Chapitre 30 : Sombres écumes

3.2K 209 106
                                    



Il détestait cette partie de la ville, elle était sale, les pavés étaient collants, luisants d'une substance qu'il ne parvenait pas à reconnaître. Cet endroit se pliait en ruelles étroites privées de lumière et à l'air continuellement chargé de souffre. Les sorciers de bonne compagnie craignaient l'Allée des Embruns, mais lui redoutait plus encore cette vieille portion de Londres. Quelques anciens bâtiments de la grande période d'industrialisation restaient debout, vieux témoins d'une époque où le Moldu préféra sacrifier au progrès chaque atome de sa propre Humanité. On racontait même que certaines vieilles usines étaient toujours hantées des enfants morts en travaillant.

Mais ce n'était pas ça qui l'angoissait, pas plus que l'allure glaciale de ces structures métalliques rouillées. Non, il détestait cet endroit car il était le repère de tous les déséquilibrés vomis par les deux sociétés. Un repaire bâtard, où Cracmols et Moldus aux synapses pétées par la coke se fréquentaient, forniquaient, se mélangeaient dans leur sueur, et leur médiocrité. Il n'aurait jamais cru que son contact l'eut envoyé dans un endroit pareil. Connor Oaken avait l'habitude de fréquenter des lieux très tendancieux, parfois même des zones Moldues, si cela s'avérait nécessaire, mais ça... Cette puanteur, cette saleté, cette immondice ? Jamais.

Quand il tourna à un angle pour s'engager dans un boyau puant et sans issue, sa capeline frôla l'un des murs, et il frissonna de tout son être. Se sentant immédiatement sale, il réprima l'envie de jeter un sort de nettoyage, et avança, son esprit s'imaginant une tâche dévorant peu à peu son vêtement et le contaminant pour le faire puer à son tour. Une grosse goutte de sueur perla par-dessus sa lèvre supérieure fine, et il put goutter à sa propre moiteur, salée, tiède, désagréable. Connor réprima un haut le coeur violent, et pressa le pas. Vite, une fois dedans, tout irait mieux.

La petite porte au fond de la ruelle était son objectif. Encadrée par un grand linteau de métal cramoisi, elle ressemblait plus à une porte de prison qu'à une entrée de bar. Le journaliste garda les yeux rivés dessus, et accéléra, sa capeline se soulevant sous le geste. Il l'atteint, frappa d'une main – heureusement – gantée, et attendit.

Un raclement, suivit d'une sorte de plainte précédèrent un grincement sinistre, et le vasistas s'ouvrit, dévoilant une paire d'yeux gris surplombée d'épais sourcils menaçants. L'homme, peu amène, resta silencieux, et Oaken sentit toute son hostilité. Humectant une nouvelle fois sa lèvre supérieure, le journaliste prononça un mot, avant que l'homme ne referme la languette de bois et n'ouvre la porte.

Une intense chaleur, charriant des relents de tabac, d'alcool et de sueur, brûla le visage du gratte-papier. Oaken s'engouffra dans le petit passage, après que le portier se soit effacé dans le mur pour le laisser entrer. C'était comme si la ruelle continuait à l'intérieur du bâtiment, en plus chaude et moite que tout à l'heure. Cela augmenta la tension du journaliste qui avait désormais l'impression de flotter dans sa sueur et ses vêtements qui l'étouffaient soudainement. Il continua d'avancer, en direction de la lumière et du bruit sourd des conversations, et il déboula enfin dans un grand entrepôt empli d'humains qui s'entassaient dans leur beuverie.

Soutenu par des poutres de métal piquées d'énormes vis, le plafond semblait monter haut, mais Oaken ne parvenait pas à le distinguer car une épaisse fumée bleue flottait, menaçante comme des nuages prêts à pleuvoir de l'eau sale et puante. Et en-dessous de cette fumée, une sorte de taverne-marché perpétuel dans lequel les gens venaient prendre du plaisir, fumer des drogues étranges, et boire des potions insoupçonnées. Des étals où des marchands douteux dévoilaient des produits colorés et louches bordaient un comptoir sur lesquels les soulards semblaient y être collés par la saleté et la bière de mauvaise qualité. Plus loin, des tentures encadraient des parterres de coussins où les drogués des deux mondes voyageaient dans leurs névroses.

A la MoldueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant