Chapitre 1

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Je me réveille en sursaut, je me retourne pour consulter l'horloge de ma table de chevet, 2h58. Je m'assis au coin de mon lit pour essayer de retrouver mes esprits. À chaque fois, je ne me souvenais que du visage d'Aydem strié par la douleur, ses yeux verts, d'un vert couleur émeraude, ses cheveux blonds sablés, la beauté de son visage, tout ceci venait me hanter. Chaque instant, quand mon esprit était faible, qu'il n'avait plus la force de faire barrage, les pensées, les perspectives et la douleur m'envahissaient profondément. Ces instants où mon esprit n'avait plus la force de lutter sont devenus des minutes, des heures et ont fini par être mon quotidien. Mes yeux se fermaient tout seul, mais je refusais de dormir. Je ne me souvenais que de très petits détails de mes rêves, mais à chaque fois que j'en sortais, je respirais comme si je m'étouffais, mes yeux étaient rouges et gonflés, mon oreiller était si mouillé qu'on aurait dit que quelqu'un avait versé un verre d'eau dessus. Après avoir retrouvé un semblant de clarté, j'allais dans la salle de bain qui se trouvait dans ma chambre. Elle était assez grande avec des toilettes à l'intérieur, le magnifique carrelage beige clair et la douche vitrée. J'ouvris le robinet et je commençais à me mouiller le visage et me regardais dans le miroir. Le visage qui y apparaissait m'était inconnu. Il était vide et si... je ne trouvais pas de mots qui exprimaient la sensation que je ressentais en me regardant, c'est comme si mon reflet n'était pas moi.

Finalement, je regagnai mon lit et me rendormi. Mon réveil me tira de mon sommeil à 5h00 du matin. J'avais avancé le réveil d'au moins une heure que d'habitude. Je devais me préparer pour l'école, c'était la rentrée et j'étais en première année à l'université d'Harvard.
Mais d'abord, je me douchai et m'habillai. Je devais préparer le petit-déjeuner, ce n'est pas que mes parents adoptifs ne le feraient pas pour moi ou pour Alexander et Joy, mon frère et ma sœur adoptifs, ma mère serait totalement folle de joie si je lui demandais de me faire quelque chose, mais je ressentais ce besoin frénétique de toujours faire les tâches ménagères, les courses, la cuisine, car je n'arrivais pas à rester sans activité. En dehors de mes cours, je travaillais dans un café en tant que serveuse et j'étais bénévole dans un orphelinat. Il fallait toujours que mon esprit soit occupé à penser à autre chose...

Les œufs, le bacon, les pancakes, les gaufres, les toasts, les pains au chocolat et les croissants que je suis partie acheter dès que j'avais fini de me préparer étaient entreposés sur la table du salon. Le petit-déjeuner était prêt.
En attendant qu'ils se réveillent tous, je regardais par la fenêtre qui était ouverte et qui donnait sur le soleil qui finissait de se lever, le vent qui me chatouillait le cou, le paysage qui était magnifique. La maison de mes parents était dans les hauteurs de la ville de Boston, Massachusetts. Elle était dotée de six chambres, cinq salles de bain, une magnifique cuisine américaine, deux bureaux, un garage et un jardin. Ils l'avaient acheté à crédit à la fin de leurs études universitaires à Yale. Leurs diplômes, de droit pour l'un et d'art pour l'autre, en poche, ils se marièrent et partirent vivre à Boston. Christian Greenfields, mon père adoptif, travaillait pour un cabinet d'avocat de renom. Après dix ans de bons et loyaux services, il décida d'ouvrir son propre cabinet. Jody, quant à elle, fit un crédit pour ouvrir sa propre galerie d'art. Les choses marchaient assez bien pour eux deux, leurs affaires étaient bien rentables ce qui leur permis de rembourser les crédits qu'ils avaient. Ils s'étaient rencontrés au lycée, tombaient follement amoureux, vivaient une très belle histoire et, comme un signe venu de Dieu, ils furent acceptés tous les deux à Yale. Quelques années plus tard, une fois que leurs entreprises étaient stables et tournaient, ils prirent la décision de commencer à fonder une famille, le besoin d'enfant se fit plus qu'insistant, pour l'un comme pour l'autre. Ils étaient déjà prêts depuis la fin de leurs études, mais ils avaient décidé d'attendre le bon moment.

On vivait dans un quartier chic, calme et sans histoire. Ici les gens vivaient paisiblement leurs vies : allaient et revenaient, arrosaient leurs plantes ou les faisaient arroser, promenaient leurs chiens ou les faisaient promener. Ce n'était pas l'un de ces quartiers bourgeois où tout le monde avait des domestiques, des maisons extravagantes et fantaisistes ou trois à cinq voitures de luxe et deux piscines privées, non, rien de tout cela. C'était un quartier avec de belles maisons, certes, mais très sobre, classique. Les gens qui vivaient là étaient, je suppose, comme dans tous les autres quartiers. Il y en avait qui se mêlaient de tout comme Amber Liverstrawsky, 42 ans ou ceux qui n'aimaient personne et qui cherchaient toujours le moyen d'enquiquiner ses voisins comme Franklin Vergamont, 68 ans ou ceux tout simplement qui essaient d'être sympathique en vous invitant à diner, pendre leur crémaillère ou encore les réunions de voisinage comme Emma Stadelarente, 32 ans.

Amber Liverstrawsky, femme de 42 ans, de taille moyenne au teint pâle comme une feuille de papier blanche et aux cheveux mi-long blonds qui parlait et savait tout sur tout le monde et qui, il faut le reconnaître, avait le don d'agacer un bon nombre de gens d'après ce que j'avais entendu. Son mari l'avait quitté pour une femme plus jeune qu'elle, « histoire classique », m'avait-elle dit en m'attrapant un jour alors que je revenais du lycée et que j'avais récupéré Joy, comme tous les jours, à la sortie de son école, seule, car Alexander était à son cours de karaté.
-Bonjour Sira ! Oh Joy, je ne t'avais pas vue, il faut dire que Sira est tellement grande !
Elle avait de la peine à m'appeler sa sœur à cause de la différence de couleur de peau entre Joy et moi, elle était blanche et moi noire. Elle le faisait parfois mais ça lui paraissait difficile.
-Bonjour Mme Liverstrawsky, dis-je.
-Bonjour, dit Joy d'un ton très réservé.
Joy avait 5 ans, mais avait déjà son petit caractère. Elle appréciait les gens en général, elle était très sociable, le contraire de moi. Je ne pense pas être une antisociale, c'est vrai, je n'avais pas d'amis, je ne parle pas beaucoup aux gens sauf si j'y étais obligée de faire la conversation. Joy, elle, avait des réticences envers certaines personnes et Amber Liverstrawsky faisait partie de ces personnes.
-Oh on dirait qu'une jeune fille n'a pas passer une bonne journée. Ce n'est pas grave, tu es tellement mignonne qu'on te pardonnerait presque tout ! Attention ! J'ai dit presque ! Alors Sira, comment vas-tu ?
Ce n'était pas le « comment vas-tu » standard que les gens posent par fausse politesse ou encore par simple habitude, ceux-là n'attendent aucune réelle réponse, ils s'attendent à ce que vous leur répondiez « oui et toi ? » parce que la vérité est qu'ils ne veulent pas que vous leur répondiez, ils ne veulent pas savoir comment vous aller, sinon la moitié des gens qui poseraient cette question sauraient que ceux qu'ils leur répondent mentent.
Même si Mme Liverstrawsky voulait vraiment savoir, eh bien, elle ne saura pas.
-Bien et vous ?
-Tu es sûre ? Je veux dire, je ne veux pas t'importuner avec ça mais je sais que tu as beaucoup souffert depuis la mort de...

Je senti des mains m'agrippant la jambe ce qui me sorti de ma rêverie et me ramena à l'instant présent.
-Coucou !

Open Wound Où les histoires vivent. Découvrez maintenant