Le Kiosque

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Bonjour ami lecteur.

Cette fiction est la suite directe de mon autre fanfiction intitulée « A Cœurs Perdus ». Je ferai mon possible pour rendre l'histoire accessible à tous, mais dans un souci de compréhension, je vous encourage fortement à lire « A Cœurs Perdus » avant de vous embarquer dans l'aventure...

Sur ce, bonne lecture !

Nat'

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C'était le début de l'après-midi, et le parc irradiait de beauté. Une lumière chaude inondait l'atmosphère, colorait les ombres, transformait chaque gouttelette de rosée en une traînée d'or, comme pour compenser la froideur de l'automne. Au seuil de son agonie, la nature semblait resplendissante de vie, baignée d'une force bienfaisante qui la rendait belle et chaleureuse. Rose adorait l'automne.

Son carnet coincé sous le bras, elle traversait la pelouse comme à son habitude pour se perdre dans le sous-bois, au fond du parc, là où personne ne pourrait la voir depuis le domaine. Comme chaque après-midi, la forêt l'accueillit de son univers de sons et de parfums uniques. Le monde semblait prendre une autre dimension ici. Une porte donnant sur un écrin de paix, d'harmonie, de sérénité, tout ceci livré à la liberté sauvage de la nature. Parfois, Rose s'enfonçait plus loin qu'elle ne l'avait prévu, dans l'espoir inavoué de ne jamais revenir, de faire partie à tout jamais de cette mécanique parfaite, pour disparaître, tout simplement, en pleine vérité.

« La beauté est vérité, la vérité est beauté. C'est tout ce que l'on sait sur Terre. Et c'est tout ce qu'il faut savoir. »

Rose s'accorda un faible sourire. Comme toujours, les vers de John Keats lui venaient à l'esprit lorsqu'elle entrait dans le sous-bois.

Enjambant un tronc déraciné par la dernière tempête, elle se fraya un chemin à travers les feuilles mortes et les ronces écrasées, témoignage de son passage fréquent. Elle écarta quelques branches récalcitrantes, prenant garde à ne pas déchirer les toiles d'araignée : véritables œuvres d'art luisant à la faveur d'un rayon de soleil. Enfin, elle aperçut les ruines, et la lumière plus abondante qui marquait la lisière de la forêt.

Emergeant d'entre les arbres, Rose se retrouva au sommet d'un gigantesque panorama, une pointe de roche dénudée au-dessus d'une falaise à pic, tombant droit sur la forêt profonde en contrebas, la rivière, et les montagnes au loin. Les ruines attendaient là, comme toujours, compagnes silencieuses et fidèles de ses pensées. Rose avait fait quelques recherches dans les archives de la demeure et à la mairie du village, pour finalement découvrir qu'autrefois, la demeure originelle s'était dressée au sommet de cette colline, dominant le paysage, une grande maison victorienne qui avait brûlé du grenier aux fondations presque deux-cents ans plus tôt. Il n'en restait plus aujourd'hui que quelques marches, un perron, et le grand kiosque qu'elle visitait tous les jours, seul rescapé du chaos, solitaire et laissé pour compte, juste comme elle.

Rose gravit les marches et fit le tour de la balustrade, puis elle se figea.

D'ordinaire, elle se serait assise sur la rambarde de pierre, face au soleil couchant, et elle aurait contemplé le paysage jusqu'à ce que l'inspiration lui vienne. Elle aurait laissé son regard courir sur les versants escarpés de la forêt, sur la splendeur des hauteurs au loin qui se dérobaient à elle, sur la magnificence absolue de la nature, qui enroulait ses lambeaux de brume tel un drapé précieux. Peut-être aurait-elle fini par ne rien écrire. Peut-être aurait-elle passé l'après-midi à ressasser les pensées qui l'habitaient, approfondissant la colère et la mélancolie en elle, aiguisant ses sentiments à la pierre nue de sa réflexion, qu'elle savait cynique et dépourvue d'espérance. Peut-être aurait-elle écrit quelques lignes finalement, ou quelques vers, personnels ou non. Peut-être aurait-elle sorti son volume relié de Keats, qu'elle ne quittait jamais. Dans tous les cas, elle se serait assise sur cette balustrade, mais aujourd'hui, la place était déjà prise.

A Coeurs Perdus : 2e Génération (Scorose)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant