CHAPITRE 28

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« Le manteau de la vérité est souvent doublé de mensonge. »
Proverbe Danois


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Isaac








Ambre me dévisage avec horreur alors que la vérité éclate entre nous.

Je ne pensais pas qu'elle l'apprendrait si tôt. Je comptais lui dire la vérité une fois que mon père serait derrière les barreaux, mais ma peur a eu raison de moi.

L'expression blessée qu'elle arbore est aussi douloureuse qu'un poignard planté dans mon cœur. La déception, la colère, la haine.

Elles défilent toutes sur les traits de son visage, alors qu'elle rechigne à accepter cette vérité, en secouant la tête.

Ses yeux humides m'observent avec la même haine qu'elle me témoignait le jour où nous nous sommes rencontrés, au gala de charité.

— C'était toi, murmure-t-elle en se rattrapant de justesse au bras du canapé.

J'essaye de l'approcher, mais elle m'intime d'un mouvement de main de ne pas faire le moindre mouvement. J'obéis et m'immobilise, sans savoir quoi faire pour la rassurer.

Que pourrais-je bien lui dire de toute façon ? Désormais, tout ce qui sortira de ma bouche sera considéré comme un mensonge.

J'ai réussi à gâcher la seule chose de bien qui me soit arrivée depuis des années.

— Depuis le début, c'était toi, répète-t-elle, comme pour ancrer l'information.

— Ambre, écoute-moi, je la supplie en faisant un pas dans sa direction.

Elle recule de deux pas à nouveau.

— J'ai détesté Andrew pendant si longtemps, me coupe-t-elle. Je l'ai maudit de m'avoir sorti de là, au lieu de me laisser m'éteindre en même temps que mes parents et Sébastien. Pendant tout ce temps, je me suis demandé pourquoi c'est moi qui ai eu le luxe de continuer à vivre, alors qu'ils n'étaient plus là. Je me suis détestée de continuer à respirer, alors qu'ils avaient perdu le souffle dans des circonstances horribles.

Elle relève les yeux dans ma direction, la poitrine bombée et la tête haute.

Je me sens comme une merde, c'est le cas de le dire.

J'ai envie de la prendre dans mes bras et de la supplier de me pardonner. J'ai envie qu'elle comprenne que je ne l'ai jamais fait dans le but de lui nuire. Tout ce que je voulais, c'était l'aider. Tout ce que je voulais, c'était faire quelque chose, pour éviter que la liste des victimes de mon père n'augmente d'un nom de plus.

Si je devais le refaire, je le ferais sans hésiter, à la différence que je ne la laisserais pas entre les mains d'Andrew. Il m'avait promis qu'il prendrait soin d'elle, mais à la place, il l'a abandonnée dans un orphelinat, et je n'ai pas réussi à le faire changer d'avis.

Alors j'ai espéré que la haine de cette nuit lui donnerait la volonté nécessaire pour rester en vie. J'ai été égoïste, je le sais, et pourtant, je n'arrive pas à m'en vouloir.

Parce que je suis persuadé d'avoir fait la bonne chose. Pas de la bonne manière, je l'avoue, mais tout de même.

— Mais j'ai fini par me rendre à l'évidence que ma survie n'aurait rien changé à leur mort, reprend-elle en se mordant la lèvre inférieure, au bord des larmes. J'ai fini par accepter que vivante ou morte, Jonathan, Chloé et Sébastien Benet seraient morts de toute façon. Parce que j'ai vu cette lueur quitter leurs yeux ce soir-là, alors que je m'étais cachée pour essayer de m'en sortir.

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant