Ces jours heureux

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Mes doigts étaient engourdis. Je sentais l'adrénaline monter en moi. Cette sensation était tellement délicieuse et enivrante. Mais je ne devais pas perdre mon objectif de vue. Le patron du bar allait bientôt revenir et sa caisse serai toujours aussi pleine si je ne me dépêchais pas un peu.

Je l'avais déjà fait des centaines de fois : rentrer dans un bar avant la fermeture alors qu'il reste seulement quelques clients, sympathiser avec le barman, le pousser à s'absenter du bar, vider la caisse pendant son absence et s'en aller comme si de rien n'était en laissant un mot pour justifier mon départ mais pas de traces. C'était une procédure simple, efficace et maintenant bien rodée. Quand bien même cela nécessitait un changement d'apparence à chaque nouveau larcin.

En tout cas, ce n'était pas les pigeons qui manquait à Loocla. Dans cette immense cité, les trois-quart des bâtiments abritaient des bars ce qui lui avait valu le surnom de la Cité de la Soif. Contrairement à ce que l'on pouvait penser, l'alcoolisme n'était pas présent chez ses habitants. En revanche, parmi la foule de touristes, nombreux étaient ceux qui finissaient ivres morts dans la rue. 

C'était donc en toute logique que j'avais commencé ma carrière de voleuse en faisant les poches des touristes trop soûls pour se rendre compte qu'on les volait. Ça aussi c'était plaisant à faire mais le risque de se faire chopper était trop grand. Alors je m'étais lancée dans l'arnaque de touristes avec mon beau visage angélique. Cela marchait et payait plutôt bien mais là encore je risquais de me faire arrêter à tout moment. C'était avec l'argent des escroqueries que je m'étais achetée un studio au centre de la cité et mon changeur d'apparence. Cette babiole magique valait son pesant d'or et était bien entendue illégale mais elle m'avait permis de me lancer dans mes braquages de bars. Tant et si bien qu'en ce jour, j'étais connue pour cela en tant que la Voleuse des bistros. Même si personne ne connaissait ni ma véritable identité ni mon véritable visage. Ceci me permettait de vivre incognito. Officiellement, je vivais dans un studio que mes riches parents (qui n'existaient pas) m'avaient acheté et je passais mes journées à me balader dans la cité, profitant de mes soirées pour voler. On ne pouvait pas dire que j'avais réellement des amis mais les gens m'aimaient à peu près autant que je m'aimes. C'est-à-dire beaucoup. Sans famille, sans amis, ma vie paraissait bien triste à de nombreuses personnes mais pour moi elle était tout simplement parfaite. Une liberté totale de chaque instant que je savourais tous les jours avec plaisir.

Jusqu'au jour où il remonta jusqu'à moi. Il m'attendait devant la porte de mon studio, tranquillement adossé au mur alors que je rentrais chez moi, le soir, comme à mon habitude. Il m'aborda alors que j'approchais de la porte : "Narcisse Laer ?

- Oui c'est bien moi, lui répondis-je. Qu'est-ce que vous me voulez ?

- Je suis Thomas Jay. J'aurais une proposition à vous faire. Vous voulez bien me faire rentrer ? "

Je fronçais les sourcils. Ne le connaissant pas, son attitude était un peu trop familière et sa requête un peu trop inhabituelle. Il pouvait m'énoncer sa proposition dans le couloir. Ce que je ne m'étais pas gênée de lui faire remarquer d'ailleurs. A cela il me répondit qu'il connaissait la véritable identité de la Voleuse des bistros et qu'il ne se gênerait pas  pour la révéler aux autorités. Aussi, je n'eus d'autre choix que de le faire rentrer. D'autant plus, que s'il m'avait retrouvée cela voulait dire que j'avais fait une bourde qui m'avait compromise. Il fallait que j'assure mes arrières.

Il s'assit sur mon canapé et sortit une enveloppe de sa veste en cuir qu'il posa sur la table basse.

Puis, il commença à parler :

"La somme sur la table sera votre paie si vous acceptez ma proposition.

- Je ne sais pas de quoi il s'agit. Pourquoi accepterais-je ? lui rétorquai-je en croisant les bras.

- Vous n'avez pas regardé la somme non plus.

- Je ne fonctionne pas comme ça. Alors, crachez le morceau. C'est quoi votre proposition ?

- Dans quelques jours, il y aura un gala lors duquel sera exposé le joyau le plus précieux au monde, l'Adamantine. Je compte profiter de ce gala pour voler ce joyau. Le problème, voyez vous, c'est qu'aller seul au gala attirerait l'attention sur moi les gens y allant tous accompagné. Et c'est là que vous allez m'être utile. Alors, m'accompagnez-vous à ce gala ?

- Pourquoi pas... mais je ne comprends pas très bien pourquoi vous m'avez choisie moi. N'importe quelle greluche aurait fait l'affaire.

- Ce n'est pas vous qui m'intéressez mais vos compétences, me rétorqua-t-il. Et n'importe quelle greluche, comme vous dites, ne suffira pas à faire diversion. De plus, je sais que vous êtes très douée dans ce domaine.

- Certes, mais qu'est-ce que je gagnes en échange ?

- La même somme que sur la table ainsi que le joyau. Je voles uniquement par plaisir contrairement à vous. La liasse de billets c'est pour vous payez une robe de gala.

- Il a lieu quand ce gala ?

- Dans une semaine, me répondit-il visiblement ravi de ce que cette question impliquait. Je passerais vous chercher une heure avant le coucher du soleil. Je serais en limousine. Cela vous va-t-il ?

- C'est acceptable."

Je regardai la somme dans l'enveloppe et je continuai : "J'ai cependant une condition supplémentaire. Je veux le double de la somme dans l'enveloppe.

- Vos services n'ont pas de prix.

- Dans ce cas nous avons conclu un marché."

Suite à mes mots il se leva, me salua et sorti de chez moi.

La semaine suivante, nous allâmes au gala. Bien entendu, je m'étais préparée selon les directives qu'il m'avait envoyé par missive quelques jours plus tôt. Ainsi, je n'avais pas utilisé mon changeur d'apparence puisque son utilisation allait être détecté par les portiques de sécurité. Je m'étais donc préparé manuellement en veillant à ce que mon maquillage ne permette pas de me reconnaître.

Pendant le trajet menant au gala, j'avais eu l'occasion de demander à Thomas comment il m'avait retrouvée. Ce à quoi il avait simplement répondu que la ville était plus surveillée qu'il n'y paraissait au premier abord.
Puis, nous étions arrivés au gala. Nous avions passé les portiques de sécurité et nous nous retrouvâmes dans une immense salle richement décorée. Celle-ci était sans intérêt puisque le joyau n'y était pas. Mais comme il fallait faire bonne figure, nous saluâmes certaines personnes et discutâmes avec d'autres. La soirée se passait tranquillement et il ne semblait pas pressé de passer à l'action. Ainsi, c'est sans scrupules que je me permis de sortir de la salle de réception pour faire un tour au cabinet. Ne sachant où se trouvait cette pièce, j'ouvris des portes au hasard. C'est en ouvrant une de celles-ci que je le vis. Le joyau était là devant moi mille fois plus beau que ce que j'avais imaginé. À son contact, la lumière n'était plus qu'un arc-en-ciel. Il avait été taillé très simplement en un prisme. Ce qui au contraire de ce que l'on aurait pu croire n'enlevait en rien de sa beauté. À ce moment-là j'étais si contente ! J'avais devant moi le plus magnifique des joyaux et il allait bientôt être mien. Je ne pouvais pas attendre. Il fallait que je le touche, que je le prenne en main. Personne n'étant dans les parages et au vu de l'absence de sécurité autour, j'osais m'approcher de lui. Cet objet tant convoité posé sur son socle, je pouvais  presque le toucher tellement ma main était proche de lui.

Boum ! Une pile de documents qui s'abat devant mon nez me ramena à la réalité. Il fallait que je travailles. Quand tous ce que je voulais c'était m'évader de cet open space sordide. Prisonnière d'une existence qui n'est pas la mienne juste à cause d'un putain de joyau.

Ces Jours HeureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant