Chapitre 22

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Note de l'autrice : petite vidéo à part pour clore cette troisième partie : celle officielle de la première saison de "L'initiation de Claire", qui est déjà parue aux éditions Harlequin.

***

Claire observa Mathieu se pencher sur le sac laissé par Véronique. Quand il en sortit une cape d'un noir d'abîme qu'il jeta sur ses épaules, elle fut captivée par l'image qui se dessinait peu à peu sous ses yeux, et le fut plus encore en le voyant remonter la capuche sur son crâne puis placer un masque vénitien sur son regard. Ainsi, son visage était presque entièrement dissimulé, majorant son aura sombre. Diffuse, la plupart du temps, elle ne se révélait véritablement que lors des séances de domination, mais apparaissait comme flagrante, soudain. Mathieu n'était pas seulement en train de costumer. Il se transformait, non seulement physiquement mais dans son attitude, le dominant en lui prenant de plus en plus de place, imposant sa force et sa dureté. Debout, dans son pantalon de cuir tanné accroché à ses hanches, il se dressait, le torse à peine couvert de son t-shirt en résille noire, une cape épousant ses épaules, et son masque n'encadrait ses yeux que pour en souligner l'attraction. Quant à son expression, elle était celle d'un homme prêt à dévorer le monde, prêt à la dévorer, elle, fascinant et alarmant à la fois.

– Suis-moi.

Il attrapa la main de Claire. Elle dut accomplir le défi de marcher malgré le plug profondément enfoncé en elle, malgré la brûlure lancinante de ses mamelons, malgré le silence imposé par Mathieu... Malgré le trouble, tout le temps, qu'elle éprouvait.

Le donjon était vide, son long couloir entièrement recouvert de voiles anthracites. Même l'éclairage se faisait plus faible. La nuit tombante ne manquerait pas de basculer les lieux dans une pénombre aux airs mystiques dès que la lumière du jour finirait de se faner. Claire imagina ce que donneraient des corps s'enlaçant dans cette partie du club. Une atmosphère de Bacchanales ne tarderait pas à s'y faire sentir.

Mathieu déverrouilla la porte menant à l'escalier extérieur et commença à descendre les marches. Claire s'accrocha à lui. L'objet enfoncé en elle la gênait et ce fut un effort de chaque instant.

Dès qu'ils sortirent de dessous le porche qui les isolait des regards, Claire put apercevoir la foule s'étant formée : masse hétéroclite de corps plus ou moins costumés ou dénudés, mais dont il émanait une aura sombre qui suscitait autant l'imagination que la curiosité. Par réflexe, elle chercha les autres dominants : Olivier, en particulier. Isabelle et Véronique. Mais elle ne les vit pas. Quant aux êtres fantasques autour d'elle, ils l'étourdissaient d'autant plus que, tous... elle fut obligée de le constater, absolument tous, la regardaient.

Elle se serra contre Mathieu.

– Tout le monde t'observe, dit-il.

– Pourquoi ?

– Parce que tu es magnifique.

Elle ne le crut pas, même lorsqu'il passa la main dans sa chevelure brune, l'aérant, comme pour la mettre plus en valeur. Non pas qu'elle ne soit pas habituée à attirer les regards mais elle voyait bien les attitudes des gens : ce n'était pas vraiment elle qu'ils observaient, mais la fille qui accompagnait l'un des dominants de l'établissement – le masque de Mathieu ne laissait aucun doute à ce titre. Peut-être même celle qui accompagnait Mathieu, plus précisément, s'ils avaient reconnu ce dernier. Celle qui portait des marques de flagellation. Celle qui était à demi-nue...

Mathieu caressa ses épaules, dégageant ses cheveux avant de descendre la main sur son torse et sa poitrine... Quand il joua de nouveau avec les pompons de ses mamelons, elle se crispa et lui adressa un regard de supplication, peinant à se retenir de protester. Et ce, non pas seulement parce qu'il la mettait dans une situation précaire, qui la rendait fragile et pouvait la faire craquer à chaque instant... mais parce qu'il le faisait devant tous ces spectateurs. La manière dont il glissa ensuite la main dans son short pour s'amuser avec le bord extérieur du plug enfoncé en elle la coupa cependant de toute possibilité de réflexion. Mathieu le poussa profondément, puis le saisit pour le faire très légèrement aller et venir, et Claire dut s'accrocher à son cou pour ne pas s'effondrer.

– Viens, dit-il de nouveau.

Elle aurait voulu cacher son visage dans le creux de son épaule, mais elle se reprit, expira et inspira longuement. Puis elle laissa Mathieu la prendre par la taille pour avancer. Elle ne tenait plus très bien sur ses jambes, de toute façon.

Ils longèrent la piscine. Là où des spots rouges avaient mis en valeur son eau la première fois, se trouvait désormais un éclairage plus sombre, qui évoquait la couleur du sang, non moins hypnotique. Une femme passa près d'eux, tout de cuir vêtue et tirant en laisse un homme derrière elle, debout, habillé comme un noble d'un siècle passé. Claire le trouva superbe, troublant, dans sa soumission. Une autre femme arborait une tenue digne d'une Catwoman, masque et oreilles de chats associés. Plus loin, assis sur les sièges de la cour que recouvraient des draps d'une blancheur innocente, un couple d'homme observait les visiteurs dans un costume aux airs de steampunk, masque de vinyle poinçonné d'anneaux métalliques isolant des regards le bas de leur visage.

En se rapprochant de la deuxième piscine, toute d'or illuminée, elle remarqua Véronique. Cette dernière semblait les attendre tout en suivant du regard ce qu'il se passait au milieu d'un groupe de spectateurs. Claire y porta son attention.

Sur une estrade dressée en bordure de l'eau, un homme se tenait, entouré de trois nymphes – Claire ne voyait d'autre mot pour les qualifier tant elles étaient stupéfiantes dans leur nudité traversée simplement de tiges de lierre, et leurs imposantes chevelures rousses relevées en un désordre aérien.

– Cain, dit simplement Mathieu.

Claire observa cet homme dont elle avait entendu le nom plusieurs fois, déjà, avec qui elle aurait même pu avoir une séance, à la place de Mathieu, mais qu'elle n'avait encore jamais vu.

– Claire attire l'attention, remarqua Véronique, recentrant la conversation sur eux.

– Normal, commenta Mathieu.

– Ils n'ont pas l'habitude de te voir avec quelqu'un.

Claire fixa Véronique à ces mots. Cette dernière expliqua :

– Mathieu n'a jamais eu de soumise régulière.

– J'en suis une ?

Le sourire qui s'afficha sur les lèvres de Véronique avait un quelque chose de moqueur.

– Là, tout de suite, je crois que ça ne fait aucun doute.

Elle adressa un regard à Mathieu. Son expression devint plus grave.

– Catherine veut te voir.

La maîtresse...

Mathieu poussa un profond soupir, comme s'il avait lutté contre cet évènement et qu'il surgissait tout de même, en dépit de ses tentatives de l'éviter.

– Toi, et ta « soumise », précisa-t-elle en insistant sur ce dernier mot.

Puis elle ajouta :

– Maintenant.

– Catherine me fait chier, commenta Mathieu.

Véronique ne dit rien. La tension était montée si vivement que Claire se sentait comme oppressée.

– Qu'est-ce qu'elle me veut ? demanda-t-elle à Véronique.

– Oh, comme nous tous : jouer avec toi, répondit cette dernière.

Le regard de Véronique était le fil acéré d'une épée, son sourire une provocation.

– Et jouer avec Mathieu, bien sûr. Qui s'en priverait ?

Claire pinça les lèvres.

Mais quand Véronique tourna la tête vers le côté et que Mathieu resserra son emprise sur son épaule, elle ne put plus rien contre le malaise qui monta.

Un peu plus loin, la maîtresse se dirigeait vers eux. Et ses lentes enjambées faisaient claquer ses talons en une vision inquiétante.

L'initiation de Claire - Version Wattpad (roman édité chez Harlequin)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant