EX 7. Mercurius, la cité des marchands

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Une corne de brume retentit pour la seconde fois alors que nous pénétrons dans la cité. Les lourdes portes de bois se referment derrière nous, je n'ai qu'à peine le temps d'entrevoir les créatures mais cela me suffit à comprendre le danger. Elles bougent nettement plus vite et n'ont pas vraiment l'air amical. Cat soupire de soulagement à côté de moi. Deux gardes nous invitent cordialement à déguerpir. La nuit tombe à toute allure et passer la nuit dehors ne m'enchante guère. Cette ville est tout aussi glauque que le reste du royaume, pour ce qu'en j'en ai vu. Avec la nuit s'est abattu sur nous un brouillard d'un rouge brique. Il s'amasse sur un mètre à partir du sol et occulte les rues. Je distingue à peine les pavés sous mes pieds. Cat s'avance d'un pas assuré à travers cet étrange phénomène et je le suis nettement moins confiant. Les habitations sont construites en pierre et en bois. Elles sont étroites, sur deux, trois niveaux et toutes mitoyennes. S'il n'y a pas un brin d'herbe au sol en revanche nombre de plantes rampantes courent sur les murs à partir du second niveau. Les murs végétaux grouillent de vies bruyantes. Tous ne sont pas aussi en forme, certains murs ne sont plus que des squelettes de branches noircies ou décrépies.

— Cat !

Je viens de marcher sur une chose non identifiée mais spongieuse. Le bruit de ma botte s'enfonçant me rappela vaguement une flaque de boue mais je n'ose baisser les yeux pour vérifier ce dont il s'agit.

— Continuer de marcher ! m'intime-t-il.

Les rues sont pratiquement désertes, quelques rares badauds, qui dissimulent leur visage avec des larges capuches, les arpentent rapidement. Tout se ressemble ici si bien que je perds rapidement tout repère. Je suis dans l'incapacité de retrouver mon chemin et dois faire confiance à mon compagnon. Cat s'arrête devant une vieille porte qui semble sur le point de tomber en poussière à tout instant. Il frappe trois coups brefs et nous patientons. Une petite trappe s'ouvre et un gros moustachu apparaît.

— Le mot de passe.

— Triple buse, répond Cat dans un murmure.

Le nez s'efface puis la porte s'ouvre et nous découvrons un petit Wollion bedonnant. Il a l'apparence d'un petit bourgeois de ville à ceci près que sa peau est recouverte d'une épaisse fourrure bleu foncé. Son énorme moustache blanche tranche avec son poil bleu et attire tout de suite le regard. Cat lui serre le poignet et l'étreint comme un vieil ami.

— Rouxe, je te présenter Xyrus, annonce Cat en ouvrant le bras vers moi, il être un grand guerrier.

— Pardi ! Cela être je que je croire ? demande Rouxe en venant me serrer le poignet.

Il me dévisage et m'observe de la tête aux pieds.

— Tu être un humain vivant !? Comment être-cela possible ?

La taverne était jusqu'ici bruyante et animée, à présent un silence pesant s'est abattu sur nous. Je vois tous les regards converger vers moi. Une trentaine de créatures en tout genre a stoppé ses activités pour se focaliser sur les nouveaux arrivants : nous.

— Longue histoire, répond simplement Cat en allant s'installer à une table.

Il n'a probablement pas envie de crier sur tous les toits qu'il est allé faire un tour dans mon monde. J'ai un peu de mal à le rejoindre car plusieurs personnes se sont levées et approchées de moi. L'une d'elles, qui ressemble à un rocher couvert de mousse me tend une main épaisse, paume ouverte. Imitant Cat j'avance mon bras et lui serre le poignet.

— J'ai plus de huit cent ans fils, et je n'aurais jamais cru voir un véritable homme de toute ma vie. C'est un honneur.

— Hum, ne mourrez pas pour autant maintenant, père, m'entends-je répondre.

Il rit d'une voix grave et profonde, je ne connais pas la raison qui m'a poussé à l'appeler père mais il semble l'apprécier.

— Xyrus ! Venir t'asseoir ! Rouxe ! A manger et à boire !

Pitié par leur horrible tord-boyaux. Je rejoins Cat à table, non sans avoir salué tout le monde sur mon passage. Certains clients semblent surpris de me voir, comme le rocher, d'autres paraissent même horrifiés. J'espère qu'ils sauront tenir leur langue. Cat n'a pas l'air inquiet outre-mesure mais il me confie quand même qu'il va essayer de me trouver quelques accessoires afin de me fondre un peu plus dans la masse anonyme. Je porte toujours mon armure de Terrenor ainsi que mes armes et mon épée, seule ma fourrure de Volours provient de ce royaume étrange. Enfin, pas si étrange que le plat qui arrive sur la table : vert, la viande est verte. A l'odeur cela ressemble à du porc mais la couleur m'évoque plutôt de la laitue. C'est... perturbant.

— Goûter, cela être délicieux.

Quand il faut il faut. Je respire un grand coup et saisis mon couteau pour me servir un peu de cette chair étrange. Je ferme les yeux à la première bouchée, l'imagination suffit. C'est plutôt bon, assez tendre. Une fois la répulsion initiale passée j'apprécie un peu plus ce repas. Nous mangeons un peu en silence puis je me décide à demander des détails concernant notre voyage à Cat.

— Nous devoir aller vers le nord, je savoir que deux gardiens vivre par là. Avec un peu de chance ils être chez eux lorsque nous arriver.

— Et s'ils ne sont pas chez eux ? Comment les trouver ?

— Nous suivre les âmes, beaucoup d'âmes tomber directement au sol mais les plus puissantes voler vers les gardiens. Nous observer le ciel et suivre les âmes qui ne chuter pas.

Dis comme cela tout paraît simple. Il nous suffit donc de courir après des âmes. Cat me répond avec un sourire que le royaume, et plus particulièrement la région dans laquelle nous allons, n'est pas un endroit paisible et harmonieux. L'image furtive des âmes dans la plaine me revient en tête. Je n'ose imaginer les horreurs que nous allons rencontrer. Ce monde est un enfer. 

Histoires sans finsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant