(Drake...)
Je n'avais presque pas dormi. L'annonce de Jupiter, la veille m'avait profondément perturbé. Toute la nuit, j'avais ressassé à notre baiser échangé dans le placard, ce jeu auquel je n'avais jamais regretté de participer. J'aurais sincèrement aimé l'approfondir, le prolonger et le rendre officiel, mais la peur de niquer mon amitié avec Lamar m'avait fait reculer. J'avais repoussé Jupiter, au détriment de mon cœur... et de notre amitié à nous.
Je l'avais toujours trouvée magnifique, avec ses rondeurs, et la veille, en la revoyant, j'avais eu l'impression de recevoir un uppercut dans le bide. Jupiter n'était plus la gamine de mes souvenirs, elle était devenue une sublime trentenaire.
Je la revis dans mon esprit : un mètre soixante-huit, un visage ovale, des pommettes hautes, une mâchoire fine. Ses grands yeux semi-bridés, hérités de sa mère, lui donnaient un regard profond, presque hypnotique. Sa bouche dessinée, charnue mais proportionnée, appelait au désir. Sa coupe bob wavy encadrait son visage, ses cheveux sombres à la racine s'éclaircissant vers les pointes grâce à ce tie and dye qui donnait du mouvement et de la lumière. Son corps élancé, sa taille fine, ses hanches dessinées... Elle était plus petite que moi, mais sa silhouette restait harmonieuse, affirmée, et je ne pouvais m'empêcher de la trouver irrésistible.
Je sortis de mes pensées et me garai devant chez Lamar avec mon vieux combi Volkswagen bleu et rose, hérité de ma grand-mère hippie. Je descendis, le cœur battant, et rejoignis les autres déjà arrivés. Jensen portait sa guitare, Tahoe un sac de bouffe ainsi qu'une glacière pour le premier voyage, et Xander avait ramené un disque dur bourré d'une énorme playlist.
Je les regardai, mes potes d'enfance, et je sentis le poids de ce que nous allions entreprendre. Dix jours. Dix jours pour prouver à Jupiter qu'elle n'était pas invisible, qu'elle n'était pas un jouet, qu'elle était la femme que chacun de nous avait toujours désirée, mais jamais osé aimer au grand jour.
Je relevai la tête quand Lamar et Jupiter sortirent de l'immeuble, leurs sacs à dos sur les épaules. Mon regard se posa aussitôt sur elle. Je vis, sans détour, que la culpabilité pesait sur ses épaules comme une armure trop lourde. Ses pas étaient assurés, mais son visage trahissait une fatigue intérieure, une lutte qu'elle ne pouvait cacher.
Je sentis mon ventre se nouer. Je connaissais ce regard, je l'avais déjà vu, autrefois, quand elle portait seule le poids de nos silences et de nos lâchetés. Elle avançait, mais chaque geste semblait chargé d'un secret qu'elle n'osait pas partager.
Je me mordis la lèvre, incapable de détourner les yeux. Une part de moi brûlait de la rejoindre, de lui dire que je comprenais, que je n'avais jamais oublié ce baiser dans le placard, ni la promesse que je lui avais arrachée. Mais une autre part, plus sombre, me rappelait que je n'avais pas le droit. Que Lamar était là, que nous étions tous là, et que ce jeu des dix jours allait mettre nos vérités à nu.
Je soufflai doucement, comme pour me donner du courage. Dix jours. C'était tout ce qu'on avait. Dix jours pour lui prouver qu'elle n'était pas invisible, dix jours pour réparer ce que nous avions brisé. Et moi, je savais déjà que je n'avais pas la force de rester en retrait.
Je saluai les autres par une accolade, puis Lamar de la même façon. Mais pour la première fois, j'étreignis Jupiter. Mon cœur battait trop vite, mes mains tremblaient légèrement. Je la serrai contre moi, plongeai mon nez dans ses cheveux et fermai les yeux. Son parfum me ramena brutalement à ce placard, à ce baiser que je n'avais jamais oublié. À son oreille, je murmurai :
— Je suis désolé.
Surprise, son sac lui échappa. Elle mit du temps avant de me rendre mon étreinte, et ce délai me transperça comme une lame. Quand je la relâchai enfin, elle nous lorgna tous tour à tour et demanda, de but en blanc :
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Une parenthèse fatale...
Короткий рассказJupiter pensait s'offrir une parenthèse joyeuse avant de dire "oui". Pourtant, chaque kilomètre la rapproche de ses fantômes : les regards qui l'ont réduite à "la bonne copine", les provocations restées sans réponse, les désirs qu'elle n'a jamais os...
