Seize

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Emily

Je le savais.

Je savais que je ne pouvais pas tenir aussi longtemps. Je savais que j'allais exploser d'un moment à l'autre, surtout après le choc que j'ai reçu des heures avant; Anna est toujours dans le coma et aucune chance de vie n'est présente jusqu'à l'instant.

Je savais que cette musique me rappellera ma tristesse, et à quel point la vie m'est injuste.

Et puis d'un seul coup, au milieu des cris des personnes présentes, des inquiétudes de ma prof et de mes camarades, je l'ai senti, lui. Et franchement, je ne savais plus quoi penser; il a su que je suis aveugle et pourtant, le voici. Il est là, me tenant fermement dans ses bras, après tout ce temps, après mon désespoir.

C'est stupide mais ça fait mon bonheur de savoir que quelqu'un s'intéresse à moi, vu mon état.

Les pensées s'entremêlèrent un peu dans ma tête; entre Anna et Harry, auquel j'ai pensé involontairement durant ces derniers jours, un peu trop pour être franche. Mais je savais qu'Anna allait passer au-dessus, parce que pour moi, la famille passe avant tout.

Je me maintiens à lui en pleurant toutes ces larmes témoignant de ce que j'ai dans le coeur, et il ne me repousse pas, non. Il me laisse faire, caressant doucement le haut de mon crâne, cette légère tension d'électricité passant encore et encore. Puis, il passe sa main sur mon dos, faisant des va-et-vient pour me réconforter.

-Tu veux aller quelque part ? Murmura-t-il dès que je me calmai peu à peu.

J'hochai simplement la tête, Attends que je prenne ma canne.

-Pourquoi avoir besoin d'une canne quand je peux faire ça, il passe un bras sous mes genoux et me lève facilement, me portant comme un bébé.

Ne m'y attendant pas, j'émets un petit cri en me maintenant a lui.

-Est-qu'on nous regarde ? Demandai-je d'une petite voix, craignant de passer pour une stupide devant ces gens.

-Tout le monde nous regarde.

-Oh, j'apporte mes mains à mon visage et souffle, Oh mon dieu Harry.

Il rit légèrement en me guidant hors du concervatoire, Je rigole. On s'en fout du monde, Emy.

Je souris et baisse la tête, sentant mes joues prendre une légère teinte rosée. Et je me rends à peine compte que cette voix profonde m'a tellement manquée.

Une fois arrivés, il me dépose sans difficulté et je lui murmure un Merci.

-J'avoue que tu es très grosse mais mes muscles ont tout supporté, plaisanta-t-il.

-Hey, protestai-je en lui frappant légèrement le bras.

Il ricana doucement puis redevient sérieux, Pourquoi tu pleurais ?

Je joue nerveusement avec mes doigts et murmure, Ma soeur est dans le coma.

-Oh, ça peut passer.

-Je déteste ce verbe, soupirai-je. Il me montre juste que je suis incapable de savoir comment ça finirait vraiment, et dieu ce que je déteste cette sensation.

-Mon frère a été dans le coma pour des mois, rétorqua-t-il sans que je puisse discerner l'émotion dans sa voix.

-Et ?

-Il est mort.

-J'avoue que c'est très assurant, soufflai-je en effaçant la larme qui s'est échappée de mon oeil.

-Non, Emy. C'est juste qu'on a pas toujours tout ce qu'on veut dans la vie.

-Je sais, reniflai-je. Mais je ne pourrais pas vivre sans elle.

-Un jour ou l'autre, tous les gens auxquels tu tiens partiront, c'est comme ça et tu dois l'accepter, remarqua-t-il avec insistance, comme s'il était la preuve vivante de ses dires.

Je secoue la tête, -Tu ne comprends pas. J'ai perdu mes parents et mes soeurs sont les seules personnes qui me restent, les seules personnes qui s'intéressent vraiment à moi. Je n'ai pas d'amis, parce que personne ne voudra de moi.

Il y a Shane, mais je ne sais sérieusement pas ce qu'il lui prend.

-Non, je sais très bien que c'est faux.

-Si, tu m'en a donné la preuve. Tu t'es envolé pendant des jours quand t'as su à propos de ma cécité, dis-je fermement.

-C'est juste que la nouvelle était un peu surprenante, c'est tout. Je ne savais pas comment te reparler pour être honnête, alors je suis venu chaque jour pour te regarder, Emy. Chaque putain de jour.

-Oh, je baisse la tête, un peu gênée.

-Ne sois pas gênée. Je pourrais te regarder pour toujours.

-Toujours ?

-Toujours.

-Toujours est un temps infini, Harry. Et personne ne peut te garantir une vie de toujours.

-Tu m'impressionne de jour en jour, Emily, souffla-t-il sensuellement. Mais non, le temps ne définit pas le mot toujours. Je pourrais te regarder pour de longues heures, et sentir comme une éternité. La vérité est qu'on ne s'ennuie pas de te regarder.

Je souris timidement, Ta lettre m'a beaucoup marquée.

-Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? Pourquoi avoir honte ? Interrogea-t-il avec de l'inquiétude dans sa voix.

-Tu veux savoir pourquoi ? Parce que j'en ai marre des gens qui me traitent comme un bébé ! J'ai marre qu'on me raconte que le ciel est bleu et l'herbe verte. Je ne suis pas stupide. Je sais ce qui se passe dans le monde. Je suis consciente des guerres et des problèmes, je suis consciente de la famine et de la pauvreté, je suis consciente du sexisme et des fléaux. J'avais peur. J'avais peur que je m'attache et que tu t'envoles, parce qu'on me le fait vraiment souvent, je soupire, passant une main dans mes cheveux. Alors pourquoi ne pas me traiter comme une personne normale ?

Un petit silence s'installa, et je peux dire qu'il réfléchit, ou qu'il est distrait.

-Tu veux aller au cinéma avec moi ? Demanda-t-il soudain.

-Quoi ? Je fronce des sourcils. Est-il vraiment sérieux ?

-J'ai dit est-ce que tu veux aller au cinéma avec moi ? Répéta-t-il.

-Je ne pense pas que c'est le moment, Harry, soufflai-je. Mon cerveau est très occupé par ma soeur.

-Tiens mon numéro, il me file un bout de papier. Tu demanderas à ta soeur de me texter quand tu es libre.

Basique Harry qui ne renonce jamais.

One first look - h.s [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant