2ème aventure - Les graffitis sur le mur de l'école

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TROIS SEMAINES ÉTAIENT PASSÉES depuis l'épisode de la chèvre. Robin se rappelle encore de la tête de M. Latache lorsqu'il a ouvert la porte sur une Venise désolée, une bête complètement terrorisée dans les bras. Confuse, elle avait essayé de s'excuser, vraiment. Elle avait adapté un posture qui n'était pas vraiment la sienne, défroissant les plis de sa robe à l'aide de ses doigts gourmands. Elle avait laissé glisser quelques politesses qui sonnaient bien faux dans sa bouche, mais lorsque Latache s'était mis à lui dire qu'elle était 'vilaine' et qu'elle 'ne deviendra rien plus tard', la jeune fille s'était emportée à son tour en crachant à ses pieds comme les vieux fermiers du coin. Elle s'était enfuie en courant, les baskets claquant contre les chemins de campagne.

Depuis tout ça, Robin n'avait pas eu l'occasion de passer du temps avec elle. Il la voyait souvent, tous les jours même, mais les paroles que s'échangeaient les deux adolescents étaient pleines de timidité et aussi furtives que le battement d'aile d'une corneille.

Ces temps-ci, quand Robin marchait dans la cour de son école (pieds nus), il se surprenait à remarquer plus facilement la silhouette de Venise, étalée dans l'herbe ou sur un banc. Parfois, il la regardait un peu plus longtemps et s'était mis à remarquer des choses complètement loufoques, comme par exemple que sa joue droite se creusait d'une fossette lorsqu'elle souriait. Son petit menton était tracé de courbes fines et vagabondes ; ses épaules elles, n'étaient pas très grandes, mais ses hauts à brettelles laissaient apercevoir les constellations de grains de beauté qui parsemaient sa peau laiteuse.

Il se demande si elle aussi, elle le voit. Parce que lui, il ne manque jamais une occasion pour lui adresser un signe de main ou quelques mots. Lorsqu'elle s'intéresse à lui, elle repart souvent en imitant un funambule sur le muret et en écartant ses bras pour faire l'avion.

— Tu te rinces bien l'œil avec cette Venise, hein ? lui dit souvent Clotilde en ricanant.

Robin le nie, mais au fond, il sait bien que son ami a raison : l'image de la jeune fille lui colle aux pensées.


Du coup, quand elle vient le voir, ce jeudi soir, les cheveux lâchés, le teint bizarrement plus mat que d'habitude, et qu'elle lui dit qu'elle a absolument besoin de lui pour son escapade nocturne, il reste pendant deux longues secondes complètement éberlué. Elle a les bras croisés sur sa poitrine, et elle semble plus imposante que la dernière fois qu'il l'a croisé. Les yeux clairs de Robin discernent une étincelle dans son regard sombre, et il balbutie, en se grattant la nuque :

— Attends, Venise, attends, quoi ?

— Bon, déjà, moi c'est Denise. Sérieux, ma sœur elle est beaucoup plus petite, eh. Et elle se fait des coiffures bien chelou, moi j'ai un minimum de respect pour moi-même, je ne m'inflige pas des trucs pareils.

Denise lance un coup de menton en direction d'une fille qui fait de grands gestes dans un coin, et Robin reconnait la chevelure rousse de la seconde jumelle Malmaison. Elle a une brindille coincée dans une de ses couettes, tandis qu'elle triture l'autre avec un autre bout de bois, en clamant au pauvre jeune homme qui la regarde :

— Regarde, je mets des bâtons dans les roux !

En étouffant un rire, Robin repose son attention sur la fille qui se tient devant lui. Un pantalon léger sur les hanches et un air chaleureux sur le visage, Robin commence à discerner les petits détails qui différencient les deux sœurs jumelles. Les mèches de Denise sont plus sombres à ses pointes, surement dû à une ancienne coloration. Les plis de ses lèvres n'est pas aussi fougueux que celui de Venise, et la courbe de sa mâchoire est plus douce, sous sa chevelure de la même teinte que les écorces au coucher de soleil du coin. Alors que Venise respirait l'été et les fruits rouges, Denise, elle, avait une aura rassurante, comme l'odeur des thés chauds à la fin d'une longue journée.

Les onze aventures calamiteuses de Robin DubosquetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant