Ressuscité

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Peter adorait ça : cet entre-deux magique entre la chute et le rattrapage, entre le saut et la toile, ce moment où il avait l'impression de voler. Chaque jour, c'était son petit instant de liberté absolue, de bonheur pur et dur, que personne ne pouvait lui dérober : ce moment où Spiderman volait. En vérité, il tombait, mais comme techniquement, il ne s'écrasait jamais, eh ben on pouvait très bien dire qu'il volait.

Sauf que cette fois, il tombait beaucoup trop vite à son goût et il se trimballait un poids mort. Et quand le poids mort se mit à parler, Peter réalisa qu'il n'avait pas le temps de voler, il avait quelqu'un à frapper. Fort.

- « Tu sais, si tu veux nous suicider, c'est pas une mauvaise idée, fondamentalement hein, mais c'est juste que tu risques de mourir et... » commença maladroitement Wade, toujours suspendu par son col.

- « Et pas toi ? » compléta Peter, la mâchoire serrée.

- « ... Voui, voilà. »

- « Comme c'est bizarre. » ricana méchamment le jeune homme en se concentrant sur le bras de la grue en face.

D'un geste souple du poignet, il visa et tira. Le jet de toile vint s'agripper contre le morceau d'acier dans un satisfaisant bruit mouillé, avant d'émettre une vibration sonore lorsque le fil se tendit brusquement sous le poids de Spiderman et Deadpool. Emporté par son propre élan, Peter se projeta en avant, réitérant la même action : tendre le bras, viser, tirer, s'accrocher. Il répéta une bonne dizaine de fois le même schéma, jusqu'à finir par être hors de vue de la tour des Avengers. Il avait l'esprit trop fulminant pour vraiment savoir ce qu'il faisait et il en était à se demander si l'autre n'avait pas raison au fond : il aurait pu les lâcher tous les deux, vlan, splash, tout est fini.

Pour toi, oui, mais pas pour LUI !

Peter avait envie d'hurler. D'hurler jusqu'à ce que sa poitrine explose, jusqu'à ce qu'il soit trop fatigué pour rester conscient, jusqu'à ce que tous ses souvenirs s'effacent. Mais il était au beau milieu de New York, en plein jour et en costume de Spiderman. Il n'avait pas spécialement envie de finir interné. Au lieu de quoi, il avisa les quais de l'Hudson au bout de l'avenue et en prit la direction.

- « Tu comptes me noyer ? Ou me mettre dans un bateau ? Direction l'Europe ? » s'inquiéta Wade, qui avait prudemment suivi le mouvement, n'essayant pas à un seul instant de se débattre. « Steuplait, tout mais pas l'Europe. J'aime pas l'Europe. »

Peter non plus n'aimait pas l'Europe. Et c'était la faute de ce crétin. Lorsque les immeubles ne furent plus assez hauts pour que Spiderman puisse se déplacer, il mit pied à terre, Deadpool dans son sillage. Il n'avait pas vraiment calculé son atterrissage pour deux personnes (à vrai dire, il avait estimé qu'il était seul, tout simplement) et autant dire que ce ne furent pas les pieds de Wade qui rencontrèrent le sol en premier.

- « Ouch. » protesta-t-il discrètement, avant d'être projeté contre un des containeurs empilés sur le quai. « Ouch ! » s'exclama-t-il avec plus de conviction cette fois.

- « Oh ça va, tu as pris pire que je sache. » gronda sèchement Peter, vraiment pas d'humeur.

- « Mais ça faisait mal aussi ! Je suis pas insensible à la douleur. »

- « Quel dommage. » grinça le jeune homme, en observant attentivement les lieux.

Personne en vue. Et beaucoup de bruit. Parfait. Il allait pouvoir hurler tranquillement.

A vrai dire... Maintenant qu'il en était là, il ne savait pas vraiment quoi faire. Face à lui, Wade se relevait difficilement, exagérant sa douleur à grand renfort de grimaces pathétique. Rien que cette scène plongeait Peter dans un état d'incompréhension totale. Il avait l'impression d'être dans une autre dimension, un peu comme lorsqu'il jouait avec l'Occulus Rift de l'Institut : comme si tout ce qu'il voyait ne pouvait pas le toucher physiquement, puisque ça n'arrivait pas réellement. Il attendait plus ou moins le moment où l'image se brouillerait et une voix enregistrée annoncerait « Game Over ». Sauf que, contrairement à un jeu vidéo standard, il n'y avait aucune indication sur que faire, quoi faire, comment le faire. Et Peter trouvait ça incroyablement paniquant, plus paniquant que tout ce qu'il avait dû affronter jusque-là : bordel, comment on discute avec un mort ?

Like A RedLanternOù les histoires vivent. Découvrez maintenant