Chapitre 6 - partie 1

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Sighild courut vers les gardes et fonça dans le tas en hurlant

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Sighild courut vers les gardes et fonça dans le tas en hurlant. Son épée éventra quelques torses avant que les singes survivants ne comprennent ce qui leur arrivait. La jeune femme n'attendit pas la riposte et s'enfonça plus encore dans la caverne, Eivind sur ses talons. Ils devaient impérativement attirer l'attention des singes sur eux deux pour les éloigner le plus possible des enclos. Et à en croire par les cris de rage dans leur dos, le plan fonctionnait à la perfection.

Les deux chasseurs – bien que chassés à cet instant – empruntèrent un autre passage qui les conduirait certainement aux reste des créatures. Ils n'avaient plus qu'à prier pour que leur entreprise réussisse et que le gibier soit libéré.


Thorkil avait attendu que le dernier singe sentinelle prenne Sighild en chasse avant de s'approcher des animaux. Le versha était une plante qui, bien dosée, agissait plusieurs jours. Il était donc impossible de savoir à quand remontait la dernière ration des bêtes. Il fallait agir et vite.

Le guerrier, aidé de Vilfrid, ouvrit les enclos, permettant à Elfi et Signe de rassembler les animaux pour les guider jusqu'à la sortie. Les bêtes étaient dociles, obéissant plus par instinct que par conscience. Les quatre compagnons prirent ensuite le chemin inverse tout en pressant le pas. Signe, en tête, fit demi-tour pour se rapprocher d'Elfi et lui dire qu'ils arriveraient bientôt à un croisement. L'Onçaine lui conseilla de suivre le chemin où l'odeur des singes serait la plus présente. Les animaux n'avaient pas pu escalader le bas de la falaise comme ils l'avaient fait, il devait donc y avoir un autre chemin.

Derrière le troupeau, Vilfrid apostropha son aîné :

— Thorkil, pourras-tu protéger les arrières seul ?

— Pourquoi ?

— J'ai peur pour Sighild.

Le ton froid de Vilfrid contrastait avec les paroles qu'il venait de prononcer. Thorkil s'en étonna mais ne releva pas.

— Tu veux la rejoindre ? demanda le maître d'armes.

— Oui.

— Alors vas-y, je tiendrai bon.

Le grand blond le gratifia d'une tape amicale sur l'épaule et rebroussa chemin. Il était temps pour lui de prendre son destin en mains.


Eivind et Sighild s'étaient perdus dans le labyrinthe des tunnels creusés partout dans la montagne en semant leurs poursuivants. Afin de ne pas s'épuiser inutilement et de se mettre à l'abri, ils trouvèrent refuge dans une petite cavité profonde mais peu large qui surplombait un passage.

Essoufflés par leur course, ils prirent donc le temps de calmer leur respiration tout en gardant tous les sens en alerte. Depuis un moment leur parvenaient les cris des singes qui retentissaient partout, déclenchant l'alerte sous toute la montagne. Ils se retrouveraient bientôt avec toute la horde à leurs trousses ; difficile d'imaginer qu'ils puissent s'en sortir vivants.

De longues minutes passèrent sans que Sighild et Eivind ne parlent. Les voix des singes s'éloignaient petit à petit pourtant ils n'étaient pas tranquilles. Si la fille d'Halfan ne quittait pas le sentier en contrebas des yeux, Eivind, lui, observait discrètement sa cheffe tandis que ses dernières paroles lui revenaient en mémoire. Plus le temps passait, moins il comprenait Sighild. Elle était plus changeante que le vent et aussi imprévisible que l'océan, à tel point qu'il n'était plus certain qu'elle le déteste. Mais l'appréciait-elle ?

— Nous allons attendre encore un moment.

La voix de sa meneuse le ramena à la réalité : ils étaient encerclés par leur ennemi dans un endroit d'où ils ne sortiraient sans doute jamais. La femme continuait sa veille attentive sans accorder d'attention à son chasseur.

— Merci, chuchota ce dernier.

Surprise, la chasseuse tourna la tête vers Eivind.

— Pour quoi ?

— De me faire confiance.

Le cœur de Sighild se serra à l'en faire souffrir. Pourquoi les mots de cet homme la touchaient-elle autant depuis leur mésaventure dans les Dunes de Neige ? Pourquoi n'était-elle-même plus certaine des sentiments qu'elle éprouvait à son égard ? Elle avait toujours été certaine de le détester, ce paria insolent qui se permettait de lui tenir tête et qui avait gagné le respect des autres guerriers plus vite qu'elle.

Des cris proches firent sursauter les humains : les singes étaient là ! Sighild et Eivind se tapirent dans le fond de la cavité, réduisant la distance entre eux au néant, et restèrent immobiles comme des statues le temps que leurs ennemis passent sous leur nez sans les voir. Une fois ceux-ci partis et le calme revenu, Sighild sentit le souffle chaud d'Eivind sur sa joue. Elle osa un coup d'œil et se surprit à détailler le visage agréable de l'homme et sa bouche close tentante. Il lui sembla voir le pisteur pour la première fois, ou du moins le regarda-t-elle comme il était réellement : honorable, courageux, patient et séduisant. Terriblement séduisant. Une envie soudaine naquit en elle, le désir de goûter ses lèvres et de savourer son corps comme on savoure une friandise.

La main d'Eivind se posa soudain sur son visage. La température de son corps grimpa en flèche. Incapable de prononcer un mot, Sighild plongea son regard dans le sien, loin de se douter de la vision qu'elle offrait au pisteur. Les traits de la chasseuse, habituellement durs, étaient d'une douceur déstabilisante. Ses yeux brillaient un peu trop et sa bouche entrouverte lui fournissait l'air qui semblait lui manquer car sa respiration se faisait plus rapide.

Que lui arrivait-il ? Ce devait être l'air des profondeurs qui lui faisait perdre la tête.

— Vous allez bien ? s'enquit Eivind, troublé par la fragilité dont faisait montre la femme.

Sighild hocha la tête.

— Il fait... un peu chaud. (Elle amena sa main à celle de l'homme, apprécia encore un instant sa caresse avant de la lui faire enlever). Il faut qu'on trouve un moyen de sortir d'ici.

Il opina d'un signe de tête. Sighild sauta sur le passage, aussitôt imitée par le pisteur, et s'aventura dans un autre boyau, soulagée d'avoir pu mettre fin à ce moment troublant.

Livre 1 - SighildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant