Saori - 5

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L'écran noir de mes paupières m'apaisait. Assise en tailleur sur mon lit, je méditais en essayant de me souvenir des bruits de la nature. Dès le début de mon incarcération, trois ans auparavant, c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour m'évader.

Je le faisais tous les jours, surtout depuis que nous étions dans le laboratoire de l'enfer. Les grognements de Mato accompagnaient régulièrement mes moments de calme. Il faisait des abdos ou des pompes pour relâcher la pression. Il en avait bien besoin, c'était lui qui maîtrisait le moins sa transformation. On avait souvent le droit à Winnie, dans la cellule d'en face. Il détestait que je le surnomme ainsi, aussi je ne m'en privais pas.

Le voir aussi souvent nu exacerbait ma libido galopante. L'envie de sexe faisait partie des choses qui me réveillaient régulièrement, depuis notre transformation. Oh, j'avais déjà des accès de désir avant qu'on joue aux cobayes avec nos gènes, mais là, ça devenait incontrôlable. Yuutô semblait en souffrir moins que moi. Nous avions tous deux évoqué le sujet quelques jours plus tôt. Il était assez pudique de ce point de vue-là, je n'étais donc pas certaine qu'il m'avouerait son malaise. Je me serais bien apaisée seule, mais la promiscuité ne s'y prêtait pas. Je n'avais pas envie que les autres me surprennent.

Je soupirai en percevant les grognements d'un Mato en train de cultiver sa musculature déjà bien développée. Contrôler mon souffle et repousser la chaleur qui naissait dans mon ventre à l'évocation de la peau brune et luisante de sueur de mon voisin de cellule me demandèrent une concentration à toute épreuve.

Les néons s'éteignirent brusquement, et j'ouvris les yeux dans la pénombre de notre fausse nuit.

— Ian ? appelai-je.

— Cent vingt cinquième.

Ian tenait le compte de nos journées de prisonniers dans ce labo. Chaque fois qu'ils baissaient la lumière dans nos cellules, il comptabilisait un jour de passé. Ça semblait cohérent, au vu du temps qui s'écoulait et du nombre de repas que l'on ingérait entre deux « nuits ». Quatre mois que nous étions enfermés ici ! Le temps s'étirait lentement, j'avais parfois l'impression que nous croupissions dans cet endroit depuis des années.

Nous avions tous subi un grand nombre d'examens, d'expériences parfois étranges. Ils nous faisaient sortir de nos cellules régulièrement, mais jamais nous n'avions pu mettre un pied à l'air libre. Comme chacun de mes compagnons, j'avais mémorisé l'agencement du labo. Nous préparions notre fuite. Nous affûtions aussi nos sens et nos capacités. Leurs expériences avaient un seul point positif : grâce à elles, nous maîtrisions de mieux en mieux nos transformations. La douleur s'atténuait, le changement devenait plus rapide. Je m'habituais aussi à partager mon corps avec quelqu'un d'autre. Ma panthère était à la fois une extension de ma personnalité et un être à part entière. Nous étions souvent d'accord, malgré tout.

Yuutô n'était pas encore revenu des tests. Je sentais justement ma panthère s'affoler sous ma peau qui me démangeait. Elle n'aimait pas que mon frère reste trop éloigné de moi. Nous partagions ce sentiment.

Pour penser à autre chose, je contemplai Mato qui continuait ses exercices. Il avait retiré son t-shirt, et j'admirai le jeu de ses muscles. Mes hormones me titillaient toujours davantage, ces derniers temps, j'avais une folle envie de laper la sueur qui roulait dans son cou avant de m'empaler sur son...

Je me mordis la lèvre, fort. Les panthères avaient-elles des chaleurs, comme les chats ? Si c'était le cas, j'étais en plein dedans. Je savais que les autres le sentaient.

Je captai le regard goguenard de Ian.

— Ça te démange tant que ça, chérie ? Je peux t'aider, si tu veux...

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