Wonderwall |06

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C H A P I T R E

-VI-







Allongée sur mon lit, je fais face au plafond. Madame White est rentrée plus tard dans l'après-midi, elle est désormais dans la cuisine entrain de préparer le diner, seule, elle a refusé d'exploiter mon aide disant bien que j'étais l'invitée dans sa demeure et qu'elle refuse catégoriquement "mes petites mains dans son repas" a-t-elle dit.

Pendant ce temps je n'ai pas pu penser à autre chose qu'à Lucas. Cet adolescent dépourvu de sens dans ses actions était parti sans outrer un seul mot, me laissant dans le plus grand embarras, sur son lit, perdue dans mes pensée.

Madame White n'était même pas surprise lorsque je lui ai dit que son fils m'avait laissée dans la maison, seule, car elle admettait que ce n'était pas la première fois qu'il disparaissait sans l'informer de sa destination, ni l'heure à laquelle il referait surface.  

Même après l'insouciance de celle-ci, je n'ai pas pu le ôter de mon esprit; je n'arrêtais pas de croire que tout cela pouvait être de ma faute.  Ai-je fait quelque chose de mal ? Me méprise-t-il au point qu'il ne puisse supporter ma présence ? Mon rire ?

Pourquoi ne peut-il pas m'accepter ? Mal à l'aise, je revois encore son regard glacial qu'il m'a jeté juste avant de disparaître, la haine qui se cache derrière sa façade, ses traits figés, vide de toutes émotions. Je l'ai entendu rire pourtant ! Ai-je fait quelque chose ? Toujours les mêmes questions, je tournais en rond dans ma propre tête, me sermonnant et ne blâmant personne d'autre de moi.

Tu es toujours en tort. me murmure cette voix.

Mon téléphone sonne me détachant ainsi de mes pensées profondes. Je me lève et lis sur mon écran le prénom qui s'affiche.

Maman appelle... décrocher ou décliner ?

Dois-je répondre ? Que vais-je lui dire ? Est-elle en colère ?

Lorsque je me décide enfin à appuyer sur le bouton vert, l'appel est terminé, elle a raccroché. Trop tard. Je reste debout, le téléphone étroitement serré dans ma main, attendant le second appel mais il ne vient jamais.
Elle m'en a laissés 50 rien qu'hier mais aujourd'hui, elle baisse les bras petit à petit... je ne peux pas lui en vouloir. Un seul appel. C'est tout l'étendu de ses efforts.

"Emily" je sursaute en entendant madame White sur le palier de ma porte.

 "Emily, chérie tu vas bien ? Cela fait un moment que je t'appelle" Continue-t-elle concernée. 

"Je... Désolée. J'étais... ailleurs" dis-je

"Le diner est servi. Nous allons nous mettre à table, tu viens ?"

"Oui bien sûr...Nous ?" Je demande, la curiosité me démange. 

"Oui, Luc et moi"

Il est revenu ? Quand? Pourquoi ne l'ai-je pas entendu ? Étais-je tellement noyée dans mes propres pensées que je me suis décrochée de la réalité ? Sa discrétion était sans doute une tentative d'éviter ma présence toxique.

"Est-ce que tu vas bien ? Tu me sembles un peu pâle " se soucie-t-elle.

"Non... non je vais bien" le sourire aux lèvres, je tente de la rassurer "Je descends immédiatement pour vous rejoindre"

Le repas était spécial. Je le savais car je doute que madame White serve une dinde entière tous les jours de la semaine. Je me suis sentie coupable de ne pas apprécier ses efforts, mon manque d'appétit et mon humeur déplorable faisaient que j'étais incapable d'avaler une seule bouchée.

Je joue avec ma nourriture, je la fais tourner sur mon assiette tout en pensant à ma mère, mon esprit bout de questions, un infini de tout et de rien qui prend une énorme place dans ma petite tête.

Comment va-t-elle ? Est-elle trop inquiète ? Pense-t-elle à moi ?  Elle me manque mais j'ai peur de l'appeler; et si elle m'oblige à y retourner ? Je ne pourrai résister sa voix pleine de mélancolie, le craquement de ses phrases, pleine de pitié et de tristesse, je cèderai à sa peine, je ne veux pas être la cause de son mal de cœur, la cause pour laquelle elle décide de se noyer davantage dans l'alcool ou même les antidépresseurs... elle est une femme fragile, cependant, qui se souciera de mes sentiments à moi ? La fragilité de mon cœur, mon âme, ma peine à moi, qui va la guérir ?

"Emily ?" m'appelle madame White.

Sa voix parait s'effacer, tel un murmure je l'entends à peine, son tracas se faufile parmi mon monologue interne et tout devient plus dur à gérer.

Que fais-tu de ta vie ?  j'en viens même à questionner mon existence.

Je lève les yeux pour croiser ceux de Lucas, le vide semble hanter son expression; je me détourne rapidement pour faire face aux sourcils froncés de sa mère, elle est bien plus belle lorsqu'elle rit, quel dommage que je doive causer l'inquiétude d'une personne de plus dans ma vie.

"Je vais aller me coucher, je suis morte de fatigue" dis-je en me levant.

"Mais tu n'as rien mangée" dit madame White.

"Je n'ai pas faim"

Je me presse de quitter la salle à manger, laissant derrière moi l'inquiétude d'une mère et l'indifférence d'un fils. La solitude me suis jusqu'à ma chambre, je ferme la porte et me cache entre ces quatre murs. Confuse, désespérée et désemparée, mes larmes témoignent mon profond chagrin.

Seule, je laisse l'obscurité de la nuit m'accompagner, je trouve refuge sous la couverture d'un lit tiède, l'oreiller absorbe ma tristesse et se remplie de ma nostalgie. Je me rappelle mon enfance, une auto-flagellation, une punition que je m'inflige pour me tordre le cœur, comme si la douleur du passé pouvait apaiser la cruauté du présent. Ces moments qui passent dans un flash, les rires d'une enfant qui, jadis, donnait peut d'importance au monde qui l'entoure. 

La détresse d'une fille, j'étouffe mes sanglots me souvenant de la chaleur qu'une mère qui avait pour habitude de procurer le réconfort  et ensuite, lorsque le malheur d'un destin l'a rattrapé, plus rien n'était comme avant.

Plus rien ne sera comme avant.   

WONDERWALL ✔Where stories live. Discover now