Equinoxe de printemps

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Une ancienne nouvelle retravaillée pour la sortie de "Le Sang de la guerrière",

(édition revue et sacrément corrigée de "Par le sang").

Bonne lecture !

Flo

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Équinoxe de printemps

Noyée au milieu de la foule agglutinée devant le bâtiment principal, Shyle suffoquait, incommodée par les parfums capiteux mêlés aux relents de sueur. Paysans en blouse côtoyaient artisans, marchands et nobles gens. Drap sombre, velours coloré et soie précieuse se touchaient, parfois pour la première fois. Les visages tendus trahissaient l'espoir qui les tenaillait de voir leur progéniture réussir l'épreuve. Ce qui était aisément compréhensible : devenir mage permettait de s'assurer un avenir confortable, ainsi qu'une certaine renommée.

Shyle se sentait perdue dans cette cohue grouillante et caquetante. À presque quatorze ans, elle serait la plus âgée à passer les portes, et sans doute la seule à désirer se trouver à mille lieues de là. Son bruyant soupir lui attira les regards peu amènes de ses plus proches voisins. Elle pouvait lire leurs pensées sur leurs figures dédaigneuses : Que fiche-elle donc ici, avec son air renfrogné ? Elle est bien trop vieille pour entrer au Collège.

Les ignorant avec superbe, elle replongea dans ses réflexions moroses.

Lorsque les cloches de la neuvième heure carillonnèrent enfin, les battants s'ouvrirent sur un scribe muni d'une écritoire. Il invita les citoyens à pénétrer dans un auditorium après lui avoir décliné leur identité.

Comme les autres, Shyle prit place sur une chaise inconfortable. Une nouvelle fois, le temps s'étira.

Alors que la onzième heure sonnait, son nom fut enfin appelé. Avec un soupir, de soulagement cette fois, elle emprunta couloirs et escaliers la menant jusqu'à un cabinet de travail spacieux et ordonné qui embaumait la cire d'abeille. Une beauté rousse aux traits d'une finesse exquise, presque inhumaine, était assise derrière un bureau de bois clair. Ses oreilles pointues et ses larges yeux mauves trahissaient son appartenance au peuple des elfes. Près d'une fenêtre ouverte, sur un perchoir, un corbeau la dévisageait de ses prunelles rouges.

— Prenez place, ordonna l'elfe d'une voix mélodieuse en désignant un fauteuil à haut dossier. Mon nom est Amanshalee Dell Faldon. Je suis la doyenne responsable des cas particuliers.

Shyle plissa le nez. Voilà ce qu'elle était devenue : un cas particulier. Si elle n'avait pas blessé un garde impérial, elle n'en serait pas là. Tout ça parce que Marcus l'avait distraite au moment où elle s'apprêtait à couper les cordons d'une bourse bien dodue. Les cris stridents du marchand engoncé dans son pourpoint brodé de perles perçaient encore ses tympans.

Elle se laissa tomber sur le siège tendu de velours bordeaux.

L'elfe consulta le dossier ouvert devant elle.

— Vous avez été condamnée par la Cour impériale à intégrer le Collège.

Muette, Shyle acquiesça. Ça valait mieux que le sort habituellement réservé aux tire-laine de son espèce.

— Connaissez-vous les trois types de praticiens de l'Art ? demanda la doyenne.

Haussant les épaules, elle grommela :

Morsure (histoire complète)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant