1. Pressée

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I.

La confrontation n'avait jamais été mon truc. La vengeance encore moins. Ce dangereux duo a pourtant causé ma perte, et pas que la mienne.

J'ai terrorisé. J'ai brisé. J'ai tué.

J'ai aussi tenté d'aimer, mais mon erreur m'a plongé dans le néant.

Je n'ai pas toujours été un monstre. Pendant longtemps, j'ai été la novice silencieuse ; la brebis peureuse qui se cache dans le troupeau. J'étais celle qu'il était facile de manipuler ; l'autre dont on ne savait rien et qui laissait le monde décider à sa place.

J'étais le parfait cliché.

La victime idéale. Une proie naïve qui a laissé un prédateur l'attraper.

Le soir du festival, Denovan m'avait demandé de fermer les yeux et de faire un vœu. Isolés de la foule venue voir le ciel, nous nous étions reculés pour mieux discuter.

— Il faut en faire un ? lui avais-je dit, tout près de lui.

— C'est la Super Lune, ma Veky, avait-il répondu dans un sourire. C'est presque aussi rare qu'une pluie d'étoiles filantes, non ?

Mon souhait fut simple. Parfait pour l'occasion.

Embrasse-moi.

Et il le réalisa avant même que je ne puisse lui demander de faire le sien.

La brebis docile n'avait pas entendu le futur monstre lui crier au loin. Elle n'avait pas vu les signaux rouges, les flashs aveuglant de ce danger en train de lui foncer dessus. Non.

Je n'ai rien vu.

Je l'ai laissé faire ; je lui ai rendu son baiser, et je me suis emmêlée dans sa toile.

J'aurais dû faire vœu de quelque chose de plus sensé et exclure Denovan Gordon de tout. Cela m'aurait évité de tomber de si haut ; de m'écraser si violemment.

Oui, cela m'aurait sans doute protégé d'une telle folie meurtrière.


* * *


Veky Belmont.

Encore trente minutes.

Le bruit des stylos contre les tables ne s'arrêtait plus depuis une heure. Et ma feuille était encore trop blanche.

Je regardai la grosse horloge accrochée au mur et posai les yeux sur le surveillant. Il observa sa droite, sa gauche, et se reconcentra sur son livre.

Maintenant. Je scrutai discrètement mon téléphone posé sur mes jambes.

« Selon la loi de... »

Une nouvelle notification interrompit ma lecture.

Je me raidis et le monde s'arrêta de tourner.

« Je te ne rappellerai pas. Je suis avec quelqu'un d'autre. Désolé, t'étais cool. »

Des jours que j'attendais une réponse. Des jours qu'il m'évitait, qu'il me laissait sans aucune occasion de l'approcher. Et voilà qu'il daignait enfin me parler.

Pour rompre.

Ses mots me tombèrent dessus comme une enclume. Leur violence transpercèrent ma poitrine de plein fouet.

L'affection que je lui croyais m'accorder, l'amour que je nous voyais entièrement partager : tout venait de s'effondrer.

— Toi.

L'Héritier (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant