Le meurtrier de la route

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"... Le meurtrier de la route court toujours, on ne connaît toujours pas son identité..."


Depuis que je roule, il n'y a pas une seconde où la radio ne me rabâche la même chose. Depuis hier, il y aurait un fou sur la route, on ne sait si c'est un auto-stoppeur ou un conducteur, car certaines victimes sont retrouvées sur la chaussée, d'autres dans leur voiture, toutes une balle en plein crâne.

Moi, je suis enquêteur en assurances. Je suis en permanence sur la route, voguant de ville en ville pour faire connaître la vérité sur une affaire. En clair, je chasse les menteurs.

Bref la route ça me connaît, et j'ai une raison de ne pas avoir peur du meurtrier, j'ai toujours avec moi un Beretta 92 avec un permis de port d'armes et tout...

Ça devait faire une heure que je roulais sur cette nationale, et je n'avais croisé qu'une seule voiture. Sur ce genre de route qui traverse des forêts, voir les phares d'une voiture déchirer le voile de la nuit est toujours rassurant. Là, seul, la forêt revêtait à nouveau son masque terrifiant.

Je continuais à rouler en écoutant le bruit de mes pneus sur le bitume graveleux, ce qui me tenait éveillé un minimum. Et alors que la torpeur commençait à m'atteindre, sur le bord de la route j'ai aperçu un type levant son pouce..

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans ma tête à ce moment là pour que je m'arrête à une dizaine de mètres de lui et que je klaxonne pour lui faire signe de monter. Sans doute parce que j'espérais, si c'était le meurtrier de la radio, pouvoir l'arrêter et le mener à la police pour qu'ils fassent (enfin) leur boulot. Ou peut-être parce que j'étais trop fatigué pour savoir ce que je faisais vraiment. Franchement, pourquoi je me suis arrêté reste une bonne question.

L'homme est entré par derrière, et s'est installé sur la banquette.
Il était 22h10. Il avait l'air assez sympa, souriant et décontracté, vous voyez le genre. Je n'ai pas eu de mal à engager la conversation.

Je lui ai demandé d'où il venait, où il voulait aller. Il m'a dit qu'il venait de Menton et qu'il espérait rejoindre Ste Maxime au plus vite. Ça tombait bien, c'est là où j'allais.

C'était un type assez drôle, plaisantant beaucoup. Bientôt je lui demandai s'il avait entendu parler de ces affaires de meurtres, il me répondit qu'étant sur les routes en permanence, il n'avait que très peu de temps pour écouter la radio. Il semblait effrayé de cette nouvelle, comme s'il lui était venu à l'esprit que ce soit moi le tueur en série.

Vers 22h20-30, un silence à commencé à s'imposer dans la voiture, ce genre de silence pesant qui met mal à l'aise. L'auto-stoppeur regardait par la fenêtre, le regard vide. Il me paraissait de plus en plus étrange et effrayant. J'ai avalé ma salive assez bruyamment, et ai sans doute touché le pistolet accroché à ma ceinture...

Un moment, l'étranger s'est mis à sourire d'une façon assez angoissante. J'ai fermé les yeux, les ai rouverts... Son sourire avait disparu. J'avais l'impression de commencer à délirer, sans doute à cause du sommeil. Je faisais de lui le coupable idéal.

Morphée se rapprochait à grands pas, c'était chose sûre vu comment mes yeux me piquaient. Je les ai frottés plusieurs fois. Je regardais dans le rétro mon passager qui semblait me fixer avec insistance, comme s'il pouvait deviner chacune de mes pensées...

J'ai eu cette impression qu'il commençait à deviner mes doutes... Il a froncé les sourcils et a penché son cou en le faisant craquer au passage.

Le silence était énormément pesant, glaçant même. J'avais l'impression de pouvoir entendre les battements de mon cœur. Je continuais à jeter des coups d'œil rapides derrière... Son regard semblait s'obscurcir de plus en plus, comme si les ténèbres ambiantes prenaient possession de son corps.

J'ai serré mon arme de ma main qui ne tenait pas le volant, prêt à la dégainer pour me défendre.
La folie s'emparait de moi, dans ce silence je sursautais au moindre bruit suspect. Il a toussé, j'ai sursauté et me suis retourné brusquement, les yeux exorbités, effrayé, en sueur. Il me dit en rigolant que je ferais mieux de regarder la route, que c'était peut-être plus prudent.

La salive venait à me manquer tellement j'étais stressé. J'ai attrapé la bouteille d'eau à côté de moi, et en ai bu une gorgée.

J'ai entendu mon compagnon de route ricaner derrière. Mon cœur battait la chamade. Était-ce une hallucination ? Je n'osais même plus regarder dans mon rétroviseur.

Plusieurs fois, je l'entendis jubiler à l'arrière, et pas une fois je n'osai parler.

Il ricana ensuite une autre fois, le coeur battant la chamade. J'ai levé les yeux vers le rétro pour observer l'auto-stoppeur.
Il ricanait vraiment, son regard semblait empli de folie furieuse, de rictus incontrôlables...
Il souriait de toutes ses dents. Ses yeux, incroyablement ronds, effrayants, me transperçaient. Je ne savais absolument plus quoi faire, me demandant si je n'étais pas tout simplement en train d'halluciner.
Il a alors lentement glissé sa main dans son gilet.

Pensant mon heure venue et qu'il allait sortir une arme de cette poche, j'ai arrêté brusquement la voiture et me suis retourné en sortant ma propre arme pour en finir avec lui.








Mais... Il a été plus rapide...
Beaucoup plus rapide que moi...










Enfin ... J'ai été plus rapide.


S'imaginer ce que pense une victime m'a toujours été bénéfique.

Cependant... Autant j'arrive bien à me placer à la place de mes victimes, autant je ne comprendrai jamais pourquoi ils s'arrêtent sur le bord de la route pour me laisser monter dans leur voiture...

Don't Read at Night | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant