Chapitre 42 : au château du duc d'Astaroth

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Alexia suivit une sorte de grand squelette revêtu d'une robe noire et d'un chapeau ressemblant aux bonnets péruviens. La créature la conduisit jusque dans une immense chambre dont la terrasse donnait sur un panorama à couper le souffle, fait de bouches de volcans en éruption s'étalant à l'infini dans une plaine de cendres noires où volaient des sortes de dragons à écailles pourpres. Pas vraiment un décor de contes de fée, songea Alexia en s'écroulant sur le vaste lit couvert de coussins en velours.

Elle ressentit aussitôt une sensation de vertige et ferma les yeux pour lutter contre la torpeur qui l'envahissait. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait et elle comprit immédiatement que son symbiote se manifestait à elle en sollicitant son esprit.

Des images se formèrent dans sa tête. Elle se sentit décoller, flotter dans l'espace au-dessus de plusieurs personnes vêtues de blouses blanches. Un chirurgien, bistouri en main et masque sur le visage, semblait concentré sur un corps. Alexia sentit qu'elle se rapprochait de la scène. Le corps lui était caché par le dos d'un des docteurs entourant la table d'opération.

Elle sentit son corps se décaler sur le côté afin de ne plus être gêné par ces obstacles. Ce qu'elle découvrit alors la terrifia.

Le corps que l'on était en train d'opérer, c'était le sien. La tête endormie posée sur la table d'opération et maculée de sang, c'était la sienne. Pire : sa boite crânienne était ouverte et un trou bien net apparaissait entre les méandres de son cerveau.

Son symbiote lui faisait assister à sa propre opération ! Elle ressentit aussitôt un spasme lui tordre l'estomac et crut qu'elle allait vomir.

Mais de quel estomac s'agissait-il ? De celui qui était caché sous les draps de la patiente en train d'être opérée ou bien de celui qui flottait, immatériel, dans l'espace au-dessus de la salle de chirurgie ?

Alexia avait parfaitement conscience qu'il ne s'agissait que d'une image, d'une projection mentale que son symbiote lui faisait ressentir, mais le réalisme de tout ce qu'elle percevait lui faisait confondre rêve et réalité.

Soudain, elle perçut la présence du duc. Où était-il ? Allait-il surgir, tel un fantôme, dans l'espace au-dessus de la salle ?

— Ce serait une possibilité, mais je crains que cela ne te fasse trop peur.

La voix provenait du chirurgien qui brandissait le scalpel. Fascinée, Alexia reconnu le visage émacié du duc caché sous le masque lui couvrant la bouche. Ses yeux d'un rouge incandescent se levèrent vers elle.

— Ce que tu vois n'est bien entendu qu'une projection de l'avenir que ton symbiote te fait percevoir. Dans peu de temps, les chirurgiens tenteront d'extraire ton symbiote et ils te tueront...

Alexia ne répondit pas. Elle savait parfaitement que le duc disait vrai. C'était l'avenir qui se présentait à elle, ou du moins l'un des chemins que pouvait prendre l'avenir, selon ce qu'elle déciderait de faire.

— Exactement, petite terrienne. « Selon ce que tu décideras de faire ». Le moment de choisir est venu. Si tu décides de te rallier à moi, ton corps survivra. Tu reverras tes parents et tu retourneras tranquillement en classe, comme si tout cela n'avait été qu'un long cauchemar...

— Et si je refuse de rester avec vous ?

— Tu connais déjà la réponse : ton corps ne résistera pas à l'intervention chirurgicale. Tes amis et tes parents pleureront ta mort. Oh, bien sûr, Daniel trouvera une solution ! Tu seras une sorte de fantôme dont l'esprit dérivera dans l'espace, tel celui de Korian.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant