UNFAIRNESS

.04. Os Mordazes

Yennefa.

Mordaz.

C'est comme ça qu'ils se nomment.

Le nom d'un groupe qui inspire une morsure fatale. Le coup du maître, ces dents qui se plantent dans une peau sans jamais la relâcher.

C'est une métaphore qui désigne que la trace de ce groupe reste, s'ancre, et ne part pas.

Kaleb, qui est à la tête de cette puissance, représente quelqu'un qu'on n'ose pas défier, ne serait-ce que du regard.

Dans les rues de Rio, sa réputation est claire, ensevelie par celle de la faction. Le clan est connu, et non pas pour ses vertus.

Les Mordaz, ou plutôt Os Mordazes, n'ont rien d'un simple gang de motards. Ils sont bien plus que cela.

Les courses représentent certes une partie de leur fortune, mais, d'autre part, des affaires plus bilieuses leur permettent de s'élever dans la hiérarchie, devenant presque intouchables.

Sauf pour Os Demônios, cette faction rivale qui les perturbe depuis des années.

Il m'a été confié que cette haine mutuelle entre les groupes était issue d'un accident.

Cependant, je n'en ai jamais su plus. Je dois dire que Kaleb n'est pas du genre à s'étaler sur le passé.

Il préfère se concentrer sur la haine qu'il ressent, comme les autres.

Je suis allongée sur mon grand lit double, celui que je partage avec Tyna depuis mon arrivée au Brésil.

Fixant le plafond, je me laisse entraîner par mes pensées, mes deux paumes à plat sur mon ventre.

– Je ne comprends pas comment Kaleb peut te laisser participer à cette course aujourd'hui... lance Tyna en s'affalant sur le bord du lit.

Je tourne la tête vers elle, étudiant les boucles épaisses qui cascadent dans son dos.

– Je ne sais pas... Peut-être que je lui ai forcé la main ? répliqué-je machinalement, en expirant un soupir de fatigue.

Elle secoue la tête, rabattant ensuite son attention sur ses longs ongles manucurés en violet.

– Ce n'est pas ça... En réalité, ce qui m'interroge le plus, c'est de me dire qu'il te laisse affronter Os Demônios, entame-t-elle en marquant une pause. Kaleb ne prendrait jamais un tel risque. Rien que pour ses propres hommes, il a du mal à faire confiance.

Je hausse les épaules, me redressant ensuite du lit.

– Caio pense qu'il veut me tester, ajouté-je. Pour me laisser une chance, d'une certaine manière...

Tyna pivote vers moi, un sourire s'étire sur ses lèvres fines, comme si je paraissais innocente.

– Dans ce monde-là, il n'y a pas de place pour la chance, Yennefa. Comment un chef pourrait-il se permettre de laisser une 'nouvelle' courir pour lui, et face à ce gang-là ?, s' interroge-t'elle.

– Je n'en sais rien, je réponds en passant ma main sur un des plis de la couverture. Mais s'il y a bien une chose dont je suis certaine, c'est que je vais tout faire pour arriver sur le podium. Kaleb m'a dit que c'était la seule chose qu'il pouvait attendre de moi.

Tyna redresse une de ses mèches foncées, ses yeux s'agrandissant avec douceur tandis qu'elle m'étudie.

– Il te considère comme un membre de sa famille, tu sais ? me lance-t-elle dans une rhétorique bienveillante.