Le Trône de Jade-L'émissaire

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L'émissaire

Hidoka replia son éventail. Depuis le départ de Hoku, quelques jours auparavant, le soleil s'était fait plus vif encore... Mauvais signe. Il fronça les sourcils. Et voici que la dame envoyait ses émissaires en trombe, mauvais signe ça aussi.

L'émissaire, tout vêtu de soies vertes aux dragon, passa les portes.

— La dame des Hu Wei vient présenter ses vœux, prononça-t-il.

— Et son humble sujet est ravi de recevoir de ses nouvelles, s'inclina Hidoka.

L'air était brûlant dans la salle de réception du manoir. La structure en bois ne les protégeait guère de l'épouvantable chaleur. Ainsi, autant pour son invité que pour lui-même, le vieux seigneur proposa, insistant.

— Vous prendrez bien quelques jus rafraîchissants, alors que nous nous retirerons dans la salle de travail ?

L'émissaire s'inclina. La cité impériale, où résidait la dame Hu Wei, se trouvait plus au sud et près de la côte. Là-bas, l'air y était plus ardent encore, loin du répit qu'offrait la fraîcheur des montagnes. Un don du ciel, songea Hidoka. Il claqua des mains pour appeler un serviteur.

La salle de travail était une petite pièce privée, installée près des jardins, les larges cloisons de lijo demeuraient ouvertes afin de laisser entrer l'air frais de la cour intérieure. Les chants des oiseaux emplissaient l'air d'une douce mélodie et l'odeur des Joji en floraison embaumaient l'atmosphère, jointe à celle du vieux bois laqué. L'endroit était agréablement décoré de bannières et de peintures aux multiples paysages.

Il se racontait que le tout premier seigneur des Henswei était un moine Siki. Il avait choisi cet endroit pour son calme et son isolement, que son âme puisse à jamais méditer dans la sérénité. Ne restait de ce temps que la minuscule cour intérieure, ce sanctuaire forestier dans lequel s'élevaient d'immenses pins, tous millénaires, chargés de prières et d'idoles divines. En son centre, au milieu des herbes folles et des offrandes, régnait solitaire une pierre couverte de mousse dont la silhouette évoquait celle d'un moine en méditation. Elle était la pierre sacrée du clan Henswei, symbole de son âme et de sa continuité depuis les lointains siècles, lorsque les Siki s'étaient réfugiés dans les hauteurs perdues du Lao Pian.

La brise fraîche s'immisça dans le petit salon.

— L'avancée des troupes de Huji est particulièrement préoccupante, nota l'émissaire, étalé dans les coussins de soie. Les seigneurs des marches hésitent à mobiliser leurs hommes pour combattre les barbares.

— Il me semble donc que la situation n'ait guère évoluée depuis le cataclysme, rétorqua Hidoka, dans le plus grand calme.

Il huma le doux parfum du thé Kotjo avant de porter la tasse de porcelaine à ses lèvres.

— Cette vieille rivalité entre les seigneurs des marches m'a toujours fasciné. Incroyable que de tels enfantillages aillent à l'encontre de la menace la plus certaine. Le tamakjik est non seulement à mes portes, mais aussi aux leurs.

— Cela nous préoccupe, effectivement, reprit l'émissaire, troublé par le calme placide du vieux seigneur. En vérité, dame Thiohillia ne peut lutter contre la menace pesant à sa frontière si ses sujets ne rallient pas sa cause. L'honneur peut les faire fléchir mais...

Il n'acheva pas cette phrase. Après un court silence, Hidoka hocha la tête ;

— ...cela ne fonctionnera que trop tard. Oui, je le crains également. Si Huji campe au nord, c'est qu'il attend le moment propice pour lancer son attaque. Il connait nos faiblesses et en tiendra profit. J'ai grand peur que notre destin ne soit en ce moment même entre les mains d'un seigneur Tojani.

Fleur de PrunierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant