Chapitre 4

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« C'est incroyable ! Dire que nous avons été des esclaves, totalement aveugles, face aux exactions du Nouvel Ordre. »

La voix de 43878-AF était emplie de colère. Son réveil, suite à la lecture avait été brutal. Mais elle semblait bien décidée à combattre le système qui l'avait manipulée depuis tant d'années. Charlie tentait de la rassurer, tout en réfléchissant à une marche à suivre. Il le savait bien : avec leur puce désactivée, il ne faudrait pas longtemps pour que les sbires du Nouvel Ordre se lancent à leur poursuite.

« Je comprends ce que tu ressens. Mais il va falloir agir rapidement. Sinon, on ne fera pas de vieux os. Peut-être que tu pourras t'en sortir, qu'ils passeront l'éponge si tu te fais attraper, mais moi, je serai cuit. Il faut toucher un maximum de personnes en un temps record.

— Tu as raison. Tu m'as expliqué que tu avais depuis ta dernière lecture une sorte de pouvoir, que tu arrivais à lire dans les pensées. J'ai beau essayer, je n'arrive pas à faire une telle chose. Tu sais pourquoi ?

— Non, aucune idée. Peut-être que ça se manifestera d'une autre manière chez toi. Sinon, tu as une idée ?

— Oui. Demain, c'est la grande journée sur la citoyenneté au centre de formation. Tous les jeunes de la cité seront présents. Si, comme moi, en touchant le livre, les autres ressentent des picotements, on pourra faire en sorte que les gens se passent le livre de l'un à l'autre. Ce sera un réveil en cascade.

— C'est dangereux, 43878-AF.

— Arrête de m'appeler comme cela, je m'appelle Anna.

— D'accord, Anna. Il faudra cependant être prudent. Si la moindre caméra ou le moindre formateur constate ce que l'on mijote, tout sera fichu.

— Ne t'inquiètes pas, tout ira comme sur des roulettes, j'en suis certaine. »

Ils échangèrent encore quelques mots, puis, pour ne pas éveiller les soupçons, Charlie retourna dans sa cellule. Il leur fallait se reposer, la journée qui allait arriver serait loin d'être de tout repos.

Charlie fut réveillé de bonne heure par Anna. Elle semblait trépigner d'impatience, comme si elle venait d'apprendre une bonne nouvelle qui allait changer le cours de sa vie. Elle secoua son voisin qui avait du mal à émerger des bras de Morphée.

« Charlie, on a la solution à tous nos soucis ! »

Il se frotta les yeux et regarda le visage de sa concitoyenne. Ses yeux pétillaient. Mais elle lui fit signe de descendre son regard vers ses mains. Elle ne tenait pas un livre, mais bien deux. Ils étaient exactement identiques. Charlie n'en croyait pas ses yeux et leva un regard interrogateur vers Anna.

« Hier, quand tu es parti, je voulais savoir si j'avais un don comme toi. Je me suis concentrée encore et encore, j'ai pu dupliquer ma brosse à dents. J'ai ensuite essayé sur le livre, et ça a marché. »

Charlie se leva d'un bond, et examina les deux livres. Il ne savait pas dire lequel était le sien. Il en pris un en main, le parcourut. Il le posa sur la petite table de la cellule. Anna et Charlie n'en crurent pas leurs yeux : le livre, comme par magie, se dupliqua à nouveau. Il se tourna vers son amie.

« -C'est toi ?

— Non, là, je n'ai rien fait du tout. »

Ils se regardèrent, stupéfaits par cette découverte. Charlie commença à réfléchir à toute vitesse.

« Il faut une personne de confiance, pour faire un test. Voir si ce livre se duplique à l'infini. Si c'est le cas, tout le monde aura son exemplaire en un rien de temps. Si on arrive à le propager comme cela, la censure et la dictature des corporations s'effondreront en un rien de temps.

— J'ai ce qu'il nous faut. Tu te rappelles de 44021-JC ? Il arrête pas de tourner autour de moi, il ferait tout pour que je lui accorde mes faveurs. Il me rend plein de services sans jamais poser de questions, juste pour me faire plaisir. Je pense que l'on peut lui faire confiance.

— Oui, on peut essayer. J'espère qu'il n'ira pas cafter.

— Je vais le chercher, il habite à moins de 15 cellules. »

Anna se leva d'un bond et quitta la pièce. Moins de cinq minutes plus tard, elle rentra, accompagnée d'un garçon de leur âge à l'air plus tôt timide.

« - Tu promets de tenir ta langue 44021 ?

— Oui, tout ce que tu veux citoyenne.

— Bien, merci. Je voudrais que tu touches un objet. Simplement le toucher, ensuite on avisera. »

Elle tendit le troisième livre à son soupirant, qui le prit en main. Ils constatèrent de suite un petit frisson lui parcourir l'échine et une expression d'étonnement sur son visage. Il venait de ressentir le picotement dans ses doigts. Il reposa le livre sur la table, et la duplication de l'objet se répéta. 44021 écarquilla les yeux, ne comprenant absolument pas ce qui était en train de se passer. Charlie se dirigea vers lui, en lui tendant un des exemplaires.

« -Prends-le. Il est à toi. Ne le montre pas ouvertement lorsque tu te balades. Lis-le. Et surtout, fais comme nous. Fais-le toucher par quelqu'un d'autre et invite-le à répéter ce que je viens de te dire. C'est extrêmement important, notre survie, notre libre arbitre en dépend. »

Le nouvel arrivant tira une moue suite aux paroles de Charlie.

« Pourquoi devrais-je t'écouter ? Toi, le type qui passe constamment au centre de rééducation ? »

Charlie soupira, ne sachant quoi lui répondre. Mais Anna sourit, et se tourna vers 44021.

« -Fais-lui confiance. Je t'assure qu'il a raison. J'ai lu ce livre, j'ai ouvert les yeux. Le monde n'est pas tel qu'on voudrait nous le faire croire. Et même si tu ne crois pas ces paroles, est-ce que tu pourrais faire cela pour moi ? »

44021 baissa les yeux, en même temps que ses joues prirent une teinte rose.

« -Bien sûr, citoyenne. Pour toi, je ferai n'importe quoi.

— Merci mon ami. »

Elle lui fit une bise sur le front, un peu comme l'aurait fait une grande sœur pour approuver son petit frère. Après ce geste fort tendre, le 44021 satisfait s'éclipsa dans sa cellule.

...et il vous délivreraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant