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J'étais nerveux.
L'idée de revenir dans cette maison me trottait dans la tete : j'étais à mis chemin entre une excitation malsaine et une sorte de mauvaise impression qui se rajoutait dessus. L'idée de travailler dans un domaine qui se voulait etre illégal pour moi, puisque j'approchais un enfant, ne me dérangeais pas tant que ça en réalité. Uniquement L'idée d'être là apres son accident, et que le soir où j'avais décidé de prendre mon courage à deux mains et d'aller lui offrir un bouquet de fleur ; j'avais préféré me jeter dans les bras de Jimin plutôt que d'aller la voir, activait chez moi une surchauffe. En plein mois de novembre. Le temps commence à passer énormément vite. Je me rend compte seulement maintenant que je ne vais peut être pas connaître tout ce que je voulais connaître. Au fond, je le savais depuis mon arrivé derrière ces grands murs impenetrable, et pourtant, ce n'est qu'en frappant chez Minji que je compris que je n'ai peut être plus aucun échappatoire possible.

Sa mère vient m'ouvrir, elle est heureuse de me voir d'ailleurs. Elle me sourit, tâte mon corps en s'assurant que je mange correctement ; elle semble faire bien mieux que la mienne. Elle me laisse entrer en appelant sa fille qui, depuis le couloir du fond, fait entendre les roulements de plastique contre le parquet. Depuis le hall – s'ouvrant sur la cuisine et l'espace salon – je vois le bout de son pied tendu se dégager de l'ombre du couloir. Ses cheveux noirs sont rabattu en queue haute, elle aborde un visage ravissant.

Dans ma poche arrière, j'ai une carte pour elle, et dans le sac que je tiens, quelques babioles pour Chaehyun et elle : question de me rattraper.
Elle m'a appelé la nuit dernière en m'expliquant que son mari devait le faire, mais qu'il avait l'esprit totalement ailleurs. C'est étrange, l'atmosphère fantomatique que celui dont elle est éperdument amoureuse, se dégage derrière lui. Je n'ai jamais vu de photo de mariage dans les recoins que j'ai exploré, je n'ai jamais vu de veste ni de bordel masculin a vrai dire. Seule son alliance l'enferme dans un bonheur aveugle.
Le fauteuil roulant du lequel elle semble être heureuse s'avance jusqu'à mes pieds, et je fixe derrière mes lunettes l'armature autour d'elle. Elle voit que j'éprouve de la peine, mais elle tend sa main pour attraper la mienne en souriant, tandis que je me penche un peu en avant en la serrant.
Ses pommettes sont roses, ses lèvres blanches. Ses pupils un peu trop dilatées. Elle doit prendre des anti douleurs comme une folle pour ne pas souffrir avec ce corset et cette jambe de plâtre. Elle a la tete bien droite et ne peut presque pas faire de geste, quand elle embrasse de loin sa mère qui nous laisse l'un avec l'autre. Je la regarde un peu avant de finalement m'excuser, un peu honteux c'est vrai, mais surtout content de voir qu'elle semble rafraîchit à ma visite.
Il n'est qu'onze heure, et ChaeHyun dort encore. Elle me raconte qu'elle a quelques problèmes pour dormir la nuit, et qu'elle ne se nourrit plus que de moitié. La santé de cette petite fleur m'inquiète et selon le médecin, elle n'a rien..
Une baisse de moral ? Le froid qui fait dormir l'enfant sûrement ?

Je reste accoudé à la table avec le café que Minji m'a gentiment préparé. Elle y a ajouté de lait de soja à la vanille, avec un peu de cannelle sur la mousse qui chaperonne la boisson chaude. Elle est juste en face entrain de me conter les dernières nouvelles dans sa vie. Elle me raconte les détails de son accident de voiture, m'en explique les effets et les ressentis. Mais elle ne semble pas plus inquiète d'avoir été percutée à son âge, elle en tire des points positifs qu'elle énonce ensuite : se lever tard, voir de nouveaux infirmiers tous les jours, rester assit toute la journée, pouvoir faire rire son enfant, pouvoir faire des courses dans la maison aussi. Elle en garde le sourire. Est ce éternel ?  Son fauteuil et la condamnation de l'utilisation de ses deux jambes. Est ce qu'elle va y rester jusqu'a la fin ? Elle ne semble pas paraplégique mais parle comme si quelque chose l'empêcherait de remarcher, ou de vivre de nouveau la vie qu'elle aimait tant avant.
Il y a quelque chose de vivant chez cette femme. Sûrement ses yeux profondément sans fin qui me guident vers des pensées philosophes, ou sa voix très peu nasal qui rassure mes peurs. Quelque chose joue sur la possible idée que demain sera vide, elle y jette dans le trou, tout un tas de bonnes ondes qui me donnent le tournis. Peu à peu, elle transmet une énergie qui me fait penser que le futur se construit sans que j'y pense forcément. *Elle est la nouvelle montée, le nouveau pique que je dois gravir me prouvant que la vie est une ascension complète de bas et de haut : comme des montages. Je suis redescendu de celle que j'avais travis il y a 11 ans et viens juste d'en redescendre complètement après avoir touché le pique avec Jimin. Maintenant, une nouvelle montage est à gravir, et elle se présente à moi depuis que j'ai finalement compris que cela serait plus compliqué de redevenir normal. Je dois juste attendre puis monter et ce peut importe si il y a des inconvénients entre, jusqu'à trouver mon nouveau pique de bonheur pour redescendre et me retrouver une montagne. Apres tout, les montages ont plusieurs petits piques, plusieurs grades de bonheur. Travailler ici est la meilleure des opportunités en fin de compte.

ᴋɪɴᴋ ᴍᴇ ᴅᴇᴜx, ygjmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant