6. Gentleman mais pas trop

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Après un court trajet silencieux durant lequel mon cavalier ne m'a pas lâchée du regard (ni la main, d'ailleurs), nous arrivons devant le Bar des Théâtre, avenue Goujon, à deux pas des Champs Elysées. Adrien y est accueilli comme un roi. Il salue le barman d'une tape dans le dos et me tire un tabouret couvert de tissus rouge pour que je m'y asseye avant de s'installer à côté de moi. Je m'accoude au bar et il en fait de même, le corps légèrement tourné vers moi. Être aussi proche de lui me rend nerveuse. Oui, je sais, c'est grave d'avoir aussi peur d'un homme mais non seulement je suis un peu spéciale, mais en plus, il n'est pas n'importe quel homme. Quelque chose en lui m'attire autant qu'il me fait peur.

C'est ton désir pour lui qui te fais peur.

Ma petite voix a peut-être raison. J'ai envie de lui et je serais capable de lui céder s'il devenait trop entreprenant.

Et alors, ce serait si grave ?

Non, peut-être pas... ou peut-être que je suis en train de perdre la tête !

Adrien demande au barman quelque chose à grignoter et cinq minutes plus tard, ce dernier dépose sur le comptoir une petite assiette de toasts de foie gras, de petits poivrons marinés, de saumon fumé et de crudités. Ensuite, il pose devant nous deux shots de Tequila. Je grimace, rappelant au beau brun que je dois travailler le lendemain. Il rit avant de mettre du sel sur le dos de sa main et sur la mienne, d'entrechoquer son verre contre le mien et de le boire cul sec, m'obligeant à l'imiter. Son regard brulant m'embarrasse, tant parce que je suis timide que parce qu'il éveille en moi un désir longtemps refoulé. J'avale un morceau de poivron et décide de partir sur un sujet qui me permettra de masquer ma gêne.

- Tu travailles chez Arimel ?

- Non. J'y passe quelques fois pour des assemblées d'actionnaires. J'y étais aujourd'hui. Christian m'a proposé de les accompagner boire un verre. Et toi ? Comment les as-tu connus ?

Je lui explique que j'ai été hôtesse d'accueil chez Arimel pendant mes études. Au fil des semaines, j'ai copiné avec Raphael et Julien.

- Et Christian ? me demande Adrien avec un sourire amusé. J'ai remarqué que tu lui plaisais...

- Christian est un vrai séducteur, j'avoue en riant. Blonde, brune, rousse, petite, grande... je l'ai vu draguer tout et n'importe quoi ! Et puis, sa réputation n'est plus à faire.

- Et tu prêtais attention aux commérages ?

Son ton est taquin mais son regard s'est durci. J'imagine qu'il se demande si je suis une colporteuse de ragots.

- Malheureusement, les hôtesses d'accueil sont souvent au courant des potins, qu'elles le veuillent ou non.

- Ah oui ? Comment peuvent-elles savoir ce qui se passe dans les bureaux ?

Son ton doucereux ne me plaît pas. Il est teinté d'ironie. J'ai l'impression qu'il n'a pas vraiment une haute opinion de moi et je sens ma colère brûler soudainement. Il ne me connait même pas mais il me juge déjà ? S'il compte me parler comme ça toute la soirée, je ferais mieux de rentrer chez moi.

- Les gens parlent devant les hôtesses comme si elles faisaient partie du décor, comme si elles n'avaient ni oreille, ni bouche, ni yeux. En moins de deux semaines, j'étais déjà au courant de tous les potins d'Arimel !

Ma voix est sèche et ma mine fermée mais il rit et je me dis pour la dixième fois que j'adore son rire. Son visage s'illumine, ses yeux brillent, sa bouche révèle ses dents blanches et parfaitement alignées. Sa fossette se dévoile. Il est extraordinaire ! Mais qu'est-ce qu'il fait avec moi ? Je vois les mines intéressées des femmes présentes. Beaucoup me lancent des regards venimeux, se demandant comment l'arracher à mes griffes. Pourtant, je n'ai rien demandé, moi ! C'est lui qui m'est rentré dedans ! Enfin, pas tout à fait mais vous voyez ce que je veux dire...

Tu seras sienne - Règle n°1 : Tu l'intrigueras Où les histoires vivent. Découvrez maintenant