Neverland

14

Alors je sais qui tu es.
Enchantée de le savoir.
Pourquoi est-ce que tu me parles ?
Mieux vaut connaître ses ennemis.
Je veux la vrai raison.

Plus de réponse.
Elle n'avait plus de réponse.
Rosalinda Marie Lucie Blake était collée devant son téléphone, depuis presque dix minutes à attendre que l'autre daigne lui répondre. Bien sûr qu'elle se souvenait d'elle, comment avait elle pu ne pas la reconnaître ?
C'était une gamine, toujours au fond de la classe, plutôt jolie, mignonne, polie, avec une mère aimante et une grande sœur, quoique trisomique, toujours présente. Tout ce que Rose n'avait jamais eu. Elle s'appelait Louisa. Une petite fille en robe bleue et avec de jolies couettes, passionnée de lecture. Calme. Calme et gentille.
Alors elle avait commencé à être jalouse, et sa jalousie c'est transformée en une pointe acérée qui a fini par transpercer Lou en plein cœur.
Oh oui, elle se souvenait parfaitement de Louisa, avec ses petits souliers rouges et son sourires aux dents penchés. Ses yeux bleus perçants et glacés.
De la primaire jusqu'à la fin de la seconde.
Rosalinda n'avait pas oublié.
Elle lâcha son téléphone sur son immense lit circulaire, qui fit deux petits rebonds avant d'atterrir sur le drap défait. Dans son immense chambre, avec son immense fenêtre en face d'elle, et son immense dressing avec l'immense porte ouverte. Une immense lampe, un immense tapis.
Et surtout un immense vide.
Putain qu'est-ce qu'elle foutait encore ici ?
Elle portait des marques à 200€ le simple haut, des chaussures si hautes qu'elle pourrait presque toucher les nuages. Ses cheveux blonds étaient toujours impeccable, lissés, plaqués sur son crâne, sans jamais une mèche rebelle.
Sa mère portait toujours de belles robes, rouges ou noires c'est plus sexy, avec un dos nu ou de grands décoltés, mais de toutes façons elle n'a pas de seins. Enfin c'était avant qu'elle se les refasse.
Son père était toujours en costard cravate, il entretenait sa calvitie, et trompait sa femme avec des dizaines de jeunes femmes différentes.
Rosie était une jeune femme parfaite, avec une mère parfaite, un père parfait, une maison parfaite et une vie parfaite.
Peut-être que la perfection n'est pas si parfaite que cela finalement.
Tout cela n'était qu'une pièce, jouée par les pires acteurs qu'il puisse exister. Et Rosalinda avait toujours cherché à s'échapper. Et son échappatoire avait un nom : Louisa.
« - Mon cœur, lança la voix mielleuse de sa mère, le repas est prêt.»
Sûrement un repas préparé comme un chef. C'était horrible de voir comme elle était malheureuse au milieu de ce bonheur.
Alors elle éclata en sanglot, en pensant à tout ce que le retour de Lou impliquait. Cette gamine lui avait tout appris, à commencer par l'amour.
Rosalinda l'avait toujours aimé.
Elle était tombée folle amoureuse de cette gamine au fond de la classe.