Chapitre 1 : Genèse

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L'enfant reprit douloureusement conscience et gémit avant d'ouvrir les yeux. Une main caressa ses cheveux et pendant une seconde, il pensa que c'était sa mère. Mais il suffit qu'il bouge sa main pour que la douleur le fasse sursauter et que tout lui revienne en mémoire.

L'enfant était pâle comme un mort, les cheveux noirs et ébouriffés, les yeux rouges aux pupilles fendues, les traits fins tendus. Une coupure à peine cicatrisée marquait sa joue gauche et son corps était couvert de bandages. Il se trouvait dans un lit douillet et chaud, dans une grande tente meublée avec confort. Il y avait une table basse en fer finement forgé, des coussins sur le sol recouvert de tapis moelleux. Un brasero, tout proche, diffusait une douce chaleur. Le petit garçon se redressa sur son bras droit et ses yeux regardèrent tout autour de lui, avant de se poser avec inquiétude sur l'homme installé sur un tabouret, près du lit.

L'enfant trembla et recula dans un réflexe de peur, lorsque l'homme approcha sa main pour toucher son visage.

Même assis, on le devinait très grand et bien bâti. Ses traits étaient doux, amicaux, mais on distinguait, dans ses yeux verts, la sagesse d'un être bien plus vieux qu'il ne le paraissait. Il portait une longue robe grise sous un manteau d'intérieur noir, les deux tissés en tissu très fin. Il passa une main dans ses immenses cheveux argentés, un peu gêné, et dit :

« Tu te réveilles enfin... »

À mieux le regarder, l'enfant vit que ses oreilles étaient légèrement pointues. Il trembla et l'homme sourit doucement :

« Tu as encore de la fièvre. Tu devrais te recoucher.

- Qui êtes-vous ? demanda brutalement l'enfant d'une voix enrouée.

- Je m'appelle Adriel, répondit l'homme. Je suis un elfe et le Seigneur de la Forêt d'Asnyar. Et toi, qui es-tu ?

- Où est ma mère ?... Et... Mon frère ?... » demanda encore l'enfant, cette fois avec angoisse.

Il s'était mis à trembler, les yeux immenses et hagards. Les souvenirs revenaient avec une précision trop atroce pour qu'il puisse garder son calme plus longtemps.

L'homme soupira tristement et détourna un instant la tête, comme pour chercher comment dire l'indicible. Il regarda à nouveau l'enfant et reprit :

« Nous vous avons trouvés lors d'une partie de chasse aux marges de la Forêt... Les pleurs de ton frère nous ont attirés vers la fosse où on vous avait jetés... Tu étais inconscient. Ton frère était très faible, mais nous lui avons trouvé une nourrice assez vite pour qu'il vive et il va très bien... Pour ta mère, ... C'était bien trop tard. »

L'enfant cessa de trembler, pétrifié, ferma ses yeux un instant puis éclata en sanglots. Il sentit rapidement deux bras l'étreindre avec force. Adriel ne le lâcha pas avant de le sentir rendormi, ou peut-être évanoui. Il le rallongea alors avec douceur, en le recouvrant chaudement. Il caressa encore les mèches brunes en pensant que les humains étaient parfois des monstres, puis se leva et quitta la tente sans bruit.

Il ne pleuvait plus, mais l'air frais de ce début d'automne le fit frissonner. Le ciel était gris et lourd, bas, et Adriel se surprit à songer que ça s'accordait plutôt bien avec son humeur. Il avisa sa fille adoptive qui venait vers lui. Beaucoup plus petite et plus fine que lui, à la peau blanche, aux longs cheveux noirs et ondulés, aux yeux fins et dorés, aussi belle que froide, Salya portait une tunique carmin à manches amples, des gants de cuir noir, un pantalon, noir également, qui moulait ses cuisses, et de hautes cuissardes sombres, sous une épaisse cape. C'était une pure Drow qu'il avait recueillie très jeune.

Le Chant des Drows -Première Époque : Le Maître des Ombres (Première partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant