Chapitre 4-3

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— Le prix à payer serait mon aide, je présume ?

Je me retournai enfin pour pouvoir le regarder droit dans les yeux et lui envoyer tout le mépris qu'il m'inspirait en pleine figure, d'un simple regard.

— Je vois que l'on s'est compris, se contenta-t-il de répondre, un petit sourire froid et entendu sur les lèvres.

Son regard dur croisa le mien et je ressentis toute l'implacabilité de cet homme. Il était froid, manipulateur, efficace et entièrement dévoué à la tâche qu'il s'était fixé. Ce qui ne me le rendait pas plus sympathique. Mais il avait besoin de mon aide et je subodorai qu'il ferait tout ce qu'il faudrait pour l'obtenir. Même me révéler les secrets de ma vraie nature et peut-être même quelques bribes de mon passé ? Je pouvais me servir de lui comme il avait l'intention de se servir de moi. Mais en avais-je réellement envie ?

À la lumière de ses dernières révélations...certainement pas. Ces gens, ou quoi qu'ils soient réellement, m'avaient rejeté sans rien faire pour me venir en aide. Mais allais-je justement faire comme eux et les abandonner à leur sort, comme ils l'avaient fait pour moi ? Ou au contraire, leur montrer ce que les mots honneur et responsabilité signifiaient ? À contrecœur je me retournai et lui demandai, d'un ton aussi décontracté que possible.

— Expliquez-moi d'abord ce que je dois savoir et ensuite...je prendrai une décision.

— Qui me dit que vous n'allez pas écouter ce que j'ai à vous apprendre, puis nous laisser tomber malgré tout ?

— Vous n'en savez rien, lui dis-je avec un petit sourire suffisant.

Je sais c'était mesquin, mais toute vengeance même minime était bonne à prendre dans ma situation.

— Très bien, lâcha-t-il après quelques secondes de réflexion, avant d'aller s'appuyer nonchalamment contre le dossier de l'un des canapés.

Cette fois-ci, il ne prit pas la peine de m'inviter à m'asseoir, ni même à me rapprocher de lui, ce qui franchement m'arrangeait. Je restai donc où j'étais et attendis, de plus en plus mal à l'aise, qu'il daigne enfin commencer ses explications.

— Tout d'abord pour que vous compreniez bien, il faut que je vous explique ce qu'il se passe à la puberté chez les métamorphes, commença-t-il.

Il marqua une petite pause et prit le temps de braquer son dérangeant regard vert sur moi, avant de reprendre dans un soupir ennuyé.

— De la naissance à la puberté nous avons tous la capacité de ressentir la présence des animaux qui nous entourent, leurs émotions si vous préférez. Nous appelons ça la zooempathie. Elle nous sert à comprendre et à trouver l'animal dont l'essence nous correspond le mieux. Puis plus nous approchons de la puberté plus notre champ de perception se restreint, pour finir par ne plus capter qu'une espèce en particulier...celle en laquelle nous allons nous transformer. Nous l'appelons l'animal totem et il est propre à chaque individu. Une fois la première métamorphose déclenchée, nous gardons cette forme animale alternative pour la vie et ne pouvons plus ressentir, ni communiquer avec les autres espèces. Cela se produit généralement entre quinze et vingt ans, quelque fois plus jeune mais c'est assez rare.

— Et plus tard ?

Après tout je n'avais que vingt-sept ans. Peut-être y avait-il encore un petit espoir.

— Cela ne s'est jamais vu jusqu'à maintenant, me répondit-il d'une voix guindée visiblement agacé d'avoir été interrompu.

— Cela ne signifie pas pour autant que c'est impossible ? arguai-je avec espoir.

— Hautement improbable, étant donné que la première métamorphose ne peut se produire que durant la puberté, au moment où des changements majeurs se produisent dans le corps d'une personne. Une fois cette période passée, le corps garde en mémoire les changements survenus, mais ne peut plus en créer de nouveaux.

Autant pour le peu d'espoir que j'avais eu l'espace de quelques secondes.

— Très intéressant tout cela. Mais comme apparemment, à vous en croire, je ne pourrai jamais me transformer, je m'en fiche un peu. En revanche, ce qui me rend si subitement unique ça, ça m'intéresse beaucoup plus.

— Comme vous ne vous êtes pas transformée, certains d'entre nous en sont arrivés à la conclusion que vous auriez pu conserver votre capacité générique à capter les émotions de la plupart des espèces animales et par extension des autres métamorphes. Un peu comme une sorte de sonar.

— Ce n'est qu'une théorie alors ? Vous n'en êtes même pas sûr ! Bon très bien, dis-je en me frottant les tempes pour essayer de faire disparaitre les élancements de mon crâne et tenter d'assimiler tout ce que je venais d'entendre. Admettons que vous ayez raison, en quoi cette capacité pourrait-elle vous être utile ?

— Plusieurs disparitions inexpliquées se sont produites ces derniers mois. Cela commence à devenir plus qu'inquiétant et nous ne pouvons demander l'aide de personne...à part vous. Nous espérons que vous pourrez retrouver la trace des disparus et nous mener jusqu'à eux.

Alors là, je restai sans voix. J'avais déjà beaucoup de mal à faire le tri dans toutes les informations que l'on venait de me donner, qu'ils voulaient déjà se servir de moi comme une sorte de chien de chasse !

— Vous avez une idée de la raison pour laquelle je n'ai pas d'animal totem ? Ni pourquoi je ne me suis jamais transformée ? lui demandai-je, partagée entre ma colère encore présente et une curiosité légitime.

— Non, je n'en ai aucune idée. Mais maintenant que vous êtes là, nous allons peut-être le découvrir. Enfin...si vous restez parmi nous ?

Son regard était calculateur et sa voix n'exprimait aucune émotion...très engageant.

— ...et si j'accepte de vous aider ! finis-je à sa place, indigné mais résigné à la fois.

Eh bien, cela faisait beaucoup de choses à digérer en peu de temps. Mais je n'avais pas le loisir de me retirer pour réfléchir et panser mes blessures. Des réponses que j'espérais depuis longtemps m'attendaient au bout de ce chantage abjecte. Si, dans le processus, je pouvais aider à retrouver les disparus...je n'avais pas le droit de me défiler. Je fixai une nouvelle fois Charles dans les yeux et lui dit d'une voix basse mais ferme,

— Expliquez-moi ce que je dois faire.

Féline. Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant