*Chapitre 10* Charles

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Même si ça fait exactement deux fois que cet homme me sauve d'un contretemps juridique, je ne peux m'empêcher de le haïr. Il touche un gros salaire, et j'imagine qu'être l'avocat attitré d'une bande de motards criminels apporte en plus de la notoriété, certains avantages, mais il doit quand même faire des trucs aussi normaux que la simple populace qu'il méprise.

Je retiens à peine un rire, à l'imaginer en train de faire la grosse commission avec son pantalon parfaitement repassé baissé aux chevilles et sa cravate par-dessus l'épaule. Aussi inoffensif et disgracieux que n'importe quel autre être humain au final.

Petite, ma mère me conseillait d'imaginer les gens en sous-vêtements quand je me sentais trop intimidée. Je lui avais fait remarquer que ça ne fonctionnait pas. Elle avait haussé les épaules, et alors que j'allais réciter mon texte en privé, Matt était venu s'adosser au cadre de la porte de ma chambre de petite fille aux teintes rose bonbon, et m'avait dit :

"Les sous-vêtements c'est nul, imagine toute la classe assise sur les toilettes en train de forcer !"

J'avais souri et il m'avait fait un clin d'œil complice avant de retourner s'enfermer dans sa chambre.

Quelques mots, qu'il a probablement oubliés à l'heure qu'il est, mais que de mon côté, je n'oublierai jamais. Un de ces souvenirs qui remontent au conscient avec une précision telle, que c'est comme si ça venait juste de se produire.

Je m'arrête dans un commerce près du poste de police et demande au vendeur derrière le comptoir s'il peut m'appeler un taxi.

Après avoir dévisagé la robe noire que je portais pour l'enterrement, à présent sale et difforme, mes pieds nus et probablement ma mine d'ex-taularde, l'homme décide d'appeler lui-même. J'ai la tête d'une fille qui volerait le téléphone mural apparemment...

Je le remercie et vais attendre dehors pour que la femme me suivant dans la file à la caisse, poussant un landau, ne se sauve pas au pas de course. Le chauffeur arrive rapidement et me conduit à ma chambre d'hôtel, moyennant un gros pourboire.

Je peux, dès mon entrée, attraper le peu que j'avais sorti pour le glisser à nouveau dans mon sac, prenant tout de même le soin de laisser le matériel nécessaire à une toilette d'urgence sur le lavabo de la salle de bain. Je sais que les fédéraux débarqueront d'une minute à l'autre, et je prie fort pour avoir le temps d'atteindre l'hôpital afin d'avoir des nouvelles de l'état de Charles.

D'ailleurs, s'ils avaient su, ils m'auraient sûrement gardée entre les quatre murs de la prison pour venir me cueillir eux-mêmes. Peut-être m'auraient-ils même laissée là encore quelque temps, histoire de bien me montrer qui est le maître ? Mais bon, surprise ! Un inconnu, pas-si-inconnu-que-ça, savait où je me trouvais et a rapidement mandaté un avocat... Si j'étais une femme intelligente... Oh, mais attendez, c'est bien le cas ! Alors je parie qu'un flic a averti Dante de mon arrestation, et il m'a envoyé son chien de garde juridique.

Je souris à l'horrible reflet de moi-même que me rend le miroir de la salle de bain. Alors, Dante se soucie encore un minimum de moi ? Pourtant, il ne s'est pas gêné pour baiser la première pute venue...

Ouais, ben toi aussi petite futée...

Comment je pourrais gagner à m'obstiner avec moi-même ? C'est un salaud qui s'en tape une autre, et apparemment, je suis du même acabit version féminine, je songe. Mes cheveux dégoulinent encore, et alors que je m'étire pour attraper la seconde serviette laissée sur le lit, l'enveloppe en dessous me rappelle son existence. Je la pèse, la secoue et me décide finalement à l'ouvrir. J'ignore ce qu'elle contient, même si je n'ai aucun doute sur sa provenance. Le papier se déchire aisément sous mes doigts, et j'en vide le maigre contenu sur le lit devant moi.

Steel Brothers 2 (Damnation) Disponible  Chez Black Ink ÉditionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant