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Brahim aperçut immédiatement le sceau de l'université apposé sur l'enveloppe en ouvrant sa boîte aux lettres et eut un sursaut intérieur. 
Il conserva soigneusement l'intégralité du sursaut à l'intérieur de telle sorte que les voisins qui passaient dans le couloir à ce moment-là ne remarquèrent rien.

Une fois seul il ouvrit l'enveloppe et déplia son bulletin de notes, impatient de connaître le verdict. 
Sa formation en Logique et Rhétorique lui garantissait un diplôme plutôt sympa à condition que sa moyenne atteigne un minimum réglementaire de 10/20.

Les notes apparaissaient sous la forme d'un tableau où, tel qu'il en était d'usage depuis une récente réforme, le coefficient de chaque Unité d'Enseignement était indiqué par un pourcentage.



| Mécanique et Robotique                          | 16% | 11/20 |

| Éthique et Politique                                    |     8% |  9/20 |

| Botanique et Génétique                            |  5% |  12/20 |

| Informatique et Algorithmique              | 16%  |  7/20 |

| Linguistique et Sémantique                    |  20% |  7/20 |

| Musique et Phonétique 
                            |  10% |
  8/20 |

| Travaux pratiques                                        |  10% |
 9 /20 |

|                                                                              |            |      /     |



J'imagine déjà avec amusement ceux d'entre vous, plus prompts à chercher les petites bêtes, s'enquérir des pourcentages manquants à cette répartition. Certains croiront probablement à une erreur mais il n'en est rien. 
Les sept lignes figurant sur le tableau correspondent aux UE obligatoires, la plage horaire restante est en revanche réservée aux matières "optionnelles".

Les matières "optionnelles" ne sont pas vraiment optionnelles : chaque étudiant a l'obligation d'en choisir une. 
On peut se décider parmi un panel de sujets suffisamment large pour qu'aucun membre de l'administration n'ait pris la peine d'en dresser la liste complète.

Certains préfèrent s'adonner à une discipline réputée inutile comme "Héraldique et Symbolique", d'autres s'offrent des moments de réflexion sportive en agrémentant d'une ligne "Ski nautique et tactique" leur emploi du temps.
 Par convention, ces cours optionnels ont lieu le jeudi en milieu d'après-midi.

À cette heure les amphithéâtres se désertent et on en voit sortir des flots organisés d'étudiants qui filent dans une direction ou une autre selon leur spécialité pour se regrouper en comités restreints dans de plus petites salles.

Pile au centre de l'agenda de Brahim, le rectangle 13h-15h du jeudi reste muet.
 Et à l'image de cet espace vide, lorsque l'heure en question arrive, Brahim semble disparaître après quelque déambulation erratique dans les couloirs.
 D'autres élèves, intrigués, se demandent encore ce qu'il fabrique durant ces deux heures. Mais à peine on l'interroge qu'il change de sujet ou fronce les sourcils à tel point qu'on en finit par éviter de poser la question. 
Impossible d'en savoir plus. Les membres de l'administration ainsi que le directeur de l'université avouent eux aussi avec gêne leur ignorance à ce propos. 
Personne ne sait même retrouver le formulaire d'inscription au bas duquel Brahim aurait apposé sa signature en début d'année. 
Quelque part au fond d'un tiroir, au cœur de dossiers archivés, ledit formulaire est là incognito, glissé entre ses semblables.
 Lui, contrairement à ses voisins du dessus et du dessous respectivement nommés "Mathématique et Arithmétique" et "Critique et Autocritique", ne porte pas de titre. On peut lire sur ce formulaire un descriptif bien vague du contenu pédagogique au- dessus duquel trône un champ réservé au nom de l'enseignant, évidemment non renseigné.
 Pourtant un salaire est bel et bien versé régulièrement à un professeur dont tous ignorent l'identité. La salle dans laquelle il officie, construite a posteriori en sous-sol du bâtiment principal, ne figure sur aucun plan.

On y étudie chaque semaine l'art du secret. 
On apprend à ne rien dire, mentir, poser des pots aux roses dans des lieux communs et prétendre le faux pour dissimuler le vrai.
 Brahim excellait dans ce domaine. Il avait développé une approche personnelle dont l'application pratique dépassait le cadre de ce seul cours. 
En plus de garder les secrets il savait les inventer ou les occulter.
 Grâce à lui, plusieurs détails du programme de "Signalétique et Poétique" furent par exemple censurés sans que personne ne s'en aperçoive.
 Après son passage dans les foyers de l'université, nombre de préoccupations qui y avaient tenu la vedette jusque-là étaient désormais devenues confidentielles. 
Il créait de nouveaux tabous là où on ne savait même pas qu'on en avait besoin.
 Il avait même été jusqu'à minutieusement saboter ses propres examens dans les UE principales afin d'obtenir un palmarès de notes délibérément insuffisantes.
 Ainsi, avec un discret 18/20 dans son UE optionnelle coefficient 15%, Brahim avait obtenu son diplôme mais personne n'était au courant.



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