♀ CHAPITRE 10 ♀

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J'étais en train de me décomposer. Je serrai le sac contre ma poitrine, comme pour faire taire mon cœur qui battait la chamade. Je n'osais plus bouger, je ne me souciais même plus du garçon devant moi. Il me sembla qu'il passa sa main dans ses cheveux. J'étais morte de trouille à l'idée qu'ils me trouvent. Une étincelle traversa mon esprit. Qu'est-ce que je faisais toujours là alors qu'Ellie m'attendait au magasin ? Quelle idiote !

Je posais le sac et m'élançai vers la porte du fond, sous le regard hébété du garçon. J'entrouvris la porte, et la refermai aussitôt. Un homme vêtu de noir faisait une ronde dehors. J'étais prise au piège, ils allaient entrer, ils allaient me trouver, m'emmener, Elisa était en danger, je ne pouvais pas... Je repris mon souffle, je n'étais pas du genre à me laisser faire. J'enfonçai mes doigts fins dans ma poche. Je touchai le bois sec de mon opinel. Je me défendrais coûte que coûte.

Le garçon n'arrêtait pas de me dévisager, comme pour lire dans mon esprit. Puis, une lueur traversa ses yeux marrons. Il m'empoigna le bras, et il n'eut pas besoin de parler pour me faire comprendre que je devais être silencieuse. Du bout du doigt, il m'indiqua au plafond une bouche d'aération. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi il m'aidait, mais je n'allais pas me plaindre.

Je grimpai sur la table et me hissai comme je pouvais dans la petite cavité. Mon bras glissa et je m'agrippai au dernier moment, à deux doigts de tomber. La plaque qui fermait la bouche d'aération se décrocha, mais fut rattrapée au dernier moment par le garçon. J'avais le cœur au bord des lèvres. Une fois dans la bouche d'aération, le garçon m'interpella.

― Monte sur le toit, je te rejoins dehors, chuchota-t-il.

Me rejoindre dehors ? Mais enfin, pourquoi faire ? Je n'avais pas besoin de lui, je savais me débrouiller toute seule. Enfin, pour l'instant c'était pas vraiment le cas mais bon.

Je rampais à toute allure, n'ayant de pensées que pour ma petite Élisa. Je ne pensais pas m'attacher à elle aussi rapidement. La bouche s'arrêtait devant, et montait. Tant bien que mal, et après quelques tortillements, je parvins à m'en extirper.

J'étais à présent sur le toit, et la fraîcheur du mois de décembre me frappa de plein fouet. Je m'approchai doucement du bord, et scrutais la rue. De là, je pouvais apercevoir le vieux magasin, il n'était qu'à une centaines de mètres. J'entendis alors quelque chose, comme un râle. Sur le toit du magasin d'en face, j'apercevais une silhouette. Par réflexe, je pliais les genoux. L'ombre noire me faisait signe de venir, c'était probablement le garçon du Fast-food.

J'observais l'espace entre mon toit et celui du garçon. Je devais être apte à sauter. Enfin, je l'espérais. Je pris de l'élan et en prenant appuis sur le rebord, m'élançai vers l'autre immeuble. Trop court. J'allais tomber dans le vide, lorsque deux grandes mains m'attrapèrent les avant bras. Le garçon me remonta, et je repris mon souffle. Ce n'était pas dans mes habitudes de faire des prouesses acrobatiques. Je remerciai le garçon d'un signe de tête, et commençai à m'enfuir. Mais il me retint par le bras.

― Excuses moi, murmura-t-il. Est-ce que tu... tu as le...

― Non, le coupé-je. Je ne l'ai pas, maintenant je dois y aller.

Il parut soulagé, et me tendis le sac du Fast-food. Décidément il était borné. Je prit celui-ci, et m'éloignai de mon sauveur. J'avais envie de lui parler, d'apprendre à le connaître, d'avoir un ami, d'être normale. Mais que me prenais-t-il tout à coup ? Je repensais à mon meilleur ami, que j'avais dû abandonner il y a deux ans. Il me faisait penser à lui, et les larmes coulèrent le long de mon visage gelé. Pourquoi maintenant ? Pourquoi craquer après tout ce temps ? Incapable de me contrôler, je tombais à genoux. Serrant le sac tiède contre moi, je me laissais sangloter.

Une main chaude se posa sur mon épaule, et le garçon m'attira près de lui, me laissant évacuer toute ma tristesse. Il frottait doucement mon dos, et s'était rassurant. J'en avais assez de devoir vivre comme ça, comme une voleuse. Pourquoi devait-on subir tout ça ? C'était injuste.

― Merci, je dois y aller, dis-je. Ma... (je réfléchissais), ma sœur m'attend.

― Vous êtes plusieurs ?

Il parut surpris, je l'ai été aussi lorsque j'ai découvert Élisa et Nathalia après tout.

― Oui, elle a cinq ans, elle doit être morte de trouille.

― Je t'accompagne, dit-il.

Je me dégageais de lui, il allait me ralentir. Pourquoi devrais-je lui faire confiance ? Savait-il pour Élisa ? Voulait-il la prendre ? Je secouais la tête, non ce n'était pas ça. Un peu d'aide ne serait pas de refus. Il m'aida à me relever.

― Allons-y.

Nous descendîmes par une échelle de fer, et courûmes à grande foulées dans la rue. Il s'assurait que les traqueurs ne nous avaient pas vu. J'entrai en trombe dans le magasin.

― Élisa ? Chuchoté-je.

Kira déboula de sous le comptoir pour s'emmêler dans mes jambes. Je l'accueillis de caresses vigoureuses. Élisa, presque en pleur, se jeta dans mes bras. C'était comme si un feu d'artifice se déclenchait dans ma poitrine. Elle allait bien, à mon grand soulagement. Elle poussa un petit cri en voyant le garçon.

― Un méchant ! S'étouffa-t-elle.

― Non ! non, il est gentil, la rassuré-je. C'est un espion comme nous. N'est-ce pas ?

Il s'accroupit près de la petite, tandis qu'elle reculait dans mes bras.

― Oui, je suis un espion, toi aussi ?

― Oui, marmonna-t-elle.

― Et tu as des gadgets top secret alors ? Continua-t-il.

Élisa se détendit, et se laissa approcher.

― Oui, regarde.

Elle alluma sa montre, et le garçon l'inspecta avec un air stupéfait. Il exagérait bien évidemment. Puis, du regard il m'indiqua qu'il voulait qu'on parle seuls. Je laissai Élisa avec Kira, tandis que le garçon et moi allions dans le fond de la pièce.

― Je ne me suis pas bien présenté, je m'appelle Maxime.

― Moi c'est Noa.

Il s'assit sur le rebord d'une table.

― Qu'est-ce que vous faîtes là ?

― Ça ne te regarde pas.

Je ne pouvais pas encore lui faire confiance.

― D'accord, dit-il en levant les paumes vers moi. Vous comptez dormir ici, dans le froid ?

J'hésitais, il n'avait pas tord. Nous devions retourner à la voiture, mais c'était risqué.

― Je ne sais pas.

― Venez chez moi, j'habite seul.

Je n'osais pas répondre, je pesais le pour et le contre. Ca ressemblait à une invitation pour les ennuis.

― Je sais que tu ne me connais pas, finit-il par dire. Je sais que tu pourrais te méfier de moi pour bien des raisons. Mais les traqueurs vont forcément finir par venir ici. Je ne sais pas ce que vous avez fait, mais ils ont l'air remontés.

Mon regard se posa sur ma petite protégée, frigorifié. Du bout des doigts, je touchais mon opinel à travers mon pantalon. Je savais me défendre après tout, et un peu d'aide ne serais pas de refut.

― C'est d'accord, mais on doit aller chercher nos affaires dans la voiture au parking.

― D'accord, j'ai garé ma voiture là-bas de toute façon. Allons-y. 

HEAVENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant