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La fatigue a pris l'entière possession de son corps. L'écran de cette télévision n'arrive plus à maintenir ses yeux ouverts. Pourtant, elle continue de lutter contre son ennemi depuis des jours et des jours : le sommeil. Chad est assis sur un vieux fauteuil face à elle, identique au sien, et ne la lâche pas une seconde du regard ; si ce n'est lorsqu'elle lève le sien vers lui et qu'il feigne être attentif à cette stupide émission sur les plantes. Elle s'en amuse puis s'en lasse.

- Va te coucher, lui intime doucement ce dernier.

- Je ne suis pas fatiguée, assure la jeune femme.

- Phœbé..., soupire-t-il.

- Je ne suis pas fatiguée, répète-t-elle d'un ton légèrement sec.

- Il n'interférera plus dans tes nuits, poursuit le jeune homme. Tu peux dormir en paix.

Elle conçoit bien que Raleth s'est chargé de neutraliser la magie qu'utilisait Hayden pour se manifester dans ses rêves, mais rien ne peut modifier ses souvenirs et interrompre ces flashs qui s'amusent à polluer son quotidien. Elle a même songé à se faire effacer cette partie de sa mémoire, seulement, les effets secondaires énumérés par l'enchanteur lui ont rapidement fait oublier cette idée. Alors la voici, le corps engouffré dans une couverture, à résister contre l'impossible.

- Je peux venir si tu veux, propose le Sud-Américain.

- Venir où ? demande l'États-Unienne d'une voix cassée par la fatigue.

- Dans ta tête, explique-t-il ; cela agira de la même façon qu'un rêve, comme au début, et rien ne pourra intervenir. Maintenant, dors et fais-moi confiance.

Indéniablement soulagée, Phœbé se laisse aller et s'endort en un clin d'œil.

✶❍✶

Ses yeux s'ouvrent sur une magnifique prairie entourée d'arbres d'où se reflète une voie lactée rosée et bleutée. La paix est la première sensation qu'elle ressent au plus profond de son âme et avec une telle intensité que sa peau se couvre de chair de poule. Sans rien demander de plus, l'Afro-Américaine s'allonge dans l'herbe, les yeux rivés sur le ciel et profite de la sérénité du lieu.

- Merci..., souffle-t-elle à Chad.

Elle ne le voit nulle part, toutefois, elle est certaine de sa proximité : elle le sent. Son corps est enveloppé d'une douce chaleur qui lui fait regretter celle que lui dégage. Trop de manque, elle finira sûrement frustrée s'il ne se décide pas rapidement. Frustrée de ne plus avoir le moindre contact physique avec lui. Frustrée de n'entendre que d'agaçantes « Phœbé » de sa part. Et frustrée d'être à la fois si proche et si loin de lui. Qu'il se dépêche cet imbécile...

✶❍✶

À son réveil, Phœbé croise les prunelles de Chad, qui semble également émerger, et s'y perd immédiatement jusqu'à ce qu'un dragonnet bleu apparaisse sous son nez. Elle l'a échappé belle celle-là, elle aurait pu l'observer ainsi durant des lustres, à tel point que le monde aurait pu s'écrouler autour d'eux qu'elle ne s'en serait pas aperçu.

- Où étais-tu passé ? s'enquiert-elle en fronçant les sourcils.

- Je pensais que vous alliez régler votre problème donc j'ai trouvé judicieux de vous laisser, mais bon, il semble que je me sois trompé.

- Judicieux ? Tu m'as annoncé que j'étais la seule à te voir, soit que je suis certainement atteinte d'hallucinations, et ensuite, tu t'es volatilisé, je ne trouve pas ce choix judicieux. Absolument pas.

- Tu n'hallucines pas, c'est juste que tout le monde ne peut pas me voir.

- Raleth te voit ? enchaîne la jeune femme.

La petite créature hoche négativement la tête, décourageant l'Afro-Américaine.

- Il sait que j'existe, mais il ne m'a jamais vu, ni entendu et généralement, il ne me sent pas, mais me traverse.

- Alors comment se fait-il que je puisse te voir ? quémande-t-elle.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question et d'ailleurs, arrête de me harceler avec tes questions.

Pour la seconde fois, il s'éclipse, laissant Phœbé à la fois perplexe et outrée. Il est bien culotté pour un petit être.

- À quoi ressemble-t-il ? la questionne vivement Raleth qui se tient devant elle.

- À une petite bête bleue impolie, crache-t-elle. Le minimum c'est de respecter la seule personne qui te voit dans cette baraque !

- À qui parle-t-elle ? intervient Chad.

- Je ne sais pas exactement, répond Raleth. Lors d'un sort, je l'ai partiellement aperçu et depuis, absolument rien. Beaucoup de personnes sont venues dans ma demeure, mais aucune n'a jamais agi de la sorte. Sais-tu d'où il vient ? poursuit-il.

- Non, je ne le sais pas, il a estimé que je le harcelais de questions.

- C'est sûr que lorsque tu commences, on n'est pas rendu, se moque l'Alpha.

- Et on a bien vu ce qui se passe quand on ne répond pas et qu'on s'amuse à tourner autour du pot, rétorque froidement la jeune femme. Tu veux peut-être que je sois plus explicite ?

Son sourire moqueur disparaît sur-le-champ et son expression devient aussi dure que la sienne. Les voici sur la même longueur d'onde maintenant.

- On rentre quand ? demande Phœbé.

- Tout à l'heure, déclare Chad avant de sortir du salon.

- C'est bien la première fois que j'assiste à un tel spectacle entre deux âmes-sœurs, commente le sorcier, pensif.

- Quel spectacle ? ronchonne-t-elle.

- Eh bien, il me semble que les âmes-sœurs s'aiment, se le crient à longueur de journée et font l'amour dès qu'ils en ont l'occasion. J'en ai eu sous mon toit et c'est la première fois que je ne suis pas bercée par des gémissements et des cris de plaisir, articule le sorcier avec amusement.

- Il faut croire que nous ne sommes pas des âmes-sœurs dignes d'un magnifique conte de fées niais, raille-t-elle.

- Ça, je l'ai très bien compris, assure-t-il. Vous êtes plutôt dans la phase digne d'une stupide télé-réalité : on s'aime, on se déteste, on se rapproche, on s'éloigne, on fait la paix et puis on fait la guerre.

- Sauf qu'on ne fait pas la guerre sans motif et quand il sera prêt à capituler, on signera un traité de paix, alors pour l'instant mêlez-vous de vos affaires. On saura s'occuper de nous sans intervention extérieure.

Phœbé quitte à son tour la salle de séjour et croise Chad dans le couloir.

- On va y aller, dit-il sans lui adresser un coup d'œil.

- Hum, il y a moyen que je prenne une douche avant ? l'interroge la jeune femme.

- Tu vas trouver de quoi t'habiller à l'étage, première porte à droite.

Elle ne fait aucune remarque concernant la forme de cette réponse et grimpe au premier étage avant de suivre ses indications. Elle se retrouve dans une salle de bain de taille moyenne et aperçoit un jean ainsi qu'une chemise sur lesquelles sont posés des sous-vêtements qu'elle reconnaît comme étant les siens. Calmement, Phœbé retire ce pyjama qu'elle se coltine depuis presque deux jours et se glisse sous la douche tout en se préparant psychologiquement au trajet qui risque d'être tendu.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant