2 - Strings

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À maintenant 17 ans, elle voit toujours des Strings. Le sien se décolore petit à petit ou se désagrège tout simplement, elle ne le sait pas tout à fait. Ce qui est sûr en revanche c'est qu'elle n'est pas encore tombée amoureuse de qui que ce soit et encore moins de sa moitié, morte ou disparue. Elle vient toujours dans ce petit parc où elle dessinait plus jeune, mais ses dessins paraissent plus ternes, plus tristes, moins vivants.

***

Olna, puisque c'est comme ça qu'elle s'appelle, déambulait tranquillement jusqu'à son parc habituel. Elle ne regardait pas particulièrement où elle allait, alors lorsqu'elle traversa la route, elle ne vit pas la bicyclette qui allait passer juste devant elle. La bicyclette lui rentra dedans et ils roulèrent jusqu'à l'autre côté du trottoir, d'où venait Olna. Cette dernière était écrasée sous le poids du vélo et de son propriétaire et râlait légèrement contre celui-ci, en attendant qu'il se relève. Elle n'avait rien de grave à part quelques éraflures. Mais l'autre mit beaucoup de temps à se relever. Cependant, lorsqu'il l'eût fait, il s'excusa proprement et Olna put le dévisager avec quiétude.

C'était un garçon aux cheveux châtains en pétard lui arrivant légèrement sur le front, aux alentours de son âge, un visage fin avec d'étonnantes joues rondes et rosies, puis venaient ses yeux d'un bleu céruléen, son petit nez en trompette, sa bouche bien dessinée de couleur vermeille et quelques petites tâches de rousseur disséminées ici et là.

Lorsqu'elle put enfin se relever, sans l'aide de ce​ fou à bicyclette bien sûr, elle épousseta ses habits d'un air arrogant avant de recommencer à traverser sans lui jeter un dernier regard. Le garçon haussa les épaules et reprit sa route.

Quand Olna arriva à son parc, elle s'assit à son petit spot habituel, sur un banc devant la fontaine. Elle sortit son carnet à dessin et ses crayons, puis commença son petit travail de toujours.

***

Deux à trois heures plus tard et seulement une poignée de mornes dessins réalisés, un soupir quitta ses lèvres, tandis qu'elle faisait toujours abstraction du monde et de la vie qui l'entourait. Ce qu'elle faisait sûrement inconsciemment depuis ce jour où la curiosité l'avait emportée. Elle sembla se reconnecter à tout cela seulement lorsque son ventre se manifesta sans discrétion juste étrangement au moment où quelqu'un décidait de poser ses fesses à l'autre bout de son banc fétiche.

Olna ne prit pas la peine de se renseigner sur l'identité de ce quelqu'un. Elle préféra plutôt sortir un sandwich de son sac et commença à l'engloutir doucement, trop doucement. Arrivée à la moitié, elle le rangea, faute d'appétit. Et se décida à observer son voisin, qui lui l'observait déjà. Les joues de ce dernier semblèrent prendre une teinte rosée, gêné de s'être fait prendre la main dans le sac, tandis qu'Olna remettait enfin la personne qui lui semblait familière dans son esprit.

-Eh, mais t'es le type à vélo qui m'a foncé dedans tout à l'heure en fait.

Le garçon sembla se remettre de ses émotions précédentes et un rictus narquois prit place sur son visage.

-Bravo Sherlock!

Il fit mine d'applaudir tandis qu'Olna semblait être agacée.

-Pourquoi t'es là?

Le ton utilisé n'était pas forcément très agréable pour le jeune homme, voire même agressif.

-J'ai pas le droit de me balader au parc?

Elle souffla, légèrement exaspérée.

-Là n'est pas la question, je demandais ce que tu faisais là à côté de moi, sur mon banc?

-Eh bien figures toi qu'un banc est fait pour s'asseoir et que j'en ai eu très envie d'un coup.

Cette conversation n'avait ni queue ni tête, et Olna commençait à regretter d'être venue ici aujourd'hui. Parce que mine de rien, ce garçon parvenait parfaitement bien à la mettre sur les nerfs. Alors, elle préféra soupirer et l'ignorer, tout en reprenant carnet et crayons en main pour se replonger dans ce qu'elle faisait auparavant.

Les bruits de la nature avaient repris leurs droits de nouveau et l'on pouvait les entendre sans problème pendant un long moment où Olna dessinait. Cette quiétude fut cependant interrompue par un souffle d'air chaud qui vint chatouiller le côté droit du visage de la jeune fille, qui soupira tandis que la voix du jeune homme s'éleva de nouveau.

-Tes dessins sont tristes.

Il la regarda un instant, tandis qu'elle semblait surprise et plongeait son regard dans le sien. Elle détourna bien vite les yeux en soufflant. Et après un moment de silence :

-Pourquoi?

-Un artiste a-t-il besoin de dire pourquoi il a créé telle ou telle oeuvre, pourquoi il a placé une tâche noire ici et pas là?

Il répondit d'un léger 'Hmm' en hochant la tête lentement.

-Au fait, mon nom c'est Eliott mais appelles moi El'.

Il lui offrit un joli sourire en lui tendant sa main.

Et ce qu'Olna ne put que remarquer furent les deux fils rouges qui partaient à la fois de son petit doigt et de son poignet.

StringsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant