Chapitre 7 - Marie

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Le cœur de Marie se serra. Un sanglot se coinça dans sa gorge. Elle tendit un bras frêle et hésitant vers la forme ronde et immobile. Elle ne pouvait croire en sa mort. Ses doigts rencontrèrent la surface glacée du manteau du jeune garçon. De la poudreuse tournoya jusqu'au ciel obscur, esclave d'une valse frénétique avec le vent.

- Élias...

Sa douce voix chevrotait, saisie par l'angoisse et le froid mordant.

Faite qu'il ne soit pas mort, esprits du Petit Peuple, faites qu'il ne soit pas mort...

Un air s'envola dans la nuit, comme une prière. Une voix mélodieuse s'insinua au fin fond du sommeil du jeune garçon, elle perturba ses sombres songes et le ramena peu à peu à la réalité, loin de ses cauchemars.

- Élias, répéta-t-elle en secouant l'enfant, Élias réveille-toi.

Son corps remua et l'épaule sur laquelle Marie avait posé la main frémit. Élias revenait à la vie. Elle se surprit à prendre l'enfant dans ses bras. Un soupir de soulagement ralentit les palpitations de son cœur et elle se détendit.

- Allez vient Élias, je t'emmène au chaud pour attendre tes parents.

Elle aida l'enfant à se déplier, le froid avait engourdi ses membres, et ils se réfugièrent à l'abri de la tempête qui se levait.

***

Marie pestait. Comment Oscar avait-il pu être idiot au point d'oublier un enfant dehors par ce froid ?

Élias a dû... Il a dû... se cacher ou autre chose. Oscar n'a pas pu manquer à ce point de professionnalisme.

À la lumière, Marie constata que l'enfant frigorifié sanglotait. Si elle n'était pas surprise par l'oubli des parents d'Élias, le garçon, lui, avait dû se sentir abandonné ; et Oscar avait renforcé ce sentiment.

Pauvre gosse...

Marie ôta le manteau d'Élias puis l'installa près d'un radiateur après l'avoir enroulé dans une couverture en polaire qu'elle avait subtilisé dans le dortoir des maternelles. Elle espérait qu'il ne tomberait pas malade pour les fêtes de fin d'année. Elle resta près de lui un instant, le temps d'observer le bleu quitter ses lèvres à mesure que les membres du garçon absorbaient la chaleur diffusée par la fonte. Marie s'en trouva rassurée, elle l'avait retrouvé au bon moment. Quelques dizaines de minutes plus tard et une sévère hypothermie aurait rongé le corps du petit bonhomme.

Exaspérée par la situation, Marie sortit un vieux téléphone à clapet du tiroir de son bureau. Elle le consulta afin de retrouver les coordonnées des parents de l'élève et de leur remémorer l'existence de leur progéniture. La directrice de l'école, grâce à l'expérience acquise en exerçant son métier, savait maîtriser ses émotions et se contenir. Les messages laissés aux parents d'Élias ne montraient aucune agressivité, simplement les faits. Cependant, elle ne réservait pas le même sort à Oscar. Il paierait le prix de sa négligence.

Ta carrière est foutu mon coco.

La sonnerie retentissait dans l'appareil.

- Oscar ? C'est Marie.

- Bonsoir Marie, un problème ?

Elle inspira profondément avant de se lancer :

- Un peu, oui !  Vous avez quitté l'établissement en laissant le portail grand ouvert et l'école accessible à n'importe qui. Vous êtes partis avant que tous les parents ne viennent rechercher leurs enfants. Vous avez laissé un élève seul, en plein froid, et sous la tempête de neige qui se levait. Ce comportement est inadmissible !

L'Enfant-Double - Tome 1 - Des retrouvaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant