Chapitre 1

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Katrin
L’odeur de brûlé devenant de plus en plus insoutenable, je me débarrassai rapidement de la casserole roussie dans l’évier et m’empressai d’ouvrir les fenêtres.
Je me jetai ensuite sur une des chaises du comptoir de la cuisine tout en longueur dont les murs étaient recouverts d’un papier peint à fleurs jaunes et vertes. Laissant échapper un soupir bruyant, je me levai et me servis du café à la machine branchée entre le four et la table de cuisson.
— Oh ! Ça sent le brûlé ici, Kate, ne me dis pas que tu as encore essayé de cuisiner !
Je reconnus très vite cette voix pleine de moqueries et me retournai sur le champ, ma tasse de café en main. Je lançai un regard noir à mon interlocutrice.
— Bry, tu es déjà rentrée ? Je voulais juste m’y essayer, et disons que le résultat n’est pas très… satisfaisant, dis-je, un goût amer à la bouche et en lançant un regard bref à la casserole plongée dans l’eau.
Bry agita le téléphone dans sa main avec un petit sourire au coin des lèvres.
— On mange chinois, ce soir ?
J’approuvai d’un geste de la tête avant de la suivre dans le salon par la seconde porte de la cuisine. Celui-ci était plutôt gai avec ses murs couleur saumon. Nous nous jetâmes sur le petit canapé clic-clac et lorsque Bry eut fini de passer la commande, j’allumai la télé, m’arrêtant sur un film comique. Britney Write, ma sœur et meilleure amie, une latino avec des courbes aux bons endroits et des cheveux blonds, sublimes et épais qui lui tombaient sur les épaules, avait toujours fait fureur auprès des hommes et collectionnait les partis attirés par ses grands yeux clairs et ses lèvres pulpeuses à souhait.
Je n’étais pas totalement sainte non plus. Depuis le viol dont j’avais été victime à l’âge de 16 ans et dont je gardais encore les séquelles, je collectionnais également les conquêtes, comme une revanche malgré les avertissements de Bry. Je n’avais encore été dans le lit d’aucun d’entre eux, j’avais peur. J’étais dégoûtée par tous les hommes, et même par mon père à cause de toutes les souffrances qu’il avait infligées à ma mère actuellement internée dans un hôpital psychiatrique. Sa seconde épouse, la mère de Bry, l’avait quitté quelques années auparavant.
Lorsque quelqu’un frappa à la porte, je me levai, enfilai rapidement mes sandales, rajustai mon short au-dessus duquel flottait mon T-shirt de Kul-gat, un chanteur de la région.
— Ce doit être le livreur, lança Bry derrière moi en attachant ses cheveux derrière sa nuque.
J’ouvris discrètement la porte et aperçus rapidement le logo Chez Yang sur la poitrine de M. Xawal, le livreur du restaurant chinois du coin de la rue de notre immeuble. Il devait avoir la cinquantaine, mais il me surprenait toujours par sa vigueur. Une longue mèche blanche tombait devant ses yeux. Il me tendit les paquets :
— Bonsoir, Katrin, voilà votre commande. Vous avez encore tenté de cuisiner, je parie, lança-t-il avec le même sourire au coin des lèvres que celui de Bry.
Bon, mes talents culinaires n’étaient appréciés de personne dans le quartier, mais on n’allait quand même pas en faire tout un plat !
— Merci, monsieur Xawal, répondis-je, gênée, en lui tendant un pourboire.
Il le prit, haussa les sourcils et me souhaita une bonne soirée après m’avoir proposé de me donner des cours de cuisine.
Bry et moi mangeâmes rapidement les nouilles et les baozis tout en discutant de nos projets. Nous serions bientôt diplômées toutes les deux : elle en esthétique et cosmétique – elle voulait ouvrir un spa et tout le tralala – et moi en architecture et décoration. J’appréhendais beaucoup cette nouvelle étape de ma vie et me demandais si je serais à la hauteur après. À la fin du dîner, je regagnai ma chambre, pris une douche et me couchai. Je m’endormis très vite.
La fac Grosh bull était implantée en centre-ville, pas loin du centre commercial, ce qui était pratique. Bry gara le 4x4 que notre père nous avait offert récemment dans une allée. Son nouveau petit ami, Josh Lieben, l’attendait. Je me dirigeai seule vers le hall. Il y avait des groupes d’étudiants dans tous les coins, et l’ambiance semblait joyeuse. Des affiches du prochain bal de la fac pour fêter la remise des diplômes habillaient les murs jusqu’à ma salle de cours. J’allai m’asseoir discrètement et sortis mon portable pour lire mes SMS. J’avais un message de l’un de ces mecs que Bry et moi avions croisés hier, mais que je connaissais déjà avant.
Au moment où je m’apprêtais à lui répondre, mon téléphone vibra. Je décrochai, les mains moites.
— Paul ? fis-je à mi-voix.
— Salut, toi… Ça va ?
— Oui, et toi ?
— Bien…
Il fit une pause puis enchaîna :
— Euh… Je voulais savoir si tu voulais dîner avec moi ce soir ?
— Ce soir ? répondis-je, étonnée.
La plupart du temps, les garçons que je repoussais après avoir flirté avec eux ne me recontactaient pas. Après quelques secondes de réflexion, j’acceptai sa proposition. Les conversations se turent et j’aperçus M. Duval, le professeur de dessin, la cinquantaine, qui entrait. Il rajusta son costume vert et posa sa serviette sur le bureau. Il jeta un coup d’œil circulaire puis sortit un vieux livre de son cartable.
— Bonjour à vous. Je suis venu pour les quelques révisions restantes avant les examens de la semaine prochaine. Auriez-vous des inquiétudes ?
Sans réponse de notre part, il suggéra quelques thèmes à réviser.
À la sortie des cours, toujours très animée, je me précipitai vers le 4x4 et aperçus Bry qui discutait toujours avec Josh. Je m’installai sur le siège passager et bouclai ma ceinture en attendant que ma sœur me rejoigne. Sur le chemin, nous discutâmes de tout et de rien jusqu’à un fast-food proche.
Après avoir passé la commande – deux cheeseburgers et deux sodas –, Bry m’interpella :
— Kate, tu te souviens du nouveau ciné ouvert dans le centre-ville ?
— Oui, bien sûr.
— Avec Josh et ses potes, on veut y aller ce soir. Ça te dit ?
— Non, je ne peux pas, je dois dîner avec Paul, lançai-je d’un ton détaché.
Elle écarquilla ses grands yeux vert clair et repoussa une mèche de ses cheveux en arrière. C’était plutôt normal qu’elle soit étonnée, je n’avais pas eu de rendez-vous depuis un bon moment déjà.
— Ah oui ? s’étonna-t-elle, comme si la nouvelle était incroyable.
— Oui, il m’a appelée ce matin.
— Je suis contente que tu te donnes enfin une chance, s’exclama-t-elle.
Je ne voulus pas décevoir ses espoirs, mais je n’espérais rien de Paul.
Je haussai les épaules, j’avais accepté par gentillesse. Paul était plutôt bel homme avec ses larges épaules, sa silhouette élancée, ses cheveux blonds et ses beaux yeux bleus. Mais je n’étais pas sûre de vouloir me lancer dans une relation sérieuse, même si ce garçon semblait être quelqu’un de bien. Je n’étais pas encore prête. La serveuse vint nous apporter notre commande.
— Que vas-tu mettre ce soir, Kate ? Ta garde-robe fait peine à voir ! ne put-elle s’empêcher de me balancer.
— Aucune idée.
— Je ne vais pas te laisser gâcher cette occasion.
Elle jeta une liasse de billets sur la table jaune-rouge du fast-food et me tira vers la sortie. Quelques minutes plus tard, nous étions au centre commercial, un endroit où j’allais rarement. Bry m’entraîna vers la boutique « Fashion girl » qu’elle adorait.
— Salut, Claire, lança-t-elle à la jeune et très belle vendeuse rousse qui se dirigeait vers nous.
— Hey les filles ! Ça fait longtemps, Kate, m’apostropha la jeune femme d’un sourire enchanté.
Claire avait presque le même âge que moi. Elle était diplômée en commerce et travaillait dans ce centre commercial qui appartient à son père depuis près de deux ans.
— Oh, tu sais bien que je fais rarement les boutiques, lui répondis-je, un peu gênée.
— Alors, que puis-je pour vous ?
Bry était tout excitée.
— Katrin a un rencard ce soir.
Le visage de Claire s’illumina.
— Ah oui ? C’est nouveau, ça !
Il ne faut rien exagérer. D’accord, je ne suis sortie avec personne depuis des lustres, mais quand même !
Claire et Bry se jetèrent sur robes, chaussures et bijoux et me poussèrent vers la cabine d’essayage. Elles s’étaient assises sur des fauteuils à proximité et attendaient de donner leur avis sur mes tenues. D’abord, j’enfilai une robe rose bonbon qui me venait aux genoux, mais la poitrine était trop décolletée. Ensuite, je mis une combinaison couleur or qui faisait trop année soixante-dix. Claire et Bry désapprouvèrent. Finalement, nous rentrâmes en fin de journée chargées de sacs et de paquets.
Bry gara la voiture dans le parking de l’immeuble tandis que je montais nos achats. Elle avait elle aussi profité de l’occasion pour se ravitailler, comme si tout ce qu’elle avait ne suffisait pas. Dans l’escalier, je croisai le concierge dont l’aide fut bienvenue. Monsieur Grieznen, homme d’une soixantaine d’années aux cheveux grisonnants, était très gentil et serviable. Il était presque 20 heures et la fraîcheur de la nuit se faisait déjà sentir. Bry me poussa vers la salle de bains.
— Paul sera bientôt là, il faut que tu te prépares.
— Mais ce n’est qu’un simple dîner, Bry, arrête de stresser.
Elle prit un air choqué.
— Tu t’entends, là ? Rien qu’un dîner ! Je ne te laisserai pas gâcher ta chance. Je t’attends ici dans vingt minutes, déclara-t-elle avec autorité.
Je me dévêtis rapidement et me glissai sous la douche. L’eau tiède parcourut mon corps et je tentai de me relaxer un moment. Quand je regagnai ma chambre, Bry avait déjà sorti une dizaine de robes que je commençai à essayer.
Finalement, nous optâmes toutes les deux pour une robe bustier noir et blanc qui remontait ma poitrine et me faisait de belles fesses. Elle descendait jusqu’aux chevilles et était fendue du côté droit. Je choisis de longues boucles d’oreilles en strass et enfilai une paire d’escarpins blancs. Bry s’occupa de mon maquillage, que je voulais très discret. Lorsque la sonnette retentit, mon estomac se serra ; j’inspirai un bon coup en essayant de repousser toutes mes pensées négatives. Quand j’ouvris la porte, Paul, très élégant en costume, ses cheveux blonds parfaitement coiffés, se tenait devant moi.

Un Pari Dangereux (Sous Contrat D'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant