Prologue

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Assis sur mon tapis à côté de la télévision, je suis juste dans la ligne de mire de mon père. Comme à son habitude, il est avachi sur le canapé, une bouteille de bière dans la main gauche, une cigarette dans la main droite. Son regard vitreux ne se décolle par de l'écran illuminé.

Je me tortille légèrement, retenant depuis un temps fou l'envie de faire pipi qui me tient. Je sais que je n'ai pas le droit de bouger. Si j'ose ne serait-ce qu'esquisser le moindre geste, je sais d'avance ce qu'il va m'arriver.

Je ne me souviens que trop bien de la raclée que j'ai prise il y a deux jours alors que je me suis levé de mon tapis sans lui demander son autorisation pour aller laper dans ma gamelle d'eau.

J'ai beau ne pas être très âgé, j'ai compris comment il fonctionne. Papa fait tout pour pouvoir me reprocher quelque chose afin de m'apprendre la vie, comme il dit. Selon lui, tous les coups que je reçois ont pour but de m'apprendre à me défendre plus tard.

Pourtant, j'ai beau le savoir, j'ai toujours une furieuse envie de faire pipi.

Je me décale encore sur mon tapis, tentant par tous les moyens de ne pas faire pression sur ma vessie, et ainsi alléger la charge, mais j'ai de plus en plus de mal à me retenir. Il est tout proche de sortir. Et je ne veux pas savoir ce qu'il m'arriverait si jamais je me laissais aller sur mon tapis.

Sa bouteille de bière va taper bruyamment la table basse devant lui, et je sursaute légèrement, laissant quelques gouttes s'échapper de mon zizi. Je resserre tout ce que je peux serrer, fermant les yeux.

Peut-être que si j'arrive à m'endormir, je ne penserais plus à tout ça. Je me roule en boule et ferme les yeux, essayant d'imaginer un endroit où il ferait bon vivre. Mais la seule chose que j'ai connu dans toute ma vie, c'est ce salon miteux et ce tapis tout sale.

Je me retourne, sentant toujours la pression dans mon ventre qui me fait un mal de chien. Je serre les dents pour ne pas gémir, et imagine un coin de verdure où je pourrais rester étendu sur l'herbe fraîche.

Je pense que je dois réussir à m'endormir malgré tout, car je suis réveillé par une douleur intense pulsant dans mon dos. Je me retourne et comprends immédiatement la raison de ma douleur.

Se dressant au-dessus de moi, mon père me regarde avec des yeux globuleux, habités par une rage folle. Je me demande ce que j'ai bien pu faire pour le mettre dans cet état, avant de remarquer que j'ai froid au bas-ventre. Je baisse très légèrement la tête pour remarquer l'humidité sur mon pantalon.

Cette fois-ci, je ne retiens pas le gémissement qui sort de ma gorge. De toute évidence, je me suis laissé aller durant mon sommeil, et mon père va me le faire payer.

Un nouveau coup de pied atterri dans mes côtes, et je hurle à plein poumon. Mon père se penche sur moi pour me plaquer dos au sol. La peur s'infiltre dans tous les pores de mon être en le voyant s'approcher de moi, un couteau énorme entre les mains. Son sourire cruel me donne des sueurs froides et je détourne les yeux pour ne pas voir ce qu'il va me faire.

Je tombe alors dans le regard de maman, qui semble désolée pour moi. Je sais qu'elle ne peut strictement rien faire pour moi. Si elle s'interpose entre nous, elle risque d'avoir encore plus mal que moi. C'est pour ça que bien souvent, je me laisse faire en silence. Je ne veux pas qu'il fasse de mal à maman.

– Tu n'es vraiment qu'une sale vermine ! Même pas capable de se retenir. T'es pire qu'un bébé à te pisser dessus comme ça !

Du coin de l'œil, je vois la lame se rapprocher de mon visage, et j'ai un réflexe malheureux. Mon bras part pour repousser le couteau, mais mon père sursaute à mon regain d'énergie, et la lame vient découper mon visage, me faisant hurler de tout mon être. La douleur est fulgurante et atroce. Le sang jaillit à gros bouillons, me brouillant la vue.

Toi et Moi...Mais, et lui ? (sous contrat d'édition chez JennInk)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant