Chapitre 8

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Mon poids commence à lui peser sur les bras. Elle ouvre péniblement la portière et me dépose maladroitement sur la banquette arrière. Son sort fonctionne parfaitement. Je ressens un pincement au cœur. Une partie de moi est encore dans cette chambre. Je prends vraiment conscience allongée sur le siège que c'est la dernière fois que je serai dans cet endroit. Je n'ai rien en poche, aucun plan pour la suite, ça sera l'aventure pendant quelques jours espérant pouvoir me retourner assez vite. Céliane prend place côté conducteur en continuant de faire semblant d'être dans le feu de l'action. James doit être devant la porte à nous regarder partir. Il m'a mise en danger une fois, la seconde ça ne sera pas une partie de moi qui y restera, mais toute ma vie. Je ne laisserai pas ce plaisir à Bouboule. Céliane ralentit la cadence après 10 minutes de route dans le silence. Je reste emprisonnée de son sortilège qu'elle n'a pas encore levé.

– Je t'emmène chez moi, finit-elle par dire, je vais te désenvoûter une fois sur place.

Il y a comme une once de soulagement dans sa voix. Notre plan a fonctionné. Je partirai loin, à pied s'il le faut. Ma raison ne l'emporte pas sur ma haine immense. Celle-ci continue de me nourrir dès que j'essaie de me raisonner pensant encore que James est quelqu'un de bon.

– Tu aurais vu son regard Adrina... continue-t-elle, il me confiait comme ta vie entre mes mains...

Ce pincement devient comme un coup de poing. J'aimerais pouvoir me dire que cela était juste une façon de rendre les choses convaincantes quitte à les pousser dans l'extrême. Jouer de ma vie pour devoir dissimuler des faits qui ont été réels ce n'était pas de la protection... C'était de l'insouciance pure et dure. Je suis secouée dans tous les sens à l'arrière, Céliane me tient d'une main et continue sur sa trajectoire.

– Nous voilà devant mon humble demeure, s'exclame-t-elle en enclenchant le frein à main.

J'aimerais pouvoir lui dire « Mon Dieu que c'est magnifique », mais je suis dans l'incapacité de bouger et de parler.

Elle me hisse et me prend dans ses bras.

– Pardonne-moi... Mais je vais devoir le faire au sol, dit-elle essoufflée.

Elle me pose sur l'herbe et ajoute :

– Je n'ai pas de force. Je ne vais pas pouvoir monter les marches avec toi sur les bras.

Elle ne m'entend pas, mais intérieurement je rigole. Les plats de Rodrigo étaient loin de me faire grossir, mais je dois avouer que ce n'est pas facile de devoir porter une personne.

– Commençons.

Elle passe ses doigts sur mon front et marmonne. Elle fait une deuxième fois le signe de l'étoile, mais cette fois-ci dans le sens inverse. Je sens mon cœur s'emballer puis se stabiliser. Je respire la bouche ouverte et emplis mes poumons d'air. Mes yeux s'ouvrent pour mon plus grand soulagement. Je savoure l'odeur de la liberté.

– Comment te sens-tu ? me demande-t-elle d'une voix douce.

Mon sourire est mélangé de tristesse et de joie.

– Bien... Je me sens bien.

Elle me tend sa main que j'attrape pour me relever. Une caravane jaunâtre est située au fond du jardin.

– Bienvenue chez moi, dit-elle en m'invitant à avancer.

Je me sens coupable. Je l'ai contrainte à me venir en aide, devant sa gentillesse je le regrette. J'ai agi égoïstement.

– Je te suis redevable... je ne sais pas comment te remercier...

Elle hausse les épaules.

– Garder mon secret sera le plus beau des remerciements.

Jamais sang-mêléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant