre tête, l'interrompit violemment le prince. Je ne sais pas ce que veut Ykara et je vous trouve très orgueilleux de prétendre le savoir ! Si les Dieux veulent que je perde cette guerre, je la perdrai, mais ce sera l'épée à la main et sur le champ de bataille et pas ici à attendre la mort ! »

Le Chant des Drows -Première Époque : Le Maître des Ombres (Première partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant