Chapitre 10 :

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            Nous n'avions pas reparlé mes parents et moi depuis leur questionnaire interminable. J'avais été coincé tel un passant au milieu d'une route à double sens de circulation. Impossible de leur avouer que j'avais consommé, même par mégarde, une substance illicite. Plus Impossible encore de leur raconter la tuerie de mes cauchemars. Certaines choses devaient rester secrètes. C'est difficile à expliquer pourquoi mais au fond de moi une voix me soufflait de ne rien divulguer de ce que j'avais vu, dans le risque que cela se retournerait contre moi. J'avais finalement opté pour la moins pire des deux solutions : la drogue. Même en leur expliquant que j'en avais consommé par inadvertance, mes parents avait très mal digéré la pilule, ce qui était tout à fait compréhensible. Dur de croire qu'un enfant de dix sept ans se drogue sans en être conscient ... Mon père m'avait traité du dernier des idiots : « Quelle personne sensée boit un verre au contenu non identifié ?! Je t'avais pourtant expliqué les risques d'un comportement aussi irresponsable. Tu as de la chance que rien de plus grave ne te soit arrivé ! » m'avait-il longuement sermonné. Pour ce qui était de ma mère, elle en avait dit très peu. Il n'y avait pas besoin de mot pourtant ; la lueur dans ses yeux gris en disait long sur ses véritables pensées. Déçue, elle était tout simplement déçue que son fils ait commis ce genre d'erreur dans la vie.

La tension dégagée par ce conflit imprégnait encore l'air, même après une nuit entière de sommeil. J'hésitais à descendre au rez-de-chaussée de peur de crouler sous les regards et le poids des reproches. Moi qui m'était déjà puni et grondé un milliard de fois tout seul sans que mes parents aient l'utilité d'en rajouter une couche. Leurs inquiétudes à mon sujet n'avaient fait que me confirmer à quel point j'avais été bête ce soir là. Ce qui, sans doute, me faisait le plus mal c'est qu'il m'était impossible de leur expliquer la raison de mes puérils agissements. Je jetai un coup d'œil à ma montre. Si je ne mettais pas vite le train en marche j'allais prolonger encore mon temps d'absence scolaire. Soupir. Allons affronter avec courage le couple des Enfers !

Tandis que j'approchai de la cuisine, les voix de mes parents qui discutaient joyeusement, m'apaisèrent. Peut-être qu'on pourrait aujourd'hui tirer un trait sur cette histoire et redevenir l'heureuse petite famille post-dispute. Il ne m'étonnerait pas que mes parents eux, en aient discuté toute la nuit pour finalement se concentrer sur autre chose.

-Bonjour, lançai-je sur le même ton qu'eux.

Je ne souhaitais pas altérer la bonne humeur du moment par ma présence alors je me contentai de les imiter. J'aurai pu m'excuser une fois de plus, cependant les mots semblaient inutiles. J'avais déjà essayé au moins une dizaine de fois la veille. Rien ne changeait. Ils interrompirent leur conversation jusqu'à ce que je prenne place à table. L'ambiance était-elle donc déjà plombée ? Ma seule présence suffisait à tout faire basculer. Je restai silencieux moi aussi, ne devinant si je devais dire une phrase pour détendre l'atmosphère ou bien entamer mon petit-déjeuner avec nonchalance. Un bol était posé à ma place, devancé d'un verre opaque rempli de jus multivitaminé. C'était du Sylvie tout craché. La façon de ma mère de m'indiquer qu'elle ne m'en voulait plus, ou presque. 

Un sourire discret s'inscrivit sur mes lèvres. Je cherchais alors ma mère des yeux pour la remercier. Elle rangeait une boîte en plastique transparent de couleur jaune contenant des biscottes complètes dans le placard coulissant. Sylvie le referma d'une main distraite tandis qu'elle se retournait pour lancer un regard à Peter. Ses yeux rencontrèrent les miens, sans un mot échangé, le message fut transmis. Elle avait toujours eu cet instinct maternel, une sensibilité supérieure, capable de déceler mes tourments invisibles, mes sentiments silencieux. Tout le contraire de mon père.

-Bonjour mon lapin ! Lança-t-elle sous le mutisme continu de son mari qui lisait le journal du matin.

Pour aujourd'hui je laissais passer le surnom ridicule qu'elle m'attribuait depuis aussi longtemps que je me souvenais. Mon paternel agita son journal afin de le défroisser mais de mon point de vue cela donnait plutôt l'impression qu'il me disait ouvertement qu'il était encore fâché. J'évitais toutes interactions avec lui, me servant un bol de maïs soufflé. Je devais me dépêcher pour rattraper le retard accumulé durant mon indécision à entrer ici ou non.

MétamorphoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant