Vingt Victoires

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La pluie tombait depuis quelques heures à présent et se mêlait au sang qui recouvrait le sol, créant de petites rigoles qui s'écoulaient entre les cadavres. Par endroit, des flaques boueuses se formaient et gênaient les déplacements. Le bruit du fer qui s'entrechoquent résonnaient dans la plaine en échos aux cris de guerre que certains des combattants hurlaient. Tout avait commencé depuis un moment, mais aucun des deux camps ne semblait vouloir rendre les armes. Les corps s'amoncelaient les uns sur les autres, faisant obstacle à ceux qui étaient encore debout. Beaucoup titubaient, d'autres chutaient, d'autres encore chancelaient sous le poids de leurs armures gorgées d'eau. Les blessures, pourtant superficielles pour certaines, commençaient à s'infecter. La fatigue s'insinuait, fauchant les plus endurants et leurs faisant faire le mouvement de trop, facilitant les failles dans leurs défenses.

Quand soudain, le son caractéristique de la trompe se fit entendre. On sonnait le repli, annonçant la défaite de l'un des deux camps. Les armes se baissèrent et les perdants évacuèrent le champ de bataille, gardant un œil sur les vainqueurs. Mais à quoi pouvait servir un mort de plus ? Le sol s'était déjà abreuvé de bien des vies.

Lorsqu'il ne resta plus qu'un drapeau, qu'une couleur, les survivants se mirent à crier et la fatigue se mua en liesse. Ils étaient vivants et ils avaient gagnés. S'aidant à marcher les uns les autres, les épées traînaient parfois lourdement à leurs côtés. La force les quittait enfin mais l'envie de rentrer au campement leur donnait des ailes.

Un chassé-croisé débuta et les mandatés aux équipes de secours envahirent la plaine. C'était à présent l'heure de soigner les blessés et de récupérer les corps.

Morann rejoignit le campement en aidant un de leurs hommes dont la jambe avait été entaillée sur toute la hauteur. Avec le sang qu'il perdait, Morann était surpris qu'il soit encore en vie. Mais le soldat s'accrochait. Il lui avait retiré son armure pour que le fer ne vienne pas cisailler plus la plaie béante et lui avait fait un pansement de fortune.

Le chemin fut éprouvant mais le campement était en vue. La première tente était celle médicale. Poussant les tentures, il le déposa sur un des lits d'appoint et fit un signe de la main au guérisseur présent. Celui-ci vint rapidement s'occuper de l'homme. Il les laissa là et se remit en route pour une autre tente.

Malgré la pluie, les soldats non blessés ou ne nécessitant pas de soins urgents aidaient les moins valides tout en riant et commentant la bataille. Les pertes étaient nombreuses, mais la joie d'être en vie prenait le pas sur le reste. Ils venaient de remporter le combat.

Morann sourit en les voyants ainsi. Et dire qu'il y a quelques heures, la peur d'aller affronter leurs ennemis se lisaient dans la plus part des prunelles. C'était tous des hommes forts et ils se battraient jusqu'au bout pour leur roi, cependant, ils n'en restaient pas moins des hommes.

La tente du commandant trônait au centre du campement, reconnaissable par son tissu rouge bordé de doré. Morann poussa la lourde draperie et pénétra dans la chaleur tiède du lieu.

— Déjà en train de planifier la prochaine attaque.

C'était plus une affirmation qu'une question.

— La perte de temps pourrait nous être fatale.

Morann s'approcha de la table placée dans un coin. Dessus se trouvait une grande carte et quelques pions avaient bougé depuis ce matin. Mais son regard dévia des plans pour remonter vers leur commandant en chef. Il n'avait jamais été impressionné par la stature de cet homme qui pourtant en effrayait plus d'un. Car ce n'était pas sa musculature plutôt ordinaire pour un homme portant une armure et s'exerçant assez souvent aux combats, ni ses talents de bretteurs qui faisaient de lui un homme craint à présent. Mais plutôt sa facilité à voir et comprendre les agissements ennemis. Il planifiait avec doigté et exactitude tous les scénarios possibles avant de sélectionner les plus probables et de les contrer.

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