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Elle marche dans le couloir. Les murs sont baignés d'une lueur rougeâtre, presque blafarde, surnaturelle. Quelque chose lui oppresse la poitrine, quelque chose de diffus, d'envahissant. Elle continue à marcher, se forçant à l'oublier. Les hautes fenêtres ne donnent sur rien d'autre que cette lumière rouge et vénéneuse. Et le couloir se poursuit toujours, jonché de fenêtres qui montent jusqu'au plafond et de grands miroirs aux cadres ternis. Elle n'ose pas tourner la tête et observer son reflet. Une peur sourde lui serre le ventre. Elle a l'impression qu'on la suit.

Elle se force à marcher, toujours du même pas. Pourtant elle voudrait courir, s'échapper de cet endroit qui la glace. Mais la peur d'entraîner quelque chose dans sa course est la plus forte, alors elle marche, faussement calme. Le regarde fixé sur le couloir qui semble ne jamais avoir de fin.

Des pas. Quelque chose la suit. Quelqu'un. Elle est en est sûre.

Elle ne doit pas s'arrêter. Ne doit pas courir. Elle en meurt d'envie pourtant. Et oubliant sa raison qui lui hurle de continuer à avancer, elle s'arrête pour se retourner lentement, tremblante.

C'est lui, bien sûr. Comment ne s'en est-elle pas douté ? Il lui sourit avec indulgence. Ses yeux lui paraissent plus clairs que dans ses souvenirs. Elle frissonne.

- Bonjour, dit-il doucement. Je t'attendais.

Elle tourne brusquement les talons. Il n'est pas là. Ce n'est pas vrai, il n'est pas là. Ce n'est pas réel.

Le couloir fait soudain un crochet vers la gauche et elle sursaute violemment lorsqu'elle se se retrouve devant lui. Son sourire lui paraît plus doux que la dernière fois. Elle recule. La tête lui tourne.

- Attends-moi, dit-il. Attends-moi, je suis là.

Elle ne veut pas le voir. Il n'est pas là. Ce n'est pas vrai. Ses yeux tombent sur le miroir encadré de dorures ternies. Son reflet lui renvoie un regarde paniqué avant de hurler en un cri muet. Le miroir explose dans un sifflement et elle trébuche sur les débris avant de partir en courant.

- Attends, souffle sa voix, attends-moi...

Les miroirs se brisent sur son passage. Elle court comme une folle, ne pense plus à rien qu'à fuir, s'éloigner de lui le plus vite possible. Ses poumons la brûlent. Le couloir tourne à droite et à gauche, elle se perd dans le dédale des murs qui se ressemblent tous. Et toujours ponctuant sa fuite, les glaces s'effondrent après elle dans des sifflements aiguës.

Elle tourne à droite et s'arrête net quand elle l'aperçoit à l'autre bout du couloir. Une sueur froide lui coule dans le dos alors qu'elle ne bouge plus, enveloppée par une peur irrépressible qui lui cloue les pieds au sol.

- Non, chuchote-t-elle, non, tu n'es pas là, ce n'est pas vrai...

Il sourit.

- Je suis toujours là. Toujours.

Le couloir raisonne de ses battements de cœur. Le dernier miroir qui les séparait se fissure avant d'éclater sur le sol. Elle n'arrive plus à respirer. Il est tout près maintenant. Il pourrait presque la toucher.

- Non, gémit-elle, je n'ai pas besoin de toi... Je n'ai pas besoin de toi ! Va-t-en !

Dans un élan désespéré elle se jette sur le miroir brisé. Le morceau de verre lui coupe les doigts, mais elle serre et lui enfonce dans la poitrine. Une fois, deux fois, trois fois, dans un geste éperdu. Des filets se sang coulent sur le sol.

Il la regarde avec étonnement. Elle respire fort, tremblante. Le débris de verre lui tombe des mains. Sa vue se trouble.

- Qu'est-ce que tu as fait ? Murmure-t-il avec douceur. Regarde-toi...

Elle baisse les yeux. Trois entailles lui marquent la poitrine. Le sang coule sur son ventre, sur ses jambes, coule sur le sol en larges flaques. Il lui touche le bras avec tendresse. Lui est indemne.

- Tu ne peux pas me tuer, murmure-t-il. Je fais parti de toi.

Il ancre son regard au sien, sourit avec douceur.

- Je suis là. Je t'attends.

EclatsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant