Chapitre 1

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Les histoires d'amour finissent mal, en général...

Je monte le son de ma radio pour que la musique emplisse l'habitacle et me donne de l'entrain pour le rendez-vous qui m'attend. Les artères se gorgent de véhicules à mesure que je m'enfonce dans la ville. Je klaxonne un chauffard qui me coupe la route au dernier moment pour avoir le feu au vert. Ma conduite est nerveuse, je fais grogner le moteur à chacun de mes embrayages. Mes doigts tapotent le volant de nervosité et je ne tiens pas en place sur mon siège. Mon gps indique que je dois tourner à la prochaine intersection pour arriver enfin à destination. Je lâche l'air de mes poumons lorsque j'aperçois le bâtiment qui me fait face. Sa façade en verre reflète le bleu du ciel tandis que l'ombre de son squelette s'étend sur les passants.

On y est.

Je gare ma vieille carlingue dans le parking souterrain et jette un coup d'oeil dans le rétroviseur. J'arrange mes cheveux pour leur redonner du volume et chipe dans mon sac à main mon maquillage pour une dernière retouche avant de le rejoindre. Cela fait presque deux mois que nous ne nous sommes pas vus depuis que je l'ai quitté.

Fathi, ma meilleure amie, m'a hébergée quand j'ai déboulé chez elle avec des valises remplies et ma fille sous le bras. Ça a été la chose la plus difficile qui m'ait été donnée de faire. Partir pour de bon.

J'avais épié durant des semaines les allers et venus d'Arnaud. Le parfum imprégné à ses costumes, les absences prolongées au bureau, les coups de fil passés en secret pendant qu'il croyait que je dormais. Nous avions fini par percer l'abcès quand mes doutes se sont matérialisés sous les lignes voluptueuses d'une collègue de travail sonnant à notre porte en plein week-end. Arnaud m'avait supplié de le pardonner, arguant que ce n'était qu'une passade.

Nous avions consulté un thérapeute durant plusieurs mois pour tenter de recoller les morceaux. Si Arnaud entretenait cette douce illusion, je n'étais pas dupe. Depuis que nous avions Annabelle, son regard sur moi avait changé. Je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Entre les odeurs de vomi ou de couches sales, je ne pensais plus à moi, à nous. La venue d'Annabelle m'a comblée et j'en ai peut-être oublié mon couple. Sa naissance ne nous a pas rapproché, elle a eu l'effet inverse. Je ne supportais pas qu'il me touche les seins pendant les mois où j'allaitais Anna et il la jalousait pour ça. Nos nuits étaient courtes, la fatigue nous mettait les nerfs à vifs et le moindre détail était prétexte aux altercations. Arnaud se réfugiait dans son travail pendant que je passais mon temps à la maison pour m'occuper de notre fille. Il assurait la logistique, en d'autres termes, renflouer le compte en banque, et moi du reste. Les mois passaient à une vitesse folle et la routine s'était installée pernicieusement dans notre couple. Arnaud et moi ne faisions plus l'amour alors qu'auparavant nous célébrions notre complicité aux quatre coins de l'appartement en toutes occasions. Nous avions été amoureux, vraiment, depuis notre rencontre au lycée. Cela faisait plus de dix ans que nous nous connaissions par coeur. Et maintenant, nous étions comme deux étrangers se jaugeant du coin de l'oeil.

De l'indifférence quotidienne, Arnaud était arrivé au stade de la colère. Même si notre couple battait de l'aile, Arnaud considérait notre mariage pour acquis. J'avais toujours acquiescé ses initiatives et les projets pour notre famille, quitte parfois, à faire taire mes propres envies. J'avais laissé tombé mes études puis mon boulot pour me consacrer entièrement à «nos» plans. Arnaud ne s'était jamais vraiment préparé à ce que je l'attende, les valises sur le seuil. D'abord incrédule, une dispute sans commune mesure avait éclaté ce soir-là. J'avais eu la présence d'esprit de laisser Annabelle à Fathi pour la soirée, en prévision de l'esclandre à venir. Arnaud m'avait giflé, une chose dont je ne l'aurais jamais cru capable. Mais sous le coup des émotions, sa colère l'avait submergée et à court de mots, il en était venu aux gestes. Jamais je n'aurais cru que notre mariage se termine dans ces conditions. Comme quoi, tout change dans la vie, même les gens. Arnaud m'en voulait d'avoir laissé tombé, moi aussi d'ailleurs. D'autant qu'élever un enfant quand on est séparé, n'est pas une mince affaire. Malgré nos différents, nous avons été assez intelligents pour que notre divorce se fasse sans trop d'éclats.

Double Appel (paru chez Black Ink éditions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant