Est-il nécessaire de vous préciser que je m'étais préparé de toutes les manières possibles et imaginables à ce qui allait se passer maintenant ? Je ne pense pas. Pas plus qu'il n'est nécessaire de vous détailler tout ça par le menu... Mais malgré tous ces préparatifs, j'étais toujours un peu anxieux...
Cette première fois, je me l'étais imaginée, encore et encore. J'en avais rêvé. J'en avais fait des cauchemars. Des centaines de questions avaient assailli, des heures durant, mon esprit d'adolescent torturé. Allai-je être à la hauteur ? Allai-je être déçu ? Allai-je le décevoir ? (étrangement, je ne me suis jamais seulement demandé si un jour je ferai l'amour avec une fille...) Allai-je savoir quoi faire ? Allai-je être capable de me contrôler ? De ne pas venir au bout de 30 secondes, comme un ado devant son premier magazine pour adultes ? Comment éviter d'en faire trop ? Et si je me plantais, comment rattraper le coup ? Et si je voulais tout arrêter, quelle serait sa réaction ? Je m'imaginais que nous étions tous passés par là, mais Ludo m'avait expliqué que ce n'était pas le cas pour lui. Il ne s'était tout simplement jamais posé ce genre de questions, même pas après que je lui aie fait part de mes propres interrogations. Il envisageait les choses sans la moindre angoisse : « ça se passera comme ça doit se passer ». Facile, quand on est beau gosse, hétéro, et que toutes les filles vous courent après. Bon, c'est vrai, je l'admets bien volontiers, il avait bien tenté de m'aider à répondre à mes questions, mais c'était beaucoup plus pour m'aider que par intérêt personnel.
Je vous dois tout de même une précision : Ludo, bien qu'attiré par les filles, et bien que très demandé, était toujours puceau. Il était bien sorti avec quelques filles, mais ça s'arrêtait là. C'était son choix. Un choix pas toujours facile à défendre parce que, pendant que je galérais à me trouver un mec, de son côté il avait dû repousser une ou deux filles entreprenantes. Ces demoiselles avaient eu le tort de s'attaquer avec un peu trop d'insistance au pantalon de mon ami, et à ce qui s'y trouvait.
Bref, tout le monde pensait que Ludo était un serial lover – il s'était même, Dieu sait comment, retrouvé avec une réputation de « super bon coup » – et pourtant j'étais jusqu'à présent le seul à l'avoir vu nu, le seul à l'avoir vu en pleine action, le seul à avoir partagé son lit, et le seul à avoir dormi dans ses bras. Une fois, même, sur un ton faussement attristé, il m'avait fait une drôle de remarque, un truc du style : « Dans ma vie, tu es ce qui se rapproche le plus d'un partenaire sexuel. Comment veux-tu que j'aille bien, après ça ! ». Un oreiller correctement balancé l'avait empêché de développer ce point de vue peu flatteur pour mon ego. Mais bon, je m'égare...
Avec Baptiste, les choses avaient été nettement moins compliquées ! En fait, un grand nombre de mes questions avaient trouvé une réponse dès le début de notre relation. Entre nous, pas de dominant ou de dominé : chacun avait trouvé sa place, et les choses s'étaient faites plutôt naturellement. Nous avions réussi à accorder instinctivement notre jeu amoureux sans avoir à établir de marche à suivre, sans notice, sans mode d'emploi. Tant mieux : rien n'est plus rédhibitoire, à mon avis, que d'envisager l'amour de la même manière que le montage d'une commode IKEA.
Pas besoin non plus de jouer l'athlète du plumard : c'était sa première fois avec un mec, et moi c'était ma première fois tout court. J'étais plus jeune que lui, mais il était aussi plus expérimenté, quoi qu'il en dise. Et plus important encore : il ne me jugerait pas, il ne me forcerait pas... Bref, il ne me ferait jamais de mal. Pour ma part, je ne comptais pas le juger non plus : j'étais bien décidé à le laisser me faire tout ce qui pouvait bien lui venir à l'idée...
Toutes ces réflexions se bousculaient dans ma tête, là, dans le feu de l'action, alors qu'il était allongé, presque vulnérable, et que j'étais sur lui, le bloquant de tout mon poids. Il semblait être totalement en mon pouvoir. Agenouillé au-dessus de lui, mes yeux bleus plantés dans ses yeux verts, j'étais fier d'être l'amant d'un homme si beau, si tendre. J'aurais presque pu le crier sur tous les toits.
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Baptiste (Souvenirs, tome I)
RomanceRomain vient de quitter le collège, et les vacances d'été s'annoncent plutôt bien. Même s'il est prévu qu'il parte en pension à la rentrée, il espère encore faire changer d'avis ses grands-parents. Mais les vacances ne se déroulent pas comme prévu :...